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Une colle végane autorisée en bio à l’essai sur vins rosés

La société Lamothe-Abiet développe une colle sans allergènes à base de protéine de pois dans le respect du cahier des charges de la vinification biologique, d’une efficacité comparable à la PVPP. Les essais menés sur des rosés de Provence se sont révélés prometteurs.

 © New Africa/stock.adobe.com
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En matière de clarification et de correction de la couleur des moûts, la PVPP et la caséine sont deux colles très efficaces. Oui mais voilà, la PVPP n’est pas autorisée en vinification biologique, et la caséine est classée allergène, ce qui implique de la mentionner sur l’étiquette. Sans compter le fait qu’elle ne peut être utilisée pour faire des vins végans, « un marché en pleine croissance », selon Lora Goulevant, cheffe produit stabilisation et collage chez Lamothe-Abiet. « Aujourd’hui, la plupart des producteurs bio utilisent la protéine de pois pure, mais son efficacité se montre variable selon les matrices et les millésimes », pointe Blandine Cauchy, œnologue-conseil au cabinet Provence œnologie.

Au-delà des impératifs d’efficacité et de respect du cahier des charges bio, des contraintes supplémentaires ont été prises en compte. « Il ne fallait pas non plus que le coût soit supérieur à ce qui existe sur le marché, et que la dose préconisée soit proportionnelle à celle utilisée avec d’autres colles. La tendance est quand même à la réduction des intrants », indique Blandine Cauchy. Après plusieurs essais de formulation, Lamothe-Abiet élabore une colle composée de protéine de pois pure, de levures inactivées « pour leur impact sur le volume en bouche », selon Lora Goulevant, ainsi que de bentonite calcique. Cette dernière a notamment un effet tassant qui réduit le volume de bourbes, et dans une moindre mesure un rôle sur la stabilisation protéique. Une série de tests grandeur nature a été menée sur le millésime 2019 au cours des étapes préfermentaires et en cours de fermentation alcoolique (FA). « Plus il est réalisé tôt, plus le collage est efficient. Sur vin fini, on risque d’extraire des composés que l’on souhaite garder, comme les thiols ou les esters », précise Blandine Cauchy.

Des résultats influencés par les durées de macérations préfermentaires

Trois modalités de collage correspondant à trois périodes d’application ont été testées sur des moûts de grenache et de cinsault. La colle test a été comparée à celles utilisées classiquement dans les caves qui se sont prêtées au jeu des essais. Les collages ont été effectués entre 30 et 60 g/hl selon la qualité des moûts. Des suivis analytiques classiques et plus spécifiques à la couleur (IC, IPT…) ont été réalisés, cette dernière représentant un axe stratégique dans l’élaboration des rosés. « Nous recherchons un joli rose pâle présentant parfois des nuances de litchi, ainsi qu’une robe claire et brillante », précise Blandine Cauchy. Des contrôles d’implantation levurienne ont été réalisés pour vérifier que la colle n’avait pas d’impact sur les cinétiques fermentaires, ce qui n’a jamais été le cas.

La première modalité était une comparaison entre un collage à base de protéine de pois pure et un collage avec la colle test, réalisés au débourbage après trois jours de macération préfermentaire à froid. « La cuve avec la colle à l’essai s’est révélée très intéressante sur le plan aromatique, avec bien plus de complexité que le témoin », rapporte Blandine Cauchy.

Une seconde modalité consistait à comparer la colle test à la protéine de pois pur, appliquée au débourbage après 15 jours de stabulation. « Nous n’avons pas mesuré de différences significatives entre ces deux modalités, tant au niveau de l’aromatique que de la couleur », indique l’œnologue.

Un impact similaire sur la couleur avec un collage en cours de FA

Enfin, deux essais ont été réalisés en cours de FA. Le premier visait à comparer l’efficacité de la colle test à celle de la PVPP. « L’effet de la PVPP sur la couleur est immédiat, alors qu’il faut attendre la fin de la FA pour voir celui de la nouvelle colle. Il y a donc un effet différé mais au final, les résultats sont très proches », se réjouit Blandine Cauchy. Les dégustateurs ont jugé l’aromatique des vins tout à fait similaire. « Nous avons réalisé un dosage de molécules aromatiques sur vins finis, et les concentrations se sont révélées équivalentes », complète Lora Goulevant.

Dans le second essai réalisé au Château des Annibals, dans le Var (voir encadré), la colle test a été comparée à la protéine de pois pure. « La gamme de couleur est comparable mais là aussi l’aromatique s’est révélée plus intéressante avec la nouvelle formulation », développe l’œnologue.

Cette première série de test jugée « encourageante » par les œnologues sera complétée par une deuxième vague d’essais pendant les vendanges 2020, en vue de conforter ces résultats et d’étudier l’effet millésime. « Deux ans de recul sont un minimum », pointe Lora Goulevant. Le cabinet Provence œnologie se dit prêt à poursuivre les essais chez les clients qui en manifesteraient l’intérêt.

Témoignage : Agnès Vignon, œnologue au Château des Annibals, dans le Var

« Des arômes plus purs qu’avec la protéine de pois pur »

« Nous utilisons de la protéine de pois pure pour coller nos vins rosés en début de fermentation car nous la trouvons efficace pour éliminer la teinte jaune. J’ai trouvé intéressant de participer à cet essai car la nouvelle colle contient de la bentonite, et je voulais notamment voir si cela avait un impact sur la stabilisation de mes vins vis-à-vis de la casse protéique. D’un point de vue pratico-pratique, la bentonite est également plus facile à dissoudre que la protéine de pois, ce qui est donc un plus pour cette nouvelle colle. Non seulement la colle a eu le même impact sur la couleur que la protéine de pois pure, mais à la dégustation, tout était exacerbé. À l’unanimité, nous avons trouvé que les arômes étaient plus purs et plus francs. Actuellement, j’achète ma protéine de pois 15 €/kg, je trouverai raisonnable de dépenser jusqu’à 20 €/kg pour cette nouvelle colle. »

comprendre

Hyperoxygénation ou collage ?

Particulièrement redoutée par les vinificateurs de blancs et de rosés, l’oxydation des vins peut être prévenue par une intervention sur moût. « Il y a trois grands acteurs de l’oxydation, rappelle Christine Pascal, responsable recherche en œnologie chez Vinventions. L’oxygène, bien sûr, les polyphénols, et les ions métalliques pour leur rôle de catalyseurs des réactions d’oxydations entre l’oxygène et les polyphénols. » Pour limiter le risque d’oxydation, les vinificateurs ont ainsi le choix entre une hyperoxygénation, qui permet d’oxyder prématurément les polyphénols qui précipitent et sont ensuite éliminés au débourbage, ou le collage. Par leur pouvoir fixant, les colles permettent de limiter la quantité d’ions métalliques et de polyphénols dans les vins. Pour déterminer laquelle de ces techniques est la plus pertinente, la société Vinventions a développé le Polyscan, un voltamètre permettant de définir à la fois la quantité de polyphénols (nommée Phenox) et la quantité de polyphénols facilement oxydables (nommée EasyOx) dans les moûts. « Si l’EasyOx est élevé, à savoir au-delà de 100, il est recommandé de réaliser une hyperoxygénation. Mais s’il est faible, mieux vaut réaliser un collage », pointe Christine Pascal.

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