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L'ozone, une piste contre les maladies fongiques en viticulture

Que ce soit pour lutter contre les maladies cryptogamiques ou celles du bois, les premiers essais de traitement de la vigne à l’eau ozonée sont prometteurs. Point sur les recherches en cours.

Peu nombreux sont les essais de pulvérisation d’eau ozonée au vignoble. Pourtant, les rares conclusions existantes sont unanimes : l’intérêt est avéré. L’effet biocide de la molécule permet de limiter le développement des champignons de l’esca, et diminue l’intensité des attaques de mildiou et botrytis, voire d’oïdium.

Au laboratoire des sciences agronomiques et agroalimentaires de l’école Purpan à Toulouse, Romain Pierron a réalisé sa thèse sur les propriétés de l’eau ozonée dans la lutte contre Phaeoacremonium aleophilum, agent infectieux de l’esca. Et il a découvert qu’elle a une action sporicide évidente. Lors des tests in vitro, l’étudiant a mis en contact des spores du champignon avec différentes concentrations d’eau ozonée, à savoir 2,2 ; 4,5 et 13,5 g/m3. « C’est-à-dire à des concentrations réalisables au vignoble », précise-t-il. Le résultat est sans appel. Dans les trois cas, la totalité des spores en présence sont mortes. Fort de ce constat, Romain Pierron s’est lancé dans des essais in planta. Pour cela, il a réalisé des plaies de taille sur des sarments en laboratoire, qu’il a ensuite infectées avec le champignon de l’esca, puis traitées dans la foulée avec une eau ozonée concentrée à 4,5 g/m3. « Suite à cela nous avons analysé la croissance fongique », explique le doctorant. Là encore, les conclusions sont très encourageantes. Avec un seul traitement, on observe une diminution de 50 % de la croissance du champignon par rapport au témoin, dans les neuf semaines qui suivent l’inoculation.

Pas d’effet toxique sur la plante

L’ozone abîmant les molécules organiques en règle générale, les scientifiques ont par ailleurs cherché à savoir s’il y a un effet sur le bois, qui est lui aussi en contact avec l’eau ozonée. « Aux concentrations que l’on utilise, nous n’avons jamais observé de symptômes dus à l’ozone, assure Jacques Alban, enseignant-chercheur à Purpan et directeur de la thèse de Romain Pierron. Il n’y a pas d’effet toxique sur la plante. » Dès les premiers résultats, le laboratoire a décidé de monter un projet pour accélérer le transfert à la vigne. « Nous savons qu’il y a un intérêt, et nous n’avons pas de temps à perdre avec d’autres essais en laboratoire, car le sujet est brûlant », soutient le chercheur. Des partenaires industriels privés planchent donc sur cette thématique depuis deux ans. Selon l’équipe de Purpan, les résultats préliminaires sont intéressants, mais nécessitent encore une phase de développement. « Ce que l’on peut affirmer pour l’instant c’est qu’il s’agira quoi qu’il en soit d’un traitement préventif, et non curatif, ajoute Jacques Alban. L’ozone ne sera pas un remède miracle contre les maladies du bois, mais une solution de biocontrôle qui devra faire partie d’une lutte intégrée. » Les conclusions de la thèse de Romain Pierron laissent présager d’autres applications possibles. « Il peut être intéressant de nettoyer les sécateurs avec de l’eau ozonée, illustre Jacques Alban. Puisqu’elle joue le rôle de sporicide de surface, cela peut limiter les contaminations par le matériel de taille et éviter l’emploi de désinfectants chimiques. »

Mildiou et botrytis dans le collimateur

Étant donné les propriétés antifongiques contre l’esca, le laboratoire entend déposer un projet pour étudier l’ozone dans la lutte contre le mildiou et l’oïdium. D’ailleurs, une autre doctorante du service, travaillant sur le pommier, a prouvé l’intérêt de l’eau ozonée dans la lutte antifongique contre les maladies cryptogamiques telles que la tavelure, mais a aussi validé in vitro l’action sporicide de l’ozone sur Botrytis cinerea. En 2014, Frédéric Violleau, enseignant chercheur à Purpan, expliquait dans nos colonnes qu’à une concentration supérieure à 10 g/m3, et malgré un temps d’exposition de moins de 30 secondes, l’eau ozonée est efficace sur l’agent de la pourriture grise.

De leur côté, les Italiens ont d’ores et déjà lancé des expérimentations au vignoble en vue de limiter les traitements phytosanitaires chimiques. Lors du projet « residuo 0 », un consortium privé/public a étudié l’effet de l’ozone sur les populations de bactéries, champignons et levures sur la vigne, et l’incidence sur les maladies cryptogamiques. Sur une parcelle située en Vénétie, les scientifiques ont comparé l’action d’un itinéraire technique conventionnel à un traitement à l’eau ozonée et à l’eau électrolysée. Résultat, l’ozone ne présente pas différence avec un itinéraire classique sur les populations de bactéries et de levures, mais réduit significativement celles de champignons. Une donnée qui se vérifie visuellement, lors de l’observation de la pression des maladies fongiques. Alors que la fréquence d’attaque du mildiou atteint plus de 95 % sur le témoin non traité et près de 5 % dans la modalité conventionnelle, les vignes traitées à l’eau ozonée ne présentent que 2 %.

Des résultats à consolider par de nouveaux essais

De même, l’intensité est plus faible dans chaque cas (voir graphique). « Les résultats préliminaires sont positifs, estime Aida Raio, chercheuse au Consiglio Nazionale de Ricerche de Florence, mais ils ont besoin d’être confirmés par de nouveaux essais. » Un avis que partage Cristian Carboni, de l’entreprise De Nora, même s’il ajoute que quelques verrous techniques devront également être levés afin d’espérer une utilisation au vignoble à grande échelle et à un coût acceptable.

Outre-Atlantique, les avis sont partagés. Seth McFarland, consultant dans le Nebraska, a réalisé plusieurs essais. Ses données suggèrent que l’eau ozonée contrôle efficacement le mildiou, mais n’apporte pas une protection efficace en cas de pression du black-rot. Pour Wayne Wilcox, de l’université de Cornell dans l’État de New York, l’ozone pourrait avoir un effet de surface efficace contre l’oïdium, mais pas contre les maladies atteignant les tissus de la plante, comme le black-rot. Une chose est sûre, l’eau ozonée est un potentiel moyen de lutte intégrée, et gagnerait à être étudiée par les instituts techniques afin d’acquérir de plus solides connaissances.

 

(((TÉMOIGNAGE)))

« L’eau ozonée donne de bons résultats à la vigne »

« J’ai acheté un ozoneur de la société américaine Agri O’zein en 2013, que j’ai adapté à mon pulvérisateur. Un investissement de 10 000 euros. Lors de la campagne 2015, j’ai réalisé un essai sur 0,5 hectare de riesling et pinot gris. Je suis passé une fois par semaine avec de l’eau ozonée à 9 mg/l en période de risque, soit sept passages sur la campagne, et je n’ai utilisé de traitement chimique que pour encadrer la fleur, pour ne pas prendre de risque. Le résultat sur cette parcelle était équivalent à mon programme chimique classique : pas de mildiou ni de botrytis, et un tout petit peu d’oïdium, alors que le témoin non traité était fortement atteint. Pour moi, l’intérêt est réel. Par ailleurs il n’y a pas de contrainte particulière, je roule à la même vitesse en pulvérisant 400 litres par hectare. Je n’observe pas d’effet délétère, ni de problème d’irritation, et cela ne laisse aucun résidu. J’ai même mesuré la quantité d’ozone dans l’air, et n’ai pas trouvé d’incidence. Sur le feuillage, la différence est flagrante, il est plus vert, comme si on l’avait nettoyé. J’aimerais réaliser de nouveaux essais, pour mieux maîtriser la technique, mais je n’ai malheureusement aucun soutien, c’est décourageant… »

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