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Des clubs de vignerons pour impliquer les adhérents de la coop

Dans les Corbières, la cave de Cascastel, a développé une organisation originale pour réinvestir ses producteurs dans l’aventure collective. Elle forme des clubs pour les aider à progresser dans leurs pratiques et faire évoluer ses gammes.

À Cascastel et alentours la vigne bataille fermement depuis des décennies avec la garrigue. Ici la pluie est souvent un fantasme, et elle devient fantasque quand elle fait grossir en quelques dizaines de minutes des ruisseaux qu’on croirait secs depuis le Mésozoïque. C’est dans ce terroir sans grande tendresse, mais pas sans douceur, que les Maîtres Vignerons de Cascastel innovent, inventent, pour permettre à leur métier de perdurer. La cave n’hésite pas à tenter des solutions originales comme la création de "clubs vignerons". « Pour conduire ces évolutions importantes et assurer la pérennité de la cave, il fallait une économie et une entreprise stables et saines, car les gens sont en général plus réceptifs quand ils gagnent leur vie », raconte Atmann Afanniss, directeur de la cave. Le développement commercial opéré depuis une dizaine d’années a permis d’atteindre cet « état de tranquillité. C’est à partir de là que nous avons pu impulser un nouvel élan à la recherche de la qualité, à la fois en vinification mais aussi à la vigne. » La cave a revu sa politique de rémunération en valorisant la qualité par l’application d’un coefficient sanctionnant en premier la qualité des vignes puis, à la suite d’une dégustation à l’aveugle, deux nouveaux paliers pour les niveaux bons et excellent qui majorent la rémunération des producteurs. « Ici nous avons des petits rendements, alors nous n’avons pas vraiment d’autres choix que de faire de la qualité », explique Max Saury, président de la cave.

Un outil de motivation au service de la qualité

Une commission vignoble a été créée incluant des vignerons et des membres de l’équipe technique de la cave, pour accentuer les échanges, partager les objectifs. Puis sont nés les "clubs vignerons", cette nouvelle ossature qui irrigue aujourd’hui le projet coopératif des vignerons de Cascastel. « Depuis bientôt dix ans, pour continuer ce travail de recherche de qualité, nous nous sommes engagés dans un programme de sélection parcellaire, autour de l’idée que finalement, nous ne sommes rien d’autre qu’une grosse cave particulière. De là, nous avons créé les clubs pour accompagner la montée en gamme de nos cuvées et diffuser également de nouvelles préoccupations environnementales. C’est un outil qui permet au vigneron de se sentir vraiment partie prenante », détaille Atmann Afanniss. Avec en filigrane cette ambition souterraine de revenir à la vocation initiale du mouvement coopératif viticole, lorsque les coopératives étaient des coopératives de vinification, et que les producteurs puissent se défaire du strict costume de fournisseur de matière première. Aujourd’hui, une dizaine de clubs sont actifs au sein de la cave. Un club peut rassembler deux ou trente vignerons. Leur principale vocation est de travailler sur la vigne, mais ils peuvent s’appliquer à d’autres sujets plus transversaux. Le club le plus important en effectif à ce jour est celui qui se consacre à la préservation du lézard ocellé, qui trouve dans les vignes et leurs murettes de pierres sèches, un terrain idéal pour prospérer. Ce (très beau) reptile menacé a trouvé 35 vignerons pour se mobiliser au sein du club et le protéger. « Cela passe par l’entretien ou la reconstruction des murettes mais aussi par des modifications de pratique de désherbage chimique par exemple ou encore par le travail avec les spécialistes lorsqu’ils viennent sur le terrain », précise le directeur de la cave. Le lézard est devenu l’emblème d'une cuvée sans sulfites ajoutés. Un autre club travaille une cuvée « zéro résidu ».

Un club par parcelle pour aller de la vigne au chai

Steve Vallin et Philippe Pla forment, eux, un club à deux, autour d’une cuvée en sélection parcellaire. Installé depuis cinq ans, Steve Vallin, 31 ans, exploite 12,5 ha, en grande majorité en fitou avec aussi 2,5 ha de grenache gris. Son compère Philippe Pla, 58 ans, exploite également 12,5 ha dont l’essentiel est en fitou complété par 50 ares de muscat. « Nous avions des affinités, nous travaillons souvent ensemble. On se donnait la main pour les plantations, la taille, et tous les matins, c’est important, nous buvons le café chez Philippe avec d’autres vignerons. En plus, nous étions déjà membre du club schiste qui rassemble huit vignerons », raconte Steve. « Alors lorsque la cave nous a proposé de faire cette cuvée ensemble, nous n’avons pas vraiment hésité parce qu’en plus nos vignes sont à maturité en même temps. » Philippe abonde : « On s’est dit, pourquoi pas ? Nos vignes sont qualitatives même si j’ai plus de veilles vignes que Steve. » Les deux « associés » de la cuvée ont réalisé leur première vendange commune cette année, le tout appuyé par les techniciens de la cave. « Ils sont passés, nous avons regardé les parcelles et avons même écarté une partie trop riche en rendement », poursuit Steve. « On suit vraiment la parcelle, elle est testée toutes les semaines avec les contrôles de maturité. » Ce n’est qu’une fois le top départ donné par les techniciens de la cave que la vendange des parcelles a pu débuter. Et les deux hommes ne s’arrêtent pas là comme l’explique Steve : « C’est moi qui procède au décuvage, nous avons goûté les jus de raisins, on s’intéresse. Cette cuvée, c’est un peu notre bébé, cela nous rapproche encore plus de la cave, ce n’est pas comme vider la benne et dire salut à l’année prochaine ! Participer à ces clubs, cela fait de l’émulation, il y a des vignes que nous avons écartées nous-même. » Pour la cave, cela implique aussi de mettre en place une logistique particulière. « Nous rentrons ces vendanges à la fin, il faut donc arriver à garder de la place pour ces productions, c’est une gymnastique particulière », ajoute Atmann Affanniss.

Un objectif de progression des vins coeur de gamme

La cuvée de Steve Vallin et Philippe Pla se nomme Picotioul, du nom du lieu où sont implantées les parcelles. Cet hiver, elle va vivre sa vie, grandir. Et si elle est à la hauteur des attentes au bout de dégustations, les 250 hl qui la composent connaîtront une vie « commerciale » avec un nom qui leur sera propre. « Nous avons un an d’élevage minimum dans le cahier des charges de fitou et ce sont des vins de garde de toute façon, alors on a le temps de voir venir et de créer la marque et son univers si nécessaire », ajoute Atmann Afanniss. Le travail de ce club est emblématique des nombreux mouvements engagés à Cascastel avec des objectifs bien précis : permettre à la cave de faire baisser la part du générique dans ses volumes, faire progresser le cœur de gamme, mieux impliquer et intégrer les viticulteurs dans l’élaboration des vins en les incitant à se considérer comme des vignerons, le tout en conduisant l’ensemble de la cave vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement.

repères

La cave des Maîtres Vignerons de Cascastel

Surface 750 hectares

Adhérents Une centaine d’adhérents, dont la moitié réalise plus des trois-quarts des volumes

Production AOC fitou : 10 000 hl ; corbières : 10 000 hl de ; IGP vallée du paradis : 4 000 hl ; quelques muscats

Volume en cols  De 700 000 cols par an en 2008 à 2,8 millions en 2018. Embouteillage sur place

Distribution  Grande distribution + stratégie récente de développement de nouveaux marchés

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