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Réduire les macérations tout en augmentant l'extraction : possible ou pas ?

Le DTMA, ou Della Toffola Macération Accélérateur, a été testé lors des dernières vendanges par la cave coopérative La Languedocienne et ses vignerons à Argeliers, dans l’Aude, sur l’atelier de vinification des vins rouges. Verdict.

Le raisin passe à travers le DTMA lors du pompage de la vendange en sortie de conquet. Les couteaux composant le DTMA vont alors provoquer une dilacération superficielle de la pellicule.
© M. LECLERCQ

Le DTMA est présenté par la firme italienne comme une « technologie exclusive qui change les processus de vinification  ». Son rôle est d’optimiser l’extraction des composés phénoliques, principalement les anthocyanes et les tanins, afin de réduire les temps de macération. Il est adapté à la vinification des raisins rouges et blancs. Les essais menés en 2017 en Australie ont dévoilé un gain de temps de l’ordre de 50 % lors de cette étape cruciale, sans dégradation de la qualité organoleptique des vins et sans impact sur les cinétiques de fermentation. Pour Mathieu Candelon, œnologue et responsable commercial chez Della Toffola France, le grand intérêt de l’outil repose sur la simplification de la logistique au moment des vendanges, grâce à une diminution des temps d’occupation de la cuverie.

Gagner du temps et de la place au plus fort des vendanges

Le DTMA s’intègre dans un montage en ligne en sortie de conquet de réception. Plusieurs modèles existent, de dimensions variables en fonction du débit, qui varie de 10 à 40 t/h. « La machine est constituée de disques qui tournent l’un en face de l’autre sans se toucher, entraînant une dilacération superficielle de la pellicule  », indique Mathieu Candelon. Le jus est ainsi libéré, ce qui augmente la surface de contact avec la pellicule, favorisant l’extraction. Lorsque l’œnologue la juge optimale, en fonction des dégustations, il peut choisir d’anticiper le décuvage et terminer la fermentation alcoolique des moûts rouges en phase liquide. En blanc, le DTMA permet d’anticiper le pressurage. L’outil fonctionne de façon autonome et est alimenté par une pompe. Il est par ailleurs doté d’un écran tactile pour la mise en route et le réglage des paramètres.

Des essais en vinification traditionnelle et thermovinification

En France, les premiers essais avec le DTMA ont eu lieu lors des vendanges 2018, à la cave coopérative La Languedocienne et ses vignerons dirigée par Sébastien Tomasoni. « Nous avons deux problématiques pour l’élaboration de nos cuvées rouges  », explique-t-il.  L’une est d’ordre logistique et concerne les vinifications traditionnelles. « Avec le réchauffement climatique nous n’avons plus beaucoup de décalage de maturité entre les syrahs et les cabernets sauvignon. La cuverie est occupée pendant les macérations et nous n’avons rapidement plus de place pour rentrer les raisins  », déclare-t-il. L’autre, est principalement d’ordre sensoriel et concerne la thermovinification, qui n’est pas équipée de la flash-détente. « Malgré des maturités avancées, nous ne parvenons pas à extraire suffisamment de tanins et à obtenir des niveaux satisfaisants en termes de structure. Le DTMA peut être un moyen d’aller plus loin dans l’extraction pelliculaire sans allonger le temps de macération », ajoute-t-il. Sur le plan logistique, avec près de 1000 tonnes de raisins qui rentrent par jour au pic des vendanges, une préfermentaire à chaud, même de quelques heures, est inenvisageable au regard des caractéristiques de la cave. La firme italienne a donc prêté deux DTMA à la cave coopérative La Languedocienne et ses vignerons. Des barrières techniques n’ont pas permis d’installer le DTMA en ligne directement en sortie d’égrappoir. « On peut brancher des tuyaux de 70 ou 80 mm sur leur machine, or, en sortie de conquet nos tuyaux sont plutôt de 150 mm.  » En vinification traditionnelle, il a donc lancé un remontage de 2h en phase préfermentaire passant par un DTMA débitant à 12 t/h. Pour la thermovinification, il a réalisé le même montage avec un DTMA débitant à 25 t/h sur ses cuves tampons, soit un remontage de 4h avant chauffage des raisins.

Un outil robuste mais non dimensionné pour un atelier industriel

« Le DTMA est un outil peu encombrant, robuste et très facile à utiliser  », note Sébastien Tomasoni. S’il relève l’efficacité de la découpe, avec des disques qui n’attaquent pas les pépins, il dresse un bilan plutôt mitigé sur les résultats obtenus. « En rouge pour avoir des choses vraiment intéressantes  il faut travailler sur des raisins entiers ou légèrement foulés pour limiter la libération de jus qui diminue l’efficacité du DTMA », reconnaît-il. Il estime que ses cuves, d’une trop grande contenance, ont provoqué une libération excessive de jus par tassement. De fait, il n’a pas constaté de résultats probants concernant l’optimisation de l’extraction, notamment pour la thermovinification. En revanche, une cuve de pinot noir vinifiée de façon traditionnelle présente une différence grandement visible sur l’intensité colorante. Avec près de 20 % des volumes de rouge traités au DTMA, et des vins qui se sont vendus facilement, Sébastien Tomasoni affirme que l’outil n’entraîne aucune extraction de composés herbacés et n’altère en rien la qualité organoleptique des vins à condition que ceux-ci aient été récoltés à maturité. « Le DTMA peut aider des caves particulières qui ont les moyens de travailler à petits débits, affirme le directeur. Mais tel quel, il n’est pas dimensionné pour mon atelier industriel  », convient-il. À l’avenir, des essais pourraient être menés sur sauvignon blanc et viognier pour accélérer l’extraction des précurseurs d’arômes, et peut-être supprimer les macérations préfermentaires à froid. « Mais dans notre cas il faudrait impérativement pouvoir installer l’outil en ligne en sortie de quai  », rappelle Sébastien Tomasoni.

avis d’expert

Denis Moreau, œnologue consultant à l'ICV de Carcassonne

« Sur le principe, le DTMA est un outil intéressant car les temps de macérations peuvent être de grosses contraintes pour les caves, indépendantes ou coopératives. Toutefois, l’efficacité du traitement est, il me semble, meilleure lorsque les raisins sont encore à peu près entiers. De fait, un positionnement le plus tôt possible, en sortie de conquet, semble effectivement plus judicieux que dans le circuit de remontage. Je pense qu’il faut aussi que la vendange soit relativement homogène. En cas de grandes disparités sur la taille des baies, les couteaux pourraient réduire en bouillie les plus petites baies et on perdrait tout l’avantage de l’outil. De même, sans nécessairement avoir un état sanitaire impeccable, je suppose que des baies trop molles ne donneraient pas un résultat intéressant. Quant à la qualité des composés extraits comparée à un itinéraire classique, il faudrait faire une cuve témoin et une cuve test pour pouvoir se prononcer. »

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