En France, le confort animal, source de compétitivité
Pour les interprofessions des volailles standard, respecter le bien-être animal va de soi et est compatible avec le mode d’élevage intensif.
Pour les interprofessions des volailles standard, respecter le bien-être animal va de soi et est compatible avec le mode d’élevage intensif.
Les éleveurs et le milieu de l’élevage sont en général réticents à se remettre en cause face aux attentes sociétales. « Ils estiment être à juste titre les mieux placés pour régler ces questions, résume Gilles Le Pottier, délégué général des interprofessions poulet, dinde et canard de chair. Ils admettent mal de recevoir des conseils sur les façons d’élever des animaux dont ils connaissent le mieux les besoins. »
Ce constat fait, deux attitudes sont possibles. Rejeter toute critique ou suggestion, mais cela fait courir le risque d’être marginalisé par rapport aux attentes du client et du consommateur, surtout dans un marché européen ouvert. La seconde est de voir le côté positif de ces attentes. « Si les éleveurs font bien leur travail, ils n’ont pas besoin de changer leurs méthodes. Ce qu’il faut, c’est le prouver en y mettant de la méthode. » L’enregistrement des mortalités dans le cadre de la directive bien-être du poulet de chair est un bon exemple (voir encadré).
Des contraintes leviers de progrès
« Il faut que ces nouvelles contraintes deviennent des leviers de progrès », estime encore Gilles Le Pottier. L’exemple du poulet danois est parlant. Plus le taux de pododermatites est faible et plus les performances sont élevées, du fait de meilleures maîtrises de l’ambiance, de la litière et de la conduite. En France, Avril-Sanders arrive aux mêmes conclusions avec ses éleveurs bretons de poulets lourds. Entre les élevages extrêmes (100 % de pododermatites et moins de 30 %), Nicolas Quillerré, de Sanders Bretagne, a calculé un différentiel de 7000 euros pour un 1000 m2. Pour rester en phase avec nos voisins, à l’avenir il faudra peut-être tenir compte de cet indicateur.
Concilier bien-être animal et performance
Cette démarche de progrès est possible dans le cadre d’investissements générant de meilleures performances. Car la productivité n’exclut pas la prise en compte du bien-être animal estime le délégué professionnel. « Celui-ci résulte d’une interaction des animaux avec les équipements et avec la conduite d’élevage. La baisse de densité n’est pas la bonne réponse dans un contexte de marché ouvert à la concurrence. » Le socle du bien-être et les niveaux techniques requis sont déjà précisés dans les référentiels professionnels balayant la globalité des exigences (bien-être, biosécurité sanitaire, sécurité au travail, environnement…). Un guide spécifique des bonnes pratiques du bien-être, comme le souhaitent les pouvoirs publics, n’apporterait rien de plus.
À l’avenir, « en élevage, on n’ira sans doute pas tellement plus loin en matière de critères bien-être », rassure le porte-parole. La profession s’attend à des évolutions réglementaires transversales durcies sur le transport des animaux et leur abattage. En matière d’interventions humaines (traitements du bec et des griffes), les défenseurs considèrent ces actes comme révélateurs du dysfonctionnement de l’élevage moderne. Pour les professionnels, ce n’est pas toujours le signe d’un mal être, mais plutôt d’un comportement spécifique. Néanmoins, il sera nécessaire d’améliorer ces comportements par la sélection génétique, par l’innovation technologique et par la conduite d’élevage. À condition que cela reste acceptable en termes de rapport entre les surcoûts engendrés et les bénéfices attendus.
Noter tous les dysfonctionnements
• Le rapport de l’inspection de l’Office alimentaire et vétérinaire, réalisée en France sur l’application de la directive poulet de chair, a rappelé que la règle européenne ne distinguait pas la mortalité du tri des poussins (durant les dix premiers jours). Mais elle admet que la responsabilité de l’éleveur peut être dégagée en cas de circonstances indépendantes de sa volonté. Le chargement par mètre carré peut être compris entre 39 et 42 kg vif si et seulement si le taux de mortalité journalière cumulée est inférieur au seuil (1% + 0,06 % x âge d’abattage) pendant sept lots consécutifs.
• Une grille d’analyse des causes a été mise en place par les autorités françaises depuis septembre 2015, après concertation des professionnels. En pratique, la fiche d’élevage doit comporter une colonne pour la mortalité et une autre pour le tri, et permettre d'annoter les motifs et leurs interprétations. Pour le moment, aucune sanction n’a été prise contre les non-conformités, mais cela ne durera sans doute pas. Par souci de crédibilité de la démarche.