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Gel : les outils pour stocker du vin et continuer à alimenter les marchés

Au fil des années et des aléas, plusieurs dispositifs de stockage ont vu le jour afin d’atténuer l’impact des sinistres. Tour d’horizon.

Avoir environ une année de vin en stock permet d'alimenter les marchés quels que soient les incidents climatiques de la campagne.
Avoir environ une année de vin en stock permet d'alimenter les marchés quels que soient les incidents climatiques de la campagne.
© Réussir SA

Stocker du vin pour disposer de volumes permettant d’alimenter les marchés en cas de coup dur est bien sûr la solution la plus logique. Une année de stock augmente la résilience de l’exploitation face aux aléas climatiques. Mais une telle organisation a un coût et nécessite de grandes capacités de stockage. Depuis 2019, la déduction pour épargne de précaution permet de financer ces stocks (voir encadré). Mais il est surtout possible de recourir à d’autres dispositifs mis en place par la filière, à commencer par le VCI.

Volume complémentaire individuel

Disponible depuis 2013 pour les blancs secs tranquilles AOP, depuis 2015 pour les AOP rouges et depuis 2020 pour les AOP rosées, le VCI, ou volume complémentaire individuel, consiste à mettre en réserve un volume récolté au-dessus du rendement autorisé. Le niveau du VCI autorisé est fixé chaque année par l’Inao sur demande de l’ODG concerné. Le VCI est ensuite utilisé en cas de récolte déficitaire les années suivantes. Cet outil permet de revendiquer les volumes complémentaires cumulés lorsque le rendement de l’exploitation est inférieur au rendement autorisé pour cause d’aléas climatiques.

Dans la pratique, après les années d’expérimentation, le VCI s’est assez vite déployé dans tous les bassins pouvant le revendiquer. Très employé par les vignerons, il apporte une réelle solution aux aléas climatiques, en permettant d’alimenter les marchés quoi qu’il se passe. « Cette année, 15 à 25 hl/ha de VCI ont été réintégrés en moyenne sur l’appellation, indique Jean-François Bordet, du domaine Séguinot-Bordet à Maligny, dans l’Yonne. Pour ma part, je fais les rendements cette année grâce au VCI et pourrai grâce à ça fournir mes clients en vin. »

Néanmoins, avec la multiplication des incidents climatiques, cet outil montre quelques limites : « sur les dernières années, j’ai réintégré du VCI en 2013, 2016, et 2021, se remémore-t-il. Clairement, j’en aurais eu besoin en 2017, mais je n’en avais plus. » Un fait qu’il trouve regrettable, et ce d’autant plus qu’en 2018, par exemple, l’appellation a eu une très grosse récolte, sans pour autant avoir pu stocker tout le surplus. « Il y a eu beaucoup de distillations, regrette-t-il. Si on avait pu garder plus de vin, il en resterait davantage pour cette année. » Sans parler de 2022. Si un nouvel aléa d’importance se produit, rares seront les régions à pouvoir débloquer des volumes conséquents de VCI pour alimenter les marchés.

Au niveau administratif, le VCI nécessite des déclarations un peu plus compliquées « mais ce n’est rien comparé à l’enjeu », poursuit Jean-François Bordet. En revanche, le fait de ne pas avoir le droit d’embouteiller avant la déclaration de revendication (à part pour de petits volumes), crée des problèmes de cuverie.

Preuve de son intérêt, le VCI est en expérimentation sur les vins AOP liquoreux (barsac, sauternes, monbazillac et coteaux du layon) jusqu'en 2023. Du côté des effervescents, les expérimentations battent aussi leur plein, sur le vouvray mousseux ou pétillant (jusqu’au 31/07/2021), sur le saumur mousseux (jusqu’au 31/07/2024) et sur les crémants de Loire et d’Alsace (jusqu’au 31/07/2022). De leur côté, les IGP n'ont pas donné suite après la phase d'expérimentation.

Réserves interprofessionnelles

Diverses réserves interprofessionnelles existent également, notamment pour les effervescents. La champenoise, dite réserve qualitative ou individuelle, est sans conteste la plus connue. Développée avec succès dans la première moitié du XXe siècle, elle permet de constituer une réserve individuelle obligatoire lors des années caractérisées par des récoltes d’excellente qualité. « Ces vins stockés en cuves thermorégulées permettent de compenser une année de récolte déficitaire », met en avant le Comité Champagne.

En Bourgogne, les crémants peuvent aussi prétendre à une réserve interprofessionnelle. « La réserve est stockée en AOC et peut être libérée collectivement mais également individuellement sur demande d’une entreprise qui a subi une perte de production importante », informe la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne.

D’autres indications et bassins planchent sur la création de réserves comme le Val de Loire ou les IGP, ou en mettent ponctuellement en place pour réguler les marchés, à l’instar des bordeaux et bordeaux supérieurs.

Volume substituable individuel

Moins utile en cas de baisse de la production, mais mobilisable lors de millésimes moins qualitatifs (pourriture, maladies, etc.), le VSI, ou volume substituable individuel, est un dispositif permettant, les belles et bonnes années de production, de produire un peu plus de volumes (au-delà du rendement annuel mais dans la limite du rendement butoir) destinés à devenir de l’AOP. Ces volumes sont revendiqués avec les autres volumes AOP de l’année. La contrepartie consiste à détruire (distillation) un volume équivalent de la même AOP et de la même couleur du stock. Le VSI est décidé annuellement par l’Inao sur proposition de l’ODG en fonction des caractéristiques du millésime. Sur le terrain, ce dispositif est beaucoup moins employé que le VCI.

Deux mesures fiscales pour lisser les revenus

À-valoir de cotisations sociales

Les viticulteurs au réel peuvent demander à verser, en complément des cotisations appelées au titre de l’année en cours, un à-valoir sur le montant des cotisations exigibles l’année suivante. Demandé à sa MSA, l’à-valoir ne peut excéder 50 % du montant des dernières cotisations appelées. L’à-valoir est déductible du résultat de l’exercice au cours duquel il est versé, ce qui diminue l’assiette fiscale et sociale. Un tel mécanisme permet une meilleure résilience en cas de coup dur.

Déduction pour épargne de précaution

Gel : avoir des volumes pour alimenter les marchés

En 2019, la déduction pour investissement et la déduction pour aléas ont été remplacées par la déduction pour épargne de précaution, ou DEP. Comme ses prédécesseures, elle s’adresse aux viticulteurs étant au régime réel d’imposition et souhaitant se constituer une trésorerie. Ce mécanisme « permet de déduire, sous certaines limites et au titre de chaque exercice, une somme du bénéfice imposable », annonce le site des Impôts.

L’épargne peut être placée sur un compte bancaire, ou être sous la forme de stocks physiques (montant du coût d’acquisition ou de production des stocks du vin dont le cycle de rotation est supérieur à un an). Elle peut aussi se présenter sous la forme de sommes « laissées à disposition d’une coopérative dans le cadre d’un contrat pluriannuel avec un mécanisme de lissage de prix », mentionne le CERFrance. La DEP est utilisable dans les dix ans pour faire face « aux dépenses nécessitées par l’exercice de la profession », comme le stipule le site des Impôts.

Tous les articles de notre dossier Gel 2021 : les tops et les flops

 

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