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Raisonner la lutte contre les vers des poules pondeuses

L’impact des helminthes sur les performances des poules dépend de l’espèce et du nombre. Bien les identifier et les surveiller est indispensable pour agir à bon escient.

La pression parasitaire augmente en productions de poules plein air, par un contact accru avec les hôtes intermédiaires des helminthes, tels que le ver de terre, concentrateur d’oeufs.
La pression parasitaire augmente en productions de poules plein air, par un contact accru avec les hôtes intermédiaires des helminthes, tels que le ver de terre, concentrateur d’oeufs.
© P. Le Douarin

Avec l’élevage plein air, le risque d’infestation des poules pondeuses par les helminthes est exacerbé. Ces vers parasites se logent principalement dans le tube digestif des volailles. Leur contamination se fait en ingérant des œufs présents dans l’environnement mais aussi par l’ingestion d’hôtes intermédiaires tels que les vers de terre, dont les poules raffolent sur les parcours.

L’observatoire des helminthes créé par l’Itavi et l’Anses en 2019, pour mieux connaître la prévalence de ces parasites en France, a confirmé une charge parasitaire élevée. 84 % des 54 lots de poules pondeuses plein air ou biologiques étudiés étaient porteurs de nématodes. La moitié hébergeait aussi des cestodes.

« La présence de parasites n’est toutefois pas toujours synonyme de problèmes parasitaires », rappelle Jean-Michel Répérant, de l’Anses de Ploufragan. L’expert en parasitologie aviaire appelle à plus de vigilance avec le développement des élevages alternatifs, et pas seulement en plein air. Par rapport à la cage aménagée, le risque d’helminthose est aussi plus élevé au sol et en volière, lié à un contact accru avec les fientes. La pondeuse est plus à risque que le poulet plein air, du fait d’une durée de vie plus longue et du risque d’infestations cumulatives.

Une pathogénicité très variable selon l’espèce

Le spécialiste distingue trois niveaux croissants d’impact sur les pondeuses : le simple portage, la baisse des performances (dégradation de l’indice de consommation, chute de ponte), l’altération de la santé des volailles (morbidité, troubles digestifs, affaiblissement voire mortalité). Tout dépend du niveau d’infestation et des espèces d’helminthes présentes, toutes n’ayant pas la même pathogénicité.

 

 
Jean-Michel Répérant, parasitologue à l’Anses de Ploufragan : « Le suivi régulier des populations est essentiel pour évaluer la charge parasitaire et la pathogénicité des espèces présentes, et traiter si cela a vraiment un intérêt pour la volaille. »
Jean-Michel Répérant, parasitologue à l’Anses de Ploufragan : « Le suivi régulier des populations est essentiel pour évaluer la charge parasitaire et la pathogénicité des espèces présentes, et traiter si cela a vraiment un intérêt pour la volaille. » © A. Puybasset
« Les vers les plus connus et plus fréquents sont les nématodes Ascaridia et Heterakis, seul le premier étant pathogène. Les capillaires, enfouis dans la muqueuse intestinale ou du jabot, sont assez rares mais très virulents », illustre-t-il. « Les cestodes (appelés ténias) sont plus fréquents en plein air car ils sont hébergés par des mollusques, insectes ou vers. Certains grands vers facilement repérables à l’œil nu lors de l’autopsie, tels que Raillietina, sont plutôt inoffensifs. À l’inverse, les petits Davainea qui se cachent dans la muqueuse duodénale sont très pathogènes. Quelques vers suffisent pour impacter les performances. » Il est donc essentiel de suivre régulièrement les populations de vers pour évaluer leur pathogénicité avec des méthodes de recherches précises (voir ci-dessous) et agir en conséquence.

 

Réguler les populations de vers

 

 
Ascaridia est le ver le plus fréquent, responsable d'une chute de ponte et d'un amaigrissement.
Ascaridia est le ver le plus fréquent, responsable d'une chute de ponte et d'un amaigrissement. © J.-M. Répérant
Le contrôle des helminthoses se fait essentiellement par des vermifugations régulières. « L’objectif est de réguler la population de vers sans l’éradiquer pour maintenir un certain équilibre hôte-parasite. » Bien identifier les espèces infestantes aide à choisir la molécule adaptée et à optimiser le calendrier des traitements en fonction du cycle de reproduction propre à chaque ver. Quatre molécules sont homologuées contre les nématodes (lévamisole, pipérazine, flubendazole, fenbendazole). Si toutes sont efficaces contre Ascaridia et Heterakis, ce n’est pas le cas pour les capillaires et les syngames. « Sur les cestodes, elles sont autorisées sans revendication officielle et sans démonstration de réel intérêt. »

 

Éviter les zones humides sur les parcours

Contre les cestodes, le meilleur moyen de lutte est de limiter les contacts avec les hôtes intermédiaires, notamment les limaces et escargots dans le cas du ver Davainea. Il faut empêcher les zones d’humidité qui attirent les gastéropodes : drainer les parcours, empierrer les abords autour des trappes pour faciliter le séchage des fientes et une exposition à la lumière du soleil, les UV détruisant les œufs. « La durée de persistance d’un œuf d’helminthe est d’au moins un an. Le vide sanitaire ne suffira pas. » Le dépoussiérage et le lavage avec un détergent après le départ du lot vont toutefois diminuer la pression dans l’environnement. Les parcours restent cependant très difficiles à décontaminer.

Le cestode Raillietina est un ver à segments. Son hôte intermédiaire est le ténébrion ou la fourmi.

 

La lutte contre les vers passe aussi par la maîtrise des populations d’insectes dans les bâtiments, en particulier les mouches, ténébrions et fourmis, hôtes intermédiaires de certains cestodes.

Enfin des solutions alternatives de type phytothérapie se sont multipliées ces dernières années. L’Anses réfléchit à la mise en place d’un modèle expérimental « helminthe » d’ici 2023 qui permettra de faire un tri dans les molécules et produits présentant un réel intérêt.

 

La vermifugation autorisée en bio

En production sous agriculture biologique, l’utilisation des anthelminthiques classiques est autorisée. La vermifugation fait partie des méthodes de prophylaxie et n’est pas considérée comme un traitement. Le nouveau règlement applicable depuis janvier 2022 introduit cependant de nouvelles contraintes d’utilisation. Un diagnostic doit être réalisé préalablement au traitement. Et surtout, les œufs ne peuvent plus être commercialisés en bio durant la durée du traitement et pendant 48 heures après la fin du traitement. L’interprétation de la Commission européenne sur ce point réglementaire est en cours.

 

Une méthode de recherche des helminthes plus précise

Complémentaire à la coprologie, la méthode par tamisage aide à identifier les vers pathogènes.

 

 
La méthode de tamisage sur fond noir facilite l'identification des vers, mêmes petits, tel que ce ver Heterakis.
La méthode de tamisage sur fond noir facilite l'identification des vers, mêmes petits, tel que ce ver Heterakis. © J.-M. Répérant
La méthode de recherche des vers parasites la plus courante est la coprologie, basée sur l’observation des œufs dans les fientes, les vers y étant rares. « Elle présente certaines limites et ne permet pas d’évaluer le risque et la nécessité d’un traitement », explique Jean-Michel Répérant. « Les œufs ne sont pas toujours présents dans les fientes. Les femelles ne pondent pas en continu. Certaines larves, stades immatures qui ne pondent pas, peuvent causer des dommages au niveau tissulaire. On peut donc passer à côté d’une infestation. » Cette méthode peut aussi sur- ou sous-évaluer le risque.

 

 

 
Oeuf de ver Ascaridia. Les oeufs d'Ascaridia sont durs à différencier de ceux d'Heterakis (ci-dessous) par la coprologie. Le premier est pathogène et l'autre non.
Oeuf de ver Ascaridia. Les oeufs d'Ascaridia sont durs à différencier de ceux d'Heterakis (ci-dessous) par la coprologie. Le premier est pathogène et l'autre non. © J.-M. Répérant
« Les œufs d’Ascaridia sont difficilement différenciables de ceux d’Heterakis. Présent dans une grande majorité d’élevages, ce dernier est très peu pathogène alors qu’Ascaridia peut entraîner une baisse de croissance, de la ponte et parfois de la morbidité. Ce ver peut en outre passer dans l’œuf de la poule. Conséquence d’une pression parasitaire trop importante, ces cas heureusement très rares auraient un impact négatif sur l’image de la production. »

 

 

 
Les oeufs de ver Heterakis
Les oeufs de ver Heterakis © J.-M. Répérant
Enfin, la coprologie ne permet pas de repérer les cestodes, plus fréquents en production plein air. Ils ne pondent pas d’œufs mais des segments évacués indépendamment de la défécation. « Ils ont une motilité propre et ressemblent à de petits vers blancs. Ils ne sont visibles dans les fientes qu’en cas de forte infestation. »

Privilégier le tamisage sur fond noir

Réalisée toutes les six semaines, la coprologie aide à évaluer la charge parasitaire. Mais en cas de performances non optimales du lot de poules pondeuses, Jean-Michel Répérant conseille de réaliser une analyse par méthode de tamisage sur fond noir d’un pool d’intestins et de caeca. Développée en 2019 par l’Anses et l’Itavi et disponible dans plusieurs laboratoires, elle vise à décompter et à identifier les vers, également les plus petits, présents dans les intestins d’animaux sacrifiés. « Cette méthode très sensible aide à mettre en évidence des vers très dommageables, même peu nombreux dans le tube digestif. » Le coût de cette méthode de recherche est d’environ 60 à 80 euros pour quatre volailles, contre une cinquantaine d’euros pour la coprologie.

 

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