question de vigneron
Vinification : comment réaliser un bon blanc de noirs ?
Plusieurs étapes clés sont à maîtriser afin de transformer du raisin rouge en vin blanc. Deux œnologues conseil de terrain nous livrent leurs préconisations.

Marilyne Bouix, œnologue conseil chez Enosens, à Grézillac, en Gironde
« Je conseille de mettre quelques sticks de glace carbonique à la réception, dans la maie du pressoir et dans la cuve de débourbage »

La date de récolte est le second point clé. Deux éléments sont à prendre en compte : l’équilibre entre les sucres et l’acidité totale (analyse en laboratoire) et l’équilibre aromatique, qui doit se situer entre le végétal et les fruits rouges. Pour le merlot, la fenêtre de récolte est courte, entre 3 et 5 jours. Généralement, il faut récolter entre 8 et 15 jours avant les rouges.
La protection contre l’oxydation est primordiale. Pour cela, il faut limiter au maximum la trituration et ne pas hésiter à inerter avec de la glace carbonique dès la récolte. Je préconise également de mettre quelques sticks à la réception puis dans la maie du pressoir et dans la cuve de débourbage. Le pressurage doit être le plus court possible, sans rebêche. Dès que le jus qui sort est un peu coloré, on arrête.
Dernier facteur de réussite : le choix de la levure. J’opte pour des levures de blancs. Selon le profil souhaité par le viticulteur, on vinifiera entre 18 et 19 °C (profil thiol variétal) ou entre 15 et 16 °C (profil bonbon anglais, pêche, amylique). Je recommande par ailleurs de veiller à une bonne nutrition azotée des levures, afin qu’elles révèlent un maximum d’arômes.
Hormis ces points clés, je conseille de décolorer les jus avec un charbon liquide dès la maie du pressoir car plus on agit tôt, mieux la couleur part. De même, j’enzyme directement dans la maie. Je passe ensuite au froid durant 24 à 48 heures, en visant une turbidité de 100 NTU.
Je n’ai jamais fait la malo sur un blanc de noirs. Par contre, en sortie de FA, j’effectue un élevage sur lies, afin d’apporter du volume en bouche, du gras, du corps. Si le viticulteur dispose de lies de blancs dans une autre cuve, il peut en ajouter au blanc de noirs afin de gagner en complexité aromatique.
Durant la FA et l’élevage sur lies, il peut aussi être intéressant d’ajouter des blocks (ou dominos) à faible dose (0,5 à 1 g/hl) pour apporter du volume en bouche. Je prône une filtration stérile pour éviter tout départ de malo en bouteille. »
Irène Grellois, œnologue consultante à l’ICV de Montpellier, dans l’Hérault
« Je recommande l’ajout d’enzymes sur les raisins pour faciliter l’écoulement et limiter l’extraction de couleur »

Au niveau de la date de récolte, il ne faudra pas aller trop loin. Il faut étudier la cinétique de synthèse des précurseurs aromatiques selon les cépages, afin de rester sur des arômes variétaux. Cela conduit à vendanger en légère sous maturité. Le grenache noir, par exemple, devra être récolté vers 13 % vol.
Le deuxième point est la décoloration et l’élimination de la colle. La dose maximale de charbon est de 100 g/hl, mais pour certains cépages, ce sera vite juste. Pour cela, je conseille de ne prendre que les premiers jus de goutte et de triturer le moins possible. Un combo charbon et protéine végétale peut aussi donner de bons résultats. Je recommande l’ajout d’enzymes sur les raisins pour faciliter l’écoulement et limiter l’extraction de couleur.
Il faut ensuite bien éliminer la colle, via un débourbage statique avec enzymage, ou filtration lorsque c’est possible. On vise une turbidité de l’ordre de 150 à 250 NTU pour ne pas être trop sur des notes fermentaires et avoir quand même du volume en bouche.
Je préconise une FA autour de 17-18 °C pour exacerber le côté variétal blanc, avec une levure pour blancs, par exemple chez nous l’Opale 2.0, et une nutrition sous forme d’azote organique. On peut aussi assembler le vin avec une petite proportion de bourbes de blanc filtrées. On les réincorpore en FA ou après.
Il faut ensuite stabiliser le vin comme on le ferait pour un blanc, et filtrer à 0,65 micron s’il n’y a pas de sucres et un peu de SO2. »