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Tout savoir sur les engrais verts en viticulture

Implanter des engrais verts pour augmenter la fertilité de sa parcelle de vigne et lutter contre les adventices a le vent en poupe. Voici ce à quoi il faut réfléchir, avant de se lancer.

1 Définir son objectif technique

Selon l’IFV pôle Sud-Ouest, un engrais vert est « une plante cultivée pour augmenter la fertilité d’un sol et non pour être récoltée ». Mais un vigneron peut opter pour ce type de couvert dans d’autres optiques. Pour certains, il servira à améliorer la structure du sol et sa capacité de rétention de l’eau grâce à l’action mécanique des racines. Pour d’autres, l’objectif sera de maîtriser les adventices. Ou de limiter l’érosion et le ruissellement. D’autres encore, viseront l’amélioration de l’activité biologique du sol et du taux de matière organique. Ou bel et bien l’apport d’éléments nutritifs, dans l’optique d’augmenter la fertilité du sol.

« Certaines familles, comme les crucifères pour la potasse, utilisent les éléments minéraux sous forme insoluble, alors qu’ils sont inutilisables tels quels par la vigne, note Laure Gontier, de l’IFV pôle Sud-Ouest. La destruction de l’engrais vert permet leur restitution à la vigne sous une forme assimilable. De même, les légumineuses contribuent à enrichir le sol en azote par fixation symbiotique de l’azote atmosphérique, si leur temps de culture est supérieur à 50 jours. » Un engrais vert peut fixer jusqu’à 60 unités d’azote/ha/an, "voire beaucoup plus", souligne Éric Maille d’Agrobio Périgord.

Le préalable nécessaire à toute implantation d’engrais vert est donc de cerner les raisons pour lesquelles on s’oriente vers cet itinéraire. Cela conditionnera ensuite le choix des espèces et le mode opératoire (date de semis, mode de semis, type de destruction, etc.). "Il faut également réfléchir au type de développement que l’on souhaite (rapide ou non, facilité de destruction, etc.), aux ressources en eau dont on dispose et au budget que l’on peut y consacrer", note Thomas Suder, conseiller à l’Agrobio Périgord.

2 Choisir les espèces adéquates

Une fois l’objectif technique défini, se pose la question du choix des espèces. Une trentaine est utilisable en viticulture. Les principales familles sont les graminées, les crucifères, les légumineuses, et les hydrophyllacées. Selon Éric Maille, dans un objectif de restructuration du sol, mieux vaudra opter pour de l’avoine noire ou du triticale. Les graminées et crucifères ont également une action efficace à ce niveau-là, tout comme la féverole ou la phacélie.

Dans une optique de libération d’azote minéral, les essais de l’IFV ont mis en exergue l’intérêt de la féverole d’hiver. Elle permet par la même occasion d’augmenter le taux d’azote assimilable dans les moûts. En revanche, dans le cadre de la lutte contre les adventices, mieux vaudra privilégier la vesce commune, sous réserve de maîtriser sa montée en graines, ou le radis fourrager. Mais Thomas Suder conseille d’opter pour des mélanges contenant environ deux graminées distinctes, deux légumineuses fourragères et deux crucifères. "Cela permet d’allier les propriétés de structuration de surface des graminées, à la structuration en profondeur et aux apports d’azote des légumineuses et au travail en profondeur ainsi qu’à la diminution du lessivage des nutriments du sol par les crucifères", argue-t-il.

3. S’approvisionner en semences

Jusqu’à peu, il fallait se rapprocher des semenciers en céréales et/ou maraîchage pour se fournir en semences. Mais une offre spécifique vigne commence à émerger. Ainsi, Germinance propose quatorze variétés différentes, allant du trèfle incarnat à la vesce d’hiver, en passant par la luzerne ou la féverole. D’autres fournisseurs commercialisent des mélanges ou des espèces seules. C’est le cas de Biodynamie Services, du laboratoire Weinlabor-Briegel, sis en Alsace, de Rentabio, ou encore de Partner & Co. Mais attention, selon les fournisseurs, les prix peuvent varier de "80 centimes le kilo à 10 euros", prévient Thomas Suder, qui préconise de réaliser soi-même ses mélanges pour une meilleure adaptation aux spécificités de la parcelle ou de l’îlot. Il est également possible de produire ses propres semences, même si le tri des graines est compliqué sans matériel adéquat ; ou de se rapprocher de céréaliers ou d’éleveurs. "Attention, il faut tout de même réaliser un test de germination avant le semis", prévient Éric Maille.

Pour définir la dose/hectare, il existe des abaques. "Mais il faut surdoser de 20 à 80 % par rapport aux préconisations, pour s’assurer de disposer d’un couvert suffisant, recommande Thomas Suder. C’est une condition primordiale à la réussite des engrais verts."

4. Raisonner son semis

Une fois les espèces choisies, se pose la question du semis. Sa date sera conditionnée par l’objectif et les variétés. En règle générale, on privilégiera une implantation juste avant les vendanges, afin de bénéficier de pluies automnales favorisant la levée. Mais dans ce cas-là, un semis direct sera à privilégier, afin que la machine à vendanger bénéficie d’une bonne portance. "Mais il faudra veiller à ce que les graines n’aient pas encore germé lors de la récolte, ou à ce que les plantules en soient au stade 2-3 feuilles", relève Éric Maille. Dans le cas d’un semis en post-vendange, il sera en revanche possible de semer après une préparation du sol (passage de rotavator ou de vibroculteur), mais les conditions climatiques idéales ne seront pas forcément au rendez-vous.

Il existe deux grands types de semis : semis direct ou sur sol travaillé. Logiquement, le second donnera un meilleur résultat que le premier. Néanmoins, le semis direct est plus facile à réaliser. Mais Christophe Gaviglio, de l’IFV pôle Sud-Ouest, conseille de le réserver aux itinéraires dans lesquels un couvert printanier remplace un automnal, implanté lors de sa destruction.

Au niveau des semoirs, l’offre s’est récemment étoffée. Il y a d’un côté les semoirs combinés, avec herse rotative et dispersion à la volée dans la terre travaillée. Braun ou Clemens proposent ce type d’appareils. La plupart sont équipés d’une distribution électrique, réalisée par une cannelure adaptée à la taille des graines, puis d’un système de ventilation qui projette les graines. « Ce sont des matériels simples, où la vitesse de rotation de la cannelure combinée à la vitesse d’avancement fait la dose, explique Christophe Gaviglio. Mais attention : ils se branchent souvent sur du 32 ampères, rare sur les tracteurs vignerons. »

Il existe aussi des semoirs à distribution mécanique. Dans ce cas, le débit est proportionnel à l’avancement : il y a un certain nombre de graines qui tombent par tour de la roue suiveuse. « Cela laisse davantage de liberté en termes de vitesse de travail, analyse Christophe Gaviglio. Mais il ne faut surtout pas que le réglage se défasse en cours de travail : si la roue suiveuse est coincée par exemple, aucune graine ne sera semée. »

Enfin, des semoirs spécifiques permettent un semis direct sous couvert. Les plus connus sont ceux d’Aurensan, Aitchison ou encore Gerber. Chacun possède ses spécificités. Par ailleurs, l’auto-construction est possible. Un plan est notamment disponible sur le site de l’Atelier Paysan.

D’autres critères sont à prendre en compte lors du choix du semoir, dont la profondeur d’enfouissement, et la densité. La première sera particulièrement importante dans le cas d’une petite graine, qui aura du mal à lever si la profondeur est trop importante. La seconde nécessite, sauf dans le cas d’une roue suiveuse, un calcul en fonction de la vitesse de travail, de la largeur semée et de l’objectif de couverture.

5. Opter pour le bon mode de destruction

Une fois que le couvert végétal a rempli son office, généralement au printemps, il faut le détruire. Plusieurs options s’offrent au vigneron, selon le résultat souhaité, le type d’entretien du sol suivant, et surtout, selon la météo : le roulage, la fauche, l’enfouissement ou une combinaison des deux dernières techniques. Bien évidemment, le broyage et l’enfouissement favorisent une minéralisation et un relargage rapide des composés. Mais en absence de pluie après, les résultats s’apparentent à un roulage. Car la minéralisation peut se dérouler en surface. Les composés seront juste disponibles plus tardivement pour la vigne. Dans une optique de fertilisation, il faut également veiller à ce que le pic de restitution se produise au moment adéquat. "S’il arrive à la véraison, le chargement des baies peut être le principal bénéficiaire, indique Christophe Gaviglio. Cela peut être positif pour des blancs thiolés. Mais attention pour les rouges sensibles à la pourriture."

Pour Christophe Gaviglio, le roulage est une très bonne solution, rapide (entre 8 et 12 km/h) et peu énergivore (0,93 à 1,22 l de fioul par hectare dans le cas d’un enherbement un rang sur deux). Il convient bien aux espèces dont la tige est creuse. En revanche, le couvert végétal se dégrade plus lentement qu’avec les autres techniques, et des adventices peuvent passer au travers. Par ailleurs, dans le cas d’un mélange, la destruction peut être incomplète si toutes les plantes ne sont pas en fin de cycle, avec un risque de montée en graines de plantes pouvant devenir envahissantes. Au niveau des matériels, de nombreux constructeurs proposent des rolofacas, pour une enveloppe minimale de 1 200 euros. « Tout se vaut à peu près, analyse le spécialiste. Il y a différentes conceptions, mais tout marche. Ce qui fait la réussite est plus l’état du couvert. » Mais de nombreux vignerons fabriquent leur propre outil, comme David Mau, viticulteur girondin, qui a conçu un rolofaca en trois parties ou encore Christophe Sabatier qui a construit un rolofaca composé de six modules indépendants.

Pour ce qui est de la fauche, le travail s’effectue soit avec des broyeurs sarments, soit de manière classique, avec un gyrobroyeur. L’intérêt de cette opération est qu’elle permet de lutter contre l’érosion et de maintenir l’humidité du sol, "et tasse moins les sols que le roulage", complète Éric Maille. La vitesse d’avancement est assez rapide même si elle varie selon l’ampleur de la biomasse : en règle générale, elle est comprise entre 4 et 5 km/h. L’inconvénient de cette méthode est sa consommation (un peu plus de 7,5 l de fioul/ha) et le fait que certaines adventices peuvent repousser au travers. Mais l’investissement est moindre qu’avec un roulage, puisque la majorité des domaines sont déjà équipés d’un gyro.

La dernière technique consiste à enfouir le couvert. Cette opération s’effectue avec des disques de type covercrop. « Dans l’absolu, ce matériel peut à la fois faucher et enfouir, ajoute Christophe Gaviglio. Mais cela dépend des couverts. C’est possible sur féverole par exemple, mais ce sera beaucoup plus compliqué dans le cas de tiges ligneuses. » Lorsqu’il est passé après une fauche, le matériel évolue aux alentours de 6 km/h, pour une consommation de l’ordre de 2,3 à 3,3 l/ha. Ce qui rend l’opération fauchage + enfouissement dix fois plus énergivore qu’un simple roulage. Par ailleurs, "il ne faut pas enfouir de suite après le broyage, prévient Thomas Suder. Il faut attendre que le couvert ait évolué, sinon, il risque de putréfier, ce qui sera nocif à la vie du sol." Il recommande d’attendre entre 4 et 15 jours après le broyage, selon les conditions climatiques.

 
repères

Combien ça coûte

Si la technique des engrais verts est intéressante, elle n’en est pas moins chronophage, et donc coûteuse. Par le biais d’une enquête réalisée auprès de vignerons, la chambre d’agriculture du Tarn a estimé que le semis d’un engrais vert un rang sur deux prenait 55 minutes par hectare, pour un coût global (préparation, semis, destruction) de l’ordre de 100 euros/hectare/an. "Mais ces chiffres ne reflètent pas la réalité, nuance Éric Maille. Il y a trop de différence entre les types de semoirs, les amortissements, les vitesses d’avancement, etc."

Pour évaluer plus finement le coût de l’itinéraire, Christophe Gaviglio a réalisé une simulation du coût total d’entretien du sol à l’année pour une exploitation de 15 hectares, en vignes larges (2,50 m entre rangs), via le logiciel Viticoût. Le coût global de mise en œuvre de la modalité "engrais verts" est compétitive. Elle revient à un peu plus de 600 euros par hectare et par an, avec un couvert implanté un rang sur deux, un coût des semences estimé à 40 euros/hectare, la prise en compte de deux opérations supplémentaires par rapport au témoin : l’implantation et la destruction du couvert, et l’acquisition d’un matériel supplémentaire.

La référence « fertilisation minérale » (apport de 167 kg/ha de Fertivigne N, équivalent à 30 unités) revient à environ 650 euros/ha ; la « fertilisation organique » (400 kg/ha de Germiflor) à près de 800 euros/ha. En revanche l’itinéraire de référence est le moins onéreux, puisqu’il est estimé à un peu plus de 500 euros/ha. Il consiste à combiner travail du sol et enherbement permanent un rang sur deux, et désherbage chimique du cavaillon.

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