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Une loi de Finances 2019 d’une portée limitée

Que peut-on en attendre de la loi de finances 2019 pour les exploitations viticoles ? Pour Olivier Augeraud, expert-comptable associé de Groupe BSF, membre d’AgirAgri, si dans l’esprit, la loi présente des avancées notables, sa rédaction imparfaite en limite l’application. Interview.

Olivier Augeraud, expert-comptable associé de Groupe BSF, membre d’AgirAgri, espère que les instructions fiscales à paraître pourront favoriser l'application de certaines avancées de la nouvelle loi de Finances pour l'instant mitigées.
© Groupe BSF

Le nouveau dispositif de dotation pour épargne de précaution (DEP) est-il une avancée ?

Le dispositif (1) incite les exploitants à constituer une épargne de précaution déduite du revenu imposable (et du revenu social). C’était une forte demande du monde viticole. Mais la DEP est limitée à cinq ans alors qu’elle remplace la déduction fiscale pour investissement (DPI) et la déduction fiscale pour aléas (DPA) qui étaient des dispositifs permanents. Elle ne concerne que les exploitations imposées en bénéfice agricole et pas celles soumises à l’impôt sur les sociétés (IS), alors que toutes sont soumises aux mêmes risques. Tel qu’il est rédigé, le texte pose des difficultés d’application. Nous attendons que les instructions fiscales à paraître précisent certains points.

La DEP permet de substituer en totalité ou en partie une épargne en nature basée sur les stocks à rotation lente à une épargne monétaire. N’est-ce pas positif ?

En soi, oui. Mais le texte dit que la somme épargnée doit atteindre « à tout moment » au moins 50 % des déductions pratiquées et non encore rapportées au résultat. Cela implique que dès qu’une bouteille du stock « stickée DEP » est vendue, il faudrait verser immédiatement une partie du prix de vente sur le compte bancaire dédié pour reconstituer l’épargne sous forme monétaire. C’est inapplicable ! On ne peut pas non plus mobiliser son épargne par exemple en cas de gel, et attendre le remboursement de l’assurance pour reconstituer l’épargne de précaution. En l’état du texte, il faudrait réintégrer le double de l’épargne prélevée au compte du résultat ! Il serait plus réaliste de pouvoir faire le point à la clôture de l’exercice.

La DEP ne se calcule que sur le bénéfice agricole (BA). Est-ce un frein ?

La conséquence pratique est l’obligation d’établir une comptabilité analytique pour séparer le BA « pur » qui constitue l’assiette de calcul de la DEP, des revenus accessoires BIC ou BNC rattachés aux BA (dans les conditions de l’article 75 du Code général des impôts) mais qui sont exclus de l’assiette de la DEP. C’est un coût supplémentaire.

Plusieurs dispositions entrent dans le cadre des aides de minimis agricoles défini par la législation européenne. Quelles sont les conséquences ?

Le règlement européen prévoit qu’une entreprise agricole ne peut pas bénéficier d’une aide fiscale ou sociale au-delà de 20 000 € cumulés sur l’exercice fiscal en cours et les deux précédents. Rares sont les viticulteurs qui peuvent déterminer à quel niveau d'aides ils sont par rapport à ce plafond. Ce problème se pose notamment pour l’application de la DEP et de l’option permettant de bloquer jusqu’à leur vente, la valeur des stocks à rotation lente à leur coût de production à la clôture de l’exercice précédant l’option.

Le relèvement du seuil d’exonération partielle de 75 % des droits de mutation sur les biens ruraux loués par bail à long terme ou les parts de GFA, est-il un progrès ?

Le seuil a été relevé de 101 897 € à 300 000 € (sauf pour l’impôt sur la fortune immobilière). C’est une avancée mais une réponse encore insuffisante au problème posé par la spéculation sur le prix du foncier notamment viticole ou en périphérie des agglomérations. Il est urgent de réagir, c’est stratégique pour la France, pour maintenir une diversité de production. Car il devient impossible de financer une transmission sauf consentir à un endettement durable au détriment de l’investissement.

Qu’en est-il de la possibilité de passer du régime des BA à celui de l’IS ?

La loi consent une possibilité de retour (mais définitif) à l’IR-BA dans les cinq ans de l’option pour l’IS à défaut de quoi l’IS devient irrévocable. Pourquoi cette limitation ? Aucun contribuable ne fera des allers-retours entre l’IS et l’IR avec les conséquences fiscales de la cessation d’activité. Pourquoi ne pas laisser l’exploitant choisir librement le régime fiscal et même social auquel il pense avoir le plus d’intérêt, quelle que soit la forme juridique de l’entreprise ?

(1) Le dispositif de DEP sera détaillé dans le prochain numéro.

Un assouplissement complexe pour la taxe foncière

La loi maintient le bénéfice de l’exonération de la taxe foncière aux bâtiments ruraux affectés partiellement à une activité non-agricole accessoire (BIC/BNC). La condition est que la moyenne des recettes tirées de cette activité, exercée dans ce bâtiment au cours des trois années précédentes, n’excède pas 10 % du total des recettes réalisées par l’agriculteur dans ce même bâtiment au cours de la même période. Là encore, bien des précisions sont attendues pour mesurer la portée pratique du texte.

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