VIDÉO | Les AOC sont-elles compatibles avec les variétés résistantes ?
Les variétés résistantes, qui ont fait leur apparition il y a une quinzaine d’années, permettent un moindre usage de produits phytosanitaires, mais elles sont soupçonnées de modifier la typicité des vins. Or, les AOC ont depuis plusieurs mois le droit de les intégrer à leur cahier des charges.
Les variétés résistantes, qui ont fait leur apparition il y a une quinzaine d’années, permettent un moindre usage de produits phytosanitaires, mais elles sont soupçonnées de modifier la typicité des vins. Or, les AOC ont depuis plusieurs mois le droit de les intégrer à leur cahier des charges.
Dans ces Controverses organisées par Reussir et l’IFV (Institut français de la vigne et du vin) qui ont eu lieu au Vinitech à Bordeaux le 29 novembre 2022, Loïc Le Cunff, généticien à l'IFV fait face à Bernard Farges, président du Cniv (Comité national des interprofessions des vins à appellation d'origine et à indication géographique).
Les variétés résistantes impliquent-elles la perte de typicité des vins ?
Loïc Le Cunff : Nous développons des programmes très spécifiques dans chaque région vinicole où le matériel est testé de façon à sélectionner, dans le climat de la région, avec les pathogènes et les pressions de la région, les individus qui semblent les plus intéressants. Donc les variétés qui sont en cours ne sont pas forcément spécifiques à une région mais celles qui vont arriver autour de 2030, ont vraiment été pensées typicités régionales et sont réalisées avec les acteurs de la région.
Quel est l'intérêt de ces variétés résistantes ?
Loïc Le Cunff : On sait, grâce à l'observatoire OsCar, observatoire des cépages résistants, que l'on peut réduire de 90% l'IFT fongique sur le mildiou et l'oïdium. Comme nous travaillons de nouvelles résistances, il sera aussi potentiellement possible de réduire les insecticides : la résistance à la flavescence dorée et le black-rot, une impasse en bio, pour lequel on pourra apporter des gènes de résistance. Effectivement, on apporte quelque chose d'énorme, parce que 90%, c'est un pas qui n'a jamais été franchi par aucune filière. En général, c'est 3, 4%. Là, on a fait un bond gigantesque grâce aux variétés résistantes.
Les AOC ont depuis 2021 l'autorisation d'intégrer les variétés résistantes à leur cahier des charges, doit-on s'en réjouir ?
Bernard Farges : C'est une vraie victoire d'avoir obtenu ces évolutions réglementaires et techniques. Depuis quelques mois, des cépages résistants peuvent être intégrés dans nos cahiers des charges d'AOC viticoles françaises et européennes. Il y a une quarantaine, voire une cinquantaine d'années, les AOC avaient voulu interdire les hybrides dans leurs aires. Depuis 10 ans, nous constatons que nous avons besoin de cette voie pour répondre aux enjeux climatiques et environnementaux.
Désormais, les appellations d'origine contrôlée, les unes après les autres, pourront se poser la question, de l'intégration, ou pas, de ces cépages résistants dans les AOC. Il n'y a donc pas de crainte de dérive avec des vagues de cépages résistants dans les vignobles français, cela se fera bien sous l'autorité de l'Institut national des appellations d'origine et du ministère de l'Agriculture, mais sur la volonté initiale des viticulteurs d'une appellation d'origine contrôlée qui voudront intégrer ces différents cépages.
Comment les variétés résistantes sont-elles obtenues ?
Loïc Le Cunff : Ce ne sont pas des OGM, elles sont obtenues par hybridation c'est-à-dire, un peu comme chez l'humain, il y a un papa et une maman : on a une hybridation, on a un enfant. L'enfant c'est la variété, né d'un processus naturel. On apporte le pollen du papa qui nous intéresse sur la maman qui nous intéresse et on récolte les pépins qu'on va semer. Ils vont pousser et parmi ces individus-là, certains auront hérité des gènes de résistance, d'autres pas. On passe ainsi par un premier crible et ensuite on les implante au vignoble pour trouver celles qui répondent au cahier des charges, à l'attendu, avec la qualité voulue, le rendement, la couleur, les arômes : c'est un deuxième crible qui se passe au vignoble.
Une trentaine de variétés résistantes sont inscrites au catalogue. Parmi ces variétés, il y a deux types : les anciennes et une nouvelle vague qui s'est illustrée par le programme Inrae ResDur. Pour résumer, les variétés résistantes sont des variétés qui ont, dans leur patrimoine génétique, un gène de résistance qui leur confère une résistance à un pathogène. C'est très spécifique : il faut parler de variété résistante au mildiou, à l'oïdium ou au black-rot. Une variété peut aussi avoir plusieurs résistances, on a actuellement des variétés qui sont résistantes et durables au black-rot, au mildiou et à l'oïdium.
Y a-t-il d'autres variétés résistantes à venir ?
Loïc Le Cunff : La création variétale, c'est un pas de temps qui est très long, entre l'obtention du pépin et l'inscription, on a une vingtaine d'années qui s'écoulent. Ainsi, pour ce qui est des variétés inscrites, leurs pépins ont été obtenus il y a 20 ans, mais on a continué en parallèle à obtenir de nouveaux pépins, à intégrer de nouvelles résistances, à choisir de nouveaux géniteurs sur des variétés très connues comme le pinot, le cabernet franc, l'ugni blanc, le sauvignon, etc.
On a utilisé une vingtaine de variétés emblématiques françaises dont on a obtenu les pépins autour de 2014, de ce fait, on aura une inscription autour de 2030. Jusqu'en 2030 on va avoir régulièrement des inscriptions au catalogue de nouvelles variétés, avec de nouveaux comportements, de nouvelles qualités, ce qui va nous permettre d'apporter de la diversité.
Retrouvez nos fiches variétés sur les ResDur1 :
Voltis, un blanc idéal pour l’assemblage
Floreal, pour des vins expressifs et aromatiques
Vidoc donne des vins colorés et structurés
Artaban, un résistant pour des vins légers et colorés
Et sur les ResDur2 :
La variété résistante coliris donne des vins puissants et colorés
Selenor, une variété résistante qui offre des vins aromatiques et floraux