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Ouvrir un bar à vin pour sauver son domaine

Lise et Bertrand Jousset ont subi divers incidents climatiques sur leur vignoble. Pour y faire face, ils ont développé une activité de négoce, puis, quelques années plus tard, ouvert un bar à vin. Bilan de ces choix stratégiques.

Le bar à vin est établi au sein du domaine, à coté du bâtiment de stockage/mise en bouteilles.
© J. Gravé

Cultiver la vigne dans le Val de Loire peut constituer un réel challenge, en particulier dans les vignobles de Touraine soumis aux influences océaniques et continentales. Lise et Bertrand Jousset en ont fait l’amer constat. « À la base, j’étais foncièrement contre une installation agricole car j’ai trop souvent vu mes parents galérer, notamment à cause des aléas climatiques », explique Lise Jousset. Elle finit néanmoins par sauter le pas avec son époux, et s’installe en 2004. Mais En 2012, 2013, 2 016 et 2017, de fortes gelées s’abattent sur leur vignoble de 11 ha, occasionnant 50 à 100 % de pertes selon les années. Ils sont donc rapidement obligés de diversifier leur activité pour ne pas mettre la clé sous la porte. De suite, ils songent à devenir négociants car ils bénéficient d’un solide réseau d’amis vignerons qui produisent du bio et des vins nature, comme eux, et sont prêts à leur venir en aide.

L'équivalent de 4 ha vinifiés via le statut de négociant

Peu après les terribles gelées printanières de 2012, Lise et Bertrand Jousset les sollicitent pour savoir s’ils peuvent leur acheter du raisin. Le retour est positif, et ils parviennent à acquérir l’équivalent d’une production de 4 ha dans des régions indemnes, comme l’Occitanie. Parallèlement à cela, ils entament les démarches administratives requises, « simples et rapides » d’après la vigneronne, et obtiennent le statut de négociant. C’est ainsi qu’ils créent la gamme Les exilés qu’ils élaborent systématiquement depuis et qui représente aujourd’hui la moitié de leur production. Les raisins sélectionnés pour cette cuvée sont récoltés par Bertrand Jousset et son équipe, qui s’exilent le temps des vendanges. Son épouse prend ensuite le relais pour la vinification, qui a lieu dans les caves du domaine. Une organisation bien ficelée mais pourtant insuffisante face aux gelées de 2016 qui ébranlent à nouveau l’équilibre fragile de l’exploitation. C’est à ce moment-là que surgit l’idée du bar à vins.

Un bar à vin pour booster la vente directe

Les dives bouteilles étant majoritairement vendues à l’export, à hauteur de 70 %, Lise et Bertrand Jousset souhaitent augmenter la vente directe, qui représente à ce moment-là moins de 5 %. Quoi de mieux pour cela, que d’ouvrir un bar à vin ? Ils décident de l’établir au sein du domaine, durant la période estivale (début juin à fin août), afin de profiter de la saison touristique et de dégager du temps pour le fonctionnement de l’exploitation le reste de l’année. En l’espace de six mois, l’ancienne salle de dégustation est réaménagée, principalement avec du petit mobilier et un espace « cuisine ». La demeure adjacente, d’origine, comprend déjà une grande cuisine fonctionnelle et utilisable par les cuisiniers pour la réalisation des plats. Le coût des travaux est estimé à un peu moins de 20 000 €. Hormis les touristes, leur cible prioritaire est constituée des habitants de Montlouis et des alentours. « Nous ne voulons pas voir des cars entiers de touristes débarquer, insiste le vigneron. L’idée est de proposer un endroit convivial à la campagne, pour boire un verre d’abord, et partager un repas ensuite. » Pour communiquer sur le bar, ils misent sur les réseaux sociaux, les applications comme « raisins » ou « fooding » dans lesquelles ils sont référencés, la presse locale et, bien entendu, le bouche-à-oreille. Sur le plan administratif, le couple a réalisé les démarches nécessaires pour obtenir la licence III, qui autorise la vente de boissons fermentées non distillées. Son obtention est liée à la détention d’un permis d’exploiter valable dix ans, que l’on acquiert en réalisant un stage de 20 heures, principalement porté sur les risques liés à la consommation d’alcool. Le coût de cette formation s’établit autour de 500 €, qui sont remboursables pour les chefs d’entreprise et conjoints collaborateurs. Enfin une déclaration administrative doit être déposée en mairie au minimum quinze jours avant l’ouverture du bar à vins.

Définir les cuvées et leurs prix de revente

Les deux gérants ont sélectionné une trentaine de vins nature français mais aussi autrichiens, italiens, espagnols ou encore australiens. Ils viennent ainsi compléter la carte aux côtés des 18 cuvées du domaine dont les fameux « pet’nat » (pétillants naturels) qui constituent la production principale des surfaces exploitées en propre par les vignerons. Lise et Bertrand Jousset ont défini une gamme de prix au sein de laquelle se situent la plupart des références : 25 à 35 €, incluant le droit de bouchon d’une valeur de 8 €/bouteille. Par la suite, ils ont ajusté les coefficients multiplicateurs sur les mêmes principes que ceux qui s’appliquent dans la restauration, mais selon leurs propres critères. Ainsi, ils ont minimisé ces coefficients pour les « cuvées d’exception » achetées plus de 50 €, et compensé en appliquant des coefficients plus élevés sur les cuvées « bon marché ».

Premier bilan positif après deux ans d’ouverture

Après la première saison d’ouverture, nos deux vignerons confient « ne pas avoir perdu d’argent, ce qui est plutôt encourageant pour un début ». En 2017, seule une personne appuyait les deux gérants pour assurer la cuisine et le service, alors qu’en 2018 deux saisonniers ont été recrutés pour faire tourner le bar à vin. Quelques jours après la fermeture, les premiers bilans dévoilent une fréquentation en hausse de + 20 % par rapport à l’année dernière, et ce malgré un début de saison difficile, suite au mauvais temps du mois de juin. La vente directe atteint aujourd’hui presque 10 % des ventes, soit le double d’il y a deux ans. Sans être capables d’avancer des chiffres précis, les vendanges ayant pris le relais, Lise et Bertrand Jousset estiment cette année avoir pratiquement doublé leur chiffre d’affaires global. De quoi les inciter à rouvrir leurs portes au printemps 2019.

En 2012, 2013, 2016 et 2017, de fortes gelées s’abattent sur le vignoble de 11 ha, occasionnant 50 à 100 % de pertes.

repères

Domaine Lise et Bertrand Jousset

Localisation Montlouis-sur-Loire en Indre-et-Loire

Surface 9 ha en propre + 9 ha en négoce

Appellations montlouis sur loire, IGP du val de loire blanc, VSIG.

Mode de conduite bio (2005) et biodynamie (2011)

Cépages du domaine chenin, chardonnay, gamay, grolleau

Nombre de salariés 7 permanents

Rendements moyens : 30 hl/ha

Prix départ caveau : 12 à 40 €/bouteille

 

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