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L’avenir de la volaille en Bretagne passe par le poulet lourd

Après avoir été la championne du « poulet export » destiné au Moyen Orient, la Bretagne a les cartes en main pour devenir celle de la reconquête du marché intérieur avec du poulet lourd.

ELEVAGE DE POULET LOURD EN BRETAGNE. Selon une étude prospective de la chambre régionale d’agriculture, il n’est pas exclu que l’aviculture bretonne du poulet de chair rebondisse grâce à l’effet positif de l’origine France, aussi bien pour le poulet export que pour le poulet lourd
© A. Puybasset

Malgré la disparition de l’entreprise Doux en avril 2018, l’hécatombe du poulet export n’a pas eu lieu. Au lieu de cela, les planètes se sont alignées pour offrir deux portes de sortie aux 160 aviculteurs bretons et aux salariés de cette filière : la poursuite du modèle export et le développement d’une nouvelle activité avec le poulet lourd destiné aux marchés français de l’industrie, de la transformation et de la restauration hors domicile.

Du côté du poulet export, depuis le 18 mai 2018, Al Munajem, seul client saoudien des poulets Doux en Arabie Saoudite, a repris l’abattoir de Châteaulin rebaptisé France Poultry. Mi 2018, l’abattoir repartait au rythme de 280 000 poulets par jour. Aujourd’hui, il atteint les 340 000 têtes par jour. Al Munajem en voudrait 500 000 (le plein régime avec une troisième équipe) mais les Français ont refusé, par prudence (risque sur le stock de congelé en cas de retournement du marché). En effet, Al Munajem a confié l’organisation de l'approvisionnement en vif à l’organisation de production Yer Breizh codétenue avec des partenaires français (1). Du fait d’une conjoncture favorable (prix supérieur, recul des Brésiliens pour raisons politiques et sanitaires, parité euro-dollar), l’abattoir est à nouveau rentable (200 000 euros au premier trimestre), contrairement aux prévisions (moins cinq millions d'euros estimés pour 2019).

Du côté du poulet destiné à la France, le groupe LDC s’est engagé à construire un nouvel abattoir à Châteaulin. Déjà embauché, le directeur du futur abattoir a trouvé un point de chute, non loin de l’abattoir Poultry France, afin de construire sur un terrain vierge, contrairement au projet initial. Estimé à 55 millions d’euros, l’outil devrait abattre 800 000 poulets lourds par semaine, ce qui selon nos calculs nécessitera un parc d’élevage de l’ordre de 400 000 m2 à partir de 2021. "L’abattoir « Châteaulin 2 » représentera 15% de la viande de poulet importée en France, équivalent à 6 millions de poulets hebdomadaires", précise Roland Tonarelli le directeur général de la Société Bretonne de Volailles qui chapeaute tous les outils de LDC en Bretagne.

Lire aussi : societe bretonne de volaille, l'arme de la reconquête

Des éleveurs qui attendent des garanties pour évoluer

Dans un contexte porteur en Arabie Saoudite, 97 % des éleveurs Yer Breizh poursuivent la production avec du poulet export, d’autant que la souche utilisée désormais est plus rustique et plus facile à élever qu’avant. Ils semblent hésiter à faire le pas entre le poulet léger qu’ils maîtrisent techniquement - mais dont l’avenir à moyen terme reste tout de même flou - et le poulet lourd présenté comme l’avenir - mais qui est nouveau pour eux et plus exigeant à élever. Marc Cornec, le président des éleveurs fournissant Yer Breizh, l’a clairement exprimé le 5 avril, lors d’une table ronde organisée à Pontivy par la chambre d’agriculture de Bretagne. « Les éleveurs sont en position d’attente vis-à-vis de Al Munajem comme de LDC. Il faudrait leur donner l’envie d’investir sur le long terme. »  Du côté de Yer Breizh, son président Pascal Le Floch annonce plusieurs millions d’investissements dans les outils amont, notamment l’usine d’aliments. "La Région Bretagne veut aussi accompagner la mutation du petit poulet « export » au gros poulet « métro » destiné à l’industrie et de la restauration hors domicile", confirme Olivier Allain, vice-président du Conseil régional, en charge de l’Agriculture et de l’agroalimentaire. Une enveloppe de 15 millions d’euros est prévue pour financer l’abattoir SBV- Châteaulin 2. Quant aux élevages, une aide spécifique (hors PCAEA) de 50 000 euros est fléchée pour les bâtiments neufs avec béton et fenêtres. Un prêt d’honneur de 50 000 euros avec différé de trois ans est aussi disponible et un fonds de garantie pour les jeunes porteurs de projet est en cours de constitution. Il couvrira 80 % de 200 000 euros empruntés.

Reconquérir progressivement la confiance

Ces éleveurs savent bien que produire du poulet lourd imposera de rénover l’existant (pour environ 100 euros/m2 sans compter le désamiantage dans beaucoup de cas) ou de construire (pour environ 350 euros/m2 estimés par la chambre d’agriculture) et d’adapter leurs techniques d’élevage. Il n’y a aucune raison qu’ils n’y parviennent pas car « les éleveurs se sont toujours adaptés aux attentes des abattoirs » a souligné Marc Cornec. De plus, a ajouté Guénaël Le Sourd, directeur de l’organisation de production Huttepain Bretagne, "l’expérience a déjà été réalisée avec succès lorsque l’abattoir Doux de Sérent (Morbihan)." Les éleveurs sont passés au poulet lourd lorsque l'outil a été repris par SBV en 2012, après le dépôt de bilan de Doux. Pour reconquérir leur confiance, Marc Cornec suggère de procéder par étapes, « peut être en commençant par une rénovation de base des bâtiments, avant de mettre des fenêtres et de bétonner les sols. » LDC se trouve donc confronté au défi d’une double reconquête, celui de son amont et celui de son aval.

 (1) Yer Breizh est détenu à 33,5% par Al Munajem, 33 ,5% LDC, 14% Terrena, 14 % Triskalia et 5 % par la région Bretagne

 

Chiffres clés de la volaille de chair en Bretagne

  • Le parc d’élevage de chair (hors label rouge) :

    • 2000 exploitations avicoles de chair et 3.5 millions de m2 en 2017 ;

    • 14% des bâtiments ont moins de 10 ans et un quart du parc est concerné par un départ en retraite d’ici 2025 ;

  • Les productions entre 2008 et 2017 :

    • Le poulet progresse de 6% (380 00 t en 2017) ;

    • La dinde s’érode de 24% (150 000 t en 2017) ;

    • Le canard reste stable à 21-22 000 t ;

  • Les débouchés entre 2013 et 2017 :

    • Le débouché intérieur a crû de 45 % en volume (325 000 t en 2017) ;

    • Les exportations vers les Pays tiers ont diminué de 44% en volume (133 000 t en 2017) et de 48% en valeur mais pèsent encore 49% des exportations totales (178 millions d’euros en 2017) ;

    • Les exportations vers l’UE restent stables en volume (96 000 t en 2017) mais s’érodent de 17% en valeur (183 millions d’euros).

 

 

 

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