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En circuit court, l’influenza crée des difficultés en cascade

Les Germain élèvent, gavent et transforment des oies et des canards pour fournir le magasin familial. La découverte d’un virus H5 n’affecte pas seulement la production, elle déstabilise toute l’entreprise, jusqu’au client final.

Installés à Domme en Dordogne, au cœur du Périgord Noir, Alain Germain, son fils Sylvain, et leurs épouses, travaillent la noix et l’oie, deux productions bien spécifiques de la région. Les cinquante hectares de la ferme de Turnac sont plantés exclusivement en noyers. Des vergers qui offrent des parcours de qualité aux oies. La production des palmipèdes remonte aux années 70. Elle s’inscrit dans une logique de valorisation de produits en vente directe sur un terroir qui profite du tourisme. « À la base, nous sommes éleveurs et arboriculteurs, explique Alain Germain, mais nous avons appris les métiers de bouche pour l’abattage et la transformation, et ceux du commerce pour la boutique, la gestion des expéditions, l’organisation des visites guidées, l’accueil des camping-cars. »

L’oison chétif qui déclencha tout

Depuis douze ans, l’élevage d’oies reproductrices de Turnac fait partie du réseau national de surveillance programmée de l’influenza aviaire. Le 17 novembre, une suspicion est déclenchée suite à une visite de la DDCSPP. Vingt sujets sont prélevés à une semaine d’intervalle. « Parallèlement, je constate la mort de trois oisons de 18 jours. J’alerte les services vétérinaires et j’ajoute un quatrième sujet chétif pour l’analyse. » Le 27 novembre, les prélèvements aléatoires s’avèrent négatifs, sauf POUR l’oison ajouté qui révèle la trace d’un virus influenza H5N2 hautement pathogène. L’arrêté préfectoral est pris le 1er décembre. Ce fut le troisième foyer d’influenza HP déclaré. Le lendemain, les 1500 palmipèdes du site sont euthanasiés. « Nous avons attendu des nouvelles jusqu’au 14 décembre, sans savoir quoi faire, sans information sur la non-transmissibilité de ce virus à l’homme. C’était une situation très stressante. » Finalement, la DDCSPP indique que les analyses permettent d’envisager le nettoyage et la désinfection. Les éleveurs doivent tout nettoyer sans laisser une trace de souillure. Du 15 décembre au 5 janvier, quatre personnes s’affairent au nettoyage intégral. « Cette opération a été délicate et nous a contraints de faire des choix. Certains bâtiments ont été en partie démontés pour arriver à une propreté intégrale. Nous avons préféré démolir notre bâtiment de démarrage, trop vétuste, que nous comptions refaire dans deux-trois ans. Cette année, des investissements sont prévus pour les vergers. Il va falloir jongler avec la trésorerie. » Les deux désinfections ont lieu le 7 et le 15 janvier. Après les 21 jours de vide réglementaire, l’activité a repris en partie. À partir du 8 février, faute d’avoir un bâtiment démarrage, ils ont rechargé les salles de gavage avec des animaux testés, issus de la zone de restriction, à nouveau testés au 7e jour de gavage.

Un volet financier toujours en attente

Le retour d’expérience des Germain est celui d’un manque de concertation et le sentiment d’avoir été un peu dépossédés. « Rien ne nous interdisait de faire fonctionner l’unité de transformation à partir de mi-décembre. Mais personne ne nous l’a dit ! C’est dommage, car cela nous aurait redonné un peu le moral. » Côté financier, « la troisième semaine de février, nous avons touché un règlement correspondant à 50 % de la valeur des animaux abattus, précise Alain. Et j’attends le reste, mais sans confirmation pour la date. » Comme pour le volet sanitaire, où aucun résultat d’analyse n’a été donné hormis par voie orale, les indemnisations à venir restent hypothétiques. Sylvain Germain participe aux réunions professionnelles. Il a le sentiment d’une administration consciente des problèmes, mais débordée. À court terme, l’objectif des éleveurs, « c’est la création de deux canetonnières de 135 m2, qui devront être fonctionnelles pour la mi-mai. Mais nous attendons de connaître les règles de biosécurité pour ne pas faire d’erreur pour leur installation. » La crainte de difficultés à retrouver des animaux, notamment des oies, se fait déjà sentir. « Nous espérons que les éleveurs indépendants ne passeront pas après les grandes organisations de production. »
Pour Alain et Sylvain, le préjudice économique ne s’arrête pas aux animaux euthanasiés. En circuit court, il faut aller jusqu’au bout : quelle sera la réaction de la clientèle ? Les touristes vont-ils éviter de visiter des "zones influenza » ? Comment va se passer la concurrence entre les transformateurs indépendants pour se fournir en matière extérieure ? L’adaptation aux nouvelles règles fait aussi craindre un coût de production supplémentaire. Alain et Sylvain devront résoudre l’équation du « juste prix », en sachant que la revalorisation du prix devra s’accorder avec le portefeuille du client.

Une production calée sur la vente

L’exploitation élève et gave environ 4 000 palmipèdes chaque année, avec une répartition à parts égales entre oie et canard. La famille Germain gère le domaine avec trois salariés polyvalents et une et demie pour la transformation. Avec son troupeau de reproducteurs de 85 femelles et 30 mâles," l’oie symbolise notre histoire depuis nos débuts, confie Alain. Nous travaillons en circuit fermé pour 40 % des volumes et que complétons par l’achat d’oisons d’un jour chez un accouveur départemental. » Après le démarrage en canetonnière, les animaux bénéficient de 22 hectares sous les noyers, avec douze parcours et des abris dédiés. Le gavage nécessite 4 repas par jour pendant 21 à 24 jours. « Nous travaillons en deux bandes de 90 animaux décalées dans une salle de 180 places ». Les canards sont arrivés en 1997 pour répondre à la demande. Achetés en prêts à gaver, les mulards sont gavés dans deux salles de 160 et 100 places. « On approvisionne l’atelier de transformation toute l’année, en tenant compte des pics saisonniers pour la vente en magasin. C’est la production qui s’adapte à la vente et non le contraire. »

L’Union départementale 24 réactivée

L’Union départementale de Dordogne (UD 24) est une association apolitique créée dans les années 80 pour représenter et défendre les 350 « indépendants » du Périgord face aux mutations réglementaires (normes, IGP, abattage et transformation). Mise en sommeil, l’UD 24 a été réactivée par l’influenza et par la jeune génération, notamment Sylvain Germain. « Pour faire connaître nos spécificités, nous participons à toutes les réunions entre professionnels et autorités. Il existe une vraie solidarité entre éleveurs, qui est plus difficile à obtenir chez les transformateurs et les revendeurs indépendants. Ceux-ci jouent les opportunités, analyse Sylvain Germain. Se regrouper est indispensable si nous voulons construire notre après-crise. Nous souhaiterions avoir un représentant au Cifog, au même titre que les circuits longs coopératifs. Les réunions Cifog tenues à Bordeaux et Montauban illustrent la prise en compte de nos particularités. »

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