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Alsace, le réveil des filières

Les filières chair, foie gras et œuf alsaciennes profitent de l’engouement du consommateur en faveur de l’origine locale pour grignoter doucement des parts de marché dans un bassin de consommation dont elles sont loin de satisfaire tous les besoins.

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© C. Reibel

 


Poulet label et standard, coquelet, poussin, foie gras fermier de canard et d’oie, œufs de marque régionale : la vitrine avicole de l’Alsace est bien garnie. Mais pas question de rivaliser avec les poids lourds nationaux. Les professionnels avicoles alsaciens sont satisfaits s’ils parviennent à exploiter en plus du standard, le potentiel qu’offre l’origine locale.

 


La filière plutôt discrète jusqu’en 2010 s’est réveillée pour jouer cette chance à fond. Ce qui n’était pas couru d’avance. Car entre Vosges et Rhin où les piliers agricoles se nomment maïs et viticulture, l’aviculture n’est le plus souvent qu’une orientation complémentaire parmi d’autres. Les agriculteurs y songent quand ils se diversifient par manque de foncier ou parce qu’un de leurs enfants s’installe. Une bonne moitié des producteurs se débrouille seuls. À l’une ou l’autre exception près, c’est la situation de presque tous les éleveurs haut-rhinois. À l’inverse, les producteurs organisés se recrutent majoritairement dans le Bas-Rhin, le département où se trouve Siebert, le principal abatteur de la région.

 


Ils sont à l’origine de la mise en place d’un fleuron ou d’une marque par filière : le label rouge en poulet de chair, les marques Büreland pour les œufs et Gänseliesel pour le foie gras fermier. Ces bannières profitent à plein de la demande croissante pour des produits locaux. Producteurs indépendants et organisés s’accordent majoritairement sur un même slogan : « produire alsacien pour les Alsaciens ». « La filière avicole trace son chemin en silence. Elle n’est plus ignorée. Peu d’autres productions peuvent se targuer d’un tel dynamisme. Bon an, mal an, une demi-douzaine de JA s’installe en volaille de chair. Les projets sont viables, même s’ils nécessitent une mise de départ importante », analyse Thomas Kelhetter, technicien avicole à la chambre d’agriculture du Bas-Rhin. Les acteurs des trois filières partagent cet optimisme. Comment ne le feraient-ils pas ?

 


Ces productions ne se voient pas vraiment de faiblesse, sauf peut-être celle d’une taille modeste qui ne leur donne pas la possibilité de voir naître comme en Bretagne des entreprises spécialisées dans la prestation de services (nettoyage, désinfection, ramassage, etc.). Cette assurance repose d’abord sur des filières chair et pondeuses bien structurées. À commencer par l’approvisionnement en poussins. En 2000, le Couvoir de la Solitude (Haut-Rhin) s’est spécialisé dans les démarrés destinés aux particuliers et aux revendeurs pendant que les Couvoirs de l’Est (Bas-Rhin) se concentraient sur les poussins de chair livrés aux éleveurs organisés. Leurs éclosions sont passées de 150 000 par semaine il y a dix ans à 170 000 actuellement. Elles sécurisent 100 % du marché en coquelets et poulets label rouge et couvrent 85 % des besoins en standard.

 


La ferme Schafbusch prend le relais en pondeuses avec la génétique désirée par le client. Sur 1,5 million de poulettes produites par an, elle en livre 600 000 aux éleveurs alsaciens. Les fabricants d’aliment aident à planifier les nouveaux bâtiments et à élaborer les plans d’alimentation. À côté de l’intervenant allemand RKW et de privés avec un périmètre d’intervention plus large comme Sanders Grand Est et le Lorrain Nestal, c’est le rôle que s’est avant tout octroyé Costal, le régional de l’étape. La société revendique une part de marché chair autour de 80 % sur l’Alsace.

 


Les résultats techniques des éleveurs dont le degré de spécialisation est variable, sont corrects. Ils maîtrisent globalement le risque sanitaire, en dépit d’une alerte aux salmonelles en 2011, dont les sources ont été identifiées et circonscrites au couvoir.


L’abattoir Siebert dynamise la filière chair


Même sans groupement de producteurs, la volaille de chair est le secteur le plus dynamique de l’aviculture alsacienne. Il profite de la croissance continue de Siebert SA. L’abatteur jouit presque d’un monopole dans la mesure où ses deux confrères, René Meyer SA à Wingersheim et la SNC Koerckel à Saint- Léonard cumulent à eux deux à peine 5 % des mises en marché. « L’abattoir donne la tendance. S’il gagne, tout le monde gagne », lance un Bruno Siebert tout sourire. C’est lui qui a allumé le feu vert pour l’augmentation des capacités des éleveurs standard en 2010. D’une part en raison de la bonne marche des affaires de Siebert SA, mais aussi eu égard à son choix de relocaliser la production près de son site d’abattage d’Ergersheim. Les investissements de ces éleveurs seront désormais soutenus. À compter de 2013, les poulaillers chair sont éligibles au plan bâtiment à hauteur de 10000 € (12000 € pour un JA). Ils peuvent aussi bénéficier d’une aide plafonnée à 40 000 € en cas de sortie d’exploitation. Ces subventions s’ajoutent aux 40 % d’aide possible (50 % pour un JA) et plafonnée à 40 000 € pour l’achat de matériel au titre du plan de performance énergétique.


La percée de la volière en œuf alternatif


La production d’œufs reste pour sa part très atomisée. Les éleveurs affichent des degrés de spécialisation divers. Ils ont calqué leurs efforts sur l’évolution globale qu’a connue le secteur. Entre 1990 et 2000, ils ont intensifié leurs élevages. Si bien qu’au-delà de 30 000 poules, voire déjà 20 000, les éleveurs ont fait le choix de fabriquer eux-mêmes leur aliment. Entre 2000 et 2005, ils ont développé l’œuf alternatif avec des bâtiments de 10 000 poules. À présent, ils s’orientent vers la volière. Jean-Marc Hege, gérant de la ferme du Schafbusch à Wissembourg, constate : « il y a dix ans, mon élevage disposait de 240 000 places pour poulettes cages et 20 000 pour poules au sol. Aujourd’hui, nous en sommes à 350 000 places en cage, 180 000 au sol et 150 000 en volière ».

 


Les professionnels s’attendent à voir passer en mode alternatif 100 000 poules supplémentaires en 2013-2014. La performance de ponte sur onze mois se situe en moyenne entre trois et cinq œufs au-delà de la norme nationale. « Les producteurs alsaciens sont rigoureux et consciencieux », explique Jean-Marc Hege. Terminons cette revue des troupes par le foie gras. L’Alsace se targue d’avoir été dans les années 1780, la terre où le foie gras a été inventé par Jean-Pierre Clause, cuisinier du Maréchal de Contades. Pour autant, la région est le Petit Poucet de la production française de foie gras. Si deux industriels font la course en tête en travaillant essentiellement des matières premières importées, les producteurs fermiers augmentent progressivement leurs mises en places et leurs volumes, mais sans peser bien lourd dans le décompte final. Comme leurs collègues actifs en volaille de chair et dans la production d’œufs, ils envisagent sereinement l’avenir. Ils voient leur principale force dans leur proximité avec le consommateur. Et les récents scandales alimentaires les confortent dans cette opinion!


 

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