Les troubles de voisinage en zone agricole
Depuis une vingtaine d’années, les décisions juridiques reconnaissant l’existence de troubles du voisinage se multiplient dans les zones agricoles. Force est de constater que les tribunaux ne privilégient pas forcément les exploitations agricoles aux habitations. Le point sur la réglementation.
Depuis une vingtaine d’années, les décisions juridiques reconnaissant l’existence de troubles du voisinage se multiplient dans les zones agricoles. Force est de constater que les tribunaux ne privilégient pas forcément les exploitations agricoles aux habitations. Le point sur la réglementation.
Quel est le régime des troubles de voisinage ?
Les troubles du voisinage sont régis par un régime propre. Il n’est pas nécessaire de démontrer la faute de l’exploitant pour obtenir réparation. Dès lors que le trouble « anormal » est démontré, le plaignant peut obtenir réparation.
Chaque juge va apprécier, selon ses propres critères, l’anormalité de la nuisance : durée du trouble, persistance, intensité… D’où des décisions parfois opposées pour une même situation. Ainsi une cour d’appel (CA) a pu reconnaître un trouble anormal causé par un épandage de lisier entraînant une odeur pestilentielle irrespirable, même en zone rurale (CA Agen 26 février 2003), alors qu’une autre a jugé que la présence d’un tas de fumier à distance réglementaire et déposé dans des conditions régulières, ne pouvait être considérée en milieu rural comme un trouble anormal du voisinage (CA Bordeaux 26 août 1986).
La cour d’appel de Nîmes a, quant à elle, considéré que le seul stockage ou entreposage de palettes de bois, empilées sur la propriété voisine au-delà de la limite séparative des fonds et effectivement visible depuis la propriété du plaignant, ne peut être considéré comme un trouble anormal du voisinage causé par une exploitation viticole préexistante. Elle a aussi considéré que les passages répétés d’un tracteur à partir de cinq heures du matin en été dans une exploitation agricole, ne pouvaient pas être motivés que par la volonté de troubler le repos des occupants de la résidence voisine, étant donné qu’il s’agit d’une heure normale pour débuter des travaux agricoles en cette saison (Cour d’appel, Nîmes, 1re chambre civile, 12 février 2013 - n° 12/01072).
L’antériorité entraîne-t-elle un privilège ?
L’article L. 112-16 du Code de la construction et de l’habitation dispose notamment que le voisin qui se plaint de nuisances dues à des activités agricoles ne peut obtenir réparation dès lors qu’il s’est installé alors que l’exploitation agricole existait déjà et que les activités agricoles s’exercent en conformité avec la législation. Toutefois, les juges peuvent facilement écarter cette règle dès lors que l’exploitant ne respecte pas les réglementations spécifiques à son activité (par exemple les règles relatives à l’hygiène…).
Certaines cours vont encore plus loin, en estimant que cette règle de l’antériorité ne doit pas priver un voisin du droit de jouir paisiblement de son bien avec des inconvénients demeurant raisonnables (CA Nîmes, 19 février 2002).
Quelles sont les sanctions envisagées ?
L’exploitant agricole à qui l’on reproche des troubles de voisinage peut être sanctionné de diverses manières. Il pourra être notamment condamné à verser des dommages et intérêts, à effectuer des travaux permettant de réduire ou de stopper les nuisances, voire à cesser l’activité à l’origine des troubles.
La cour d’appel de Montpellier a notamment ordonné de modifier la superficie et l’emplacement d’un paddock (Cour d’appel, Montpellier, 5e chambre, section A, 2 Juillet 2015 - n° 14/07152).
Quel rôle peut jouer la médiation ?
La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice impose le recours à la conciliation (conciliateur de justice) ou à la médiation, préalablement à la saisine du tribunal, s’agissant de certains conflits de voisinage.
Un décret en Conseil d’État doit déterminer les conflits de voisinage concernés par cette nouvelle obligation.
repères
Peuvent constituer des troubles de voisinage et être sanctionnés sous certaines conditions : les bruits de voisinage liés au comportement, les bruits d’activités et les nuisances olfactives générés par des voisins.
Le voisinage s’entend comme une aire de proximité dans laquelle vivent plusieurs personnes. Le trouble de voisinage peut donc intervenir entre des personnes qui ne sont pas des voisins directs.
Pour un conseil adapté, n’hésitez pas à consulter votre notaire.