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Les produits de lutte contre l’échaudage de la vigne doivent encore transformer l’essai

Face au risque croissant d’échaudage, des essais sont menés sur l’application de produits pouvant protéger les grappes. Les conditions de leur efficacité restent à préciser.

La kaolinite calcinée forme un film protecteur sur les baies de raisin, qui filtre les rayons ultraviolets et infrarouges.
La kaolinite calcinée forme un film protecteur sur les baies de raisin, qui filtre les rayons ultraviolets et infrarouges.
© Agri Synergie

L’élévation annoncée des températures et les chaleurs déjà observées ces dernières années entraînent un risque accru d’échaudage ou « brûlure solaire » du raisin. Lié à la combinaison d’un fort ensoleillement et d’une chaleur intense, et renforcé en cas de stress hydrique, le dégât s’observe désormais fréquemment dans le Sud, mais aussi en Bourgogne, Val de Loire… Les premières mesures pour limiter le risque portent sur la conduite de la vigne. « Il faut avant tout éviter d’exposer les grappes au soleil en limitant l’effeuillage et en privilégiant un palissage en T ou en Y qui permette aux feuilles de protéger les grappes », estime Jacques Rousseau, de l’ICV. Des produits à pulvériser sur la vigne pour la protéger sont également proposés.

Les plus répandus sont des argiles blanches qui forment un film protecteur sur le végétal et réfléchissent la lumière. La plus connue est la kaolinite calcinée, déjà utilisée comme répulsif contre les insectes, notamment la cicadelle verte. « La kaolinite calcinée, très blanche et très fine, limite le passage des ultraviolets, responsables des brûlures, ainsi que des infrarouges, qui entraînent l’échauffement des organes, précise Emmanuel Calli, responsable technique d’Agri Synergie, qui propose du Cœur de kaolin (marques Sokalciarbo, Baïkal, Baraka). Elle réduit ainsi les brûlures et l’élévation de température des grains. Elle laisse par contre passer les rayons photosynthétiques et permet la maturation du raisin. Et comme elle est inerte, elle n’a pas d’interaction avec d’autres produits. » La dose maximale conseillée en Sokalciarbo est de 20 kg/ha par passage ou 10 % maximum de la concentration, avec quatre applications maximum et sept jours minimum entre applications.

De nombreux essais sur la kaolinite

Avec les récentes canicules, des viticulteurs, notamment ceux utilisant déjà la kaolinite pour ses effets insectifuges, commencent à s’en servir contre l’échaudage. Des incertitudes demeurent toutefois sur l’efficacité des produits, le nombre d’applications, les doses… ce qui amène les expérimentateurs à les tester. Outre le fait que les conditions de l’échaudage ne sont pas toujours présentes, les résultats, bien que plutôt favorables, sont toutefois variables. Un essai au Centre du rosé, dans le Var, en 2021, sur sémillon a montré une fréquence d’échaudage (grappes touchées) significativement inférieure (24 %, contre 39 % pour le témoin) et une intensité d’échaudage inférieure. En 2021, au château Margaux, en Gironde, Florent Vesselle, de Montpellier SupAgro, a aussi montré un effet intéressant du kaolin (Sokalciarbo), celui-ci ayant réduit la fréquence de grappes échaudées de 30 % en cabernet sauvignon et 50 % en sauvignon blanc. Les observations ont mis en évidence que la couverture de kaolin doit être effective au moins sur la zone des grappes dès que la température dépasse 30 °C et que le ciel est clair. Le lien n’a toutefois pu être établi entre la protection contre l’échaudage et l’abaissement de température des grappes.

En Indre-et-Loire, un essai a été mené en 2022 à Vouvray, sur chenin, très sensible à l’échaudage. Une dose de 17 kg/ha de Sokalciarbo a été appliquée à la nouaison, avec l’adjuvant Vizir, suivie de 9 kg/ha en juillet puis en août. « Il y a quand même eu de l’échaudage du côté exposé au soleil, rapporte Nicolas Pichard, de la chambre d’agriculture. Le palissage est assez bas, une partie des feuilles qui aurait pu protéger les grappes est tombée sous l’effet de la chaleur et l’argile n’a pas suffi à protéger le raisin. Une difficulté est aussi que le produit se dépose très vite dans la cuve du pulvé et qu’il faut maintenir l’agitation en permanence. »

Tester le produit sur plusieurs années

En Bourgogne, des essais ont été engagés dans le cadre du projet multipartenaire Stratagème (2022-2024), cofinancé par le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) et la région, qui vise à identifier les leviers d’adaptation au changement climatique par la conduite de la vigne. « Le but est de trouver des solutions à court terme pour lutter contre le stress thermique et l’échaudage, un problème croissant en Bourgogne », précise Camille Buissière, du BIVB. Le kaolin a notamment été testé en 2022 en Côte-d’Or et Saône-et-Loire sur du pinot noir, très sensible à l’échaudage, et les essais vont se poursuivre en 2023 et 2024. « Nous devons tester le produit sur plusieurs années et travailler les conditions d’application », souligne Lise-Marie Lales, de la chambre d’agriculture de Côte-d’Or.

D’autres produits existent pour lutter contre les méfaits du soleil, mais sont plus récents et ont été, de fait, moins étudiés par les instituts techniques. Cette année, Erbslöh a ainsi lancé GrapeGuard, basé sur une autre argile, la bentonite. « Cette bentonite très blanche et de faible granulométrie a été sélectionnée pour lutter contre les coups de chaleur, précise Lorraine Dumont, d’Erbslöh. Elle agit par réflexion du rayonnement solaire. Elle peut être mélangée aux bouillies phyto. Et du fait de sa faible granulométrie, elle est non abrasive pour les buses et les pompes. » La firme recommande trois traitements successifs de 8-10 kg/ha ou 20 kg/ha en une fois, pour plus de réactivité. Des essais en Allemagne et au Luxembourg montrent une réduction d’environ 25 % des brûlures solaires. De même, la société Vivagro a lancé Cle’flo, un produit à base de trois argiles différentes et sous forme de crème. « Cette formulation spécifique permet de respecter le matériel, commente Mélanie Corre, responsable technique chez Vivagro. Les tests ont montré qu’elle n’est pas plus abrasive pour les buses qu’un produit phyto. » L’ingénieure certifie que les expérimentations menées chez des viticulteurs partenaires ont permis d’abaisser la température des feuilles et des fruits de 1 à 3,5 °C selon les cépages, et de réduire significativement les coups de soleil. Elle recommande de l’employer à 15 l/ha dès que les températures dépassent les 30 °C, et de renouveler le traitement après trois semaines ou 20 mm de pluie.

Du carbonate de calcium micronisé aux particules de taille optimale

Une autre possibilité est le talc, au mode d’action similaire à la kaolinite et la bentonite, plus lessivable, mais non abrasif. Compo France propose Invelop White Protect, à base de talc alimentaire, à appliquer avant les premières grosses chaleurs. Pulvérisable sans additif, il s’utilise à 20 kg/ha à partir de la nouaison avec trois applications maximum par an.

D’autres solutions encore existent à base de calcium. C’est le cas du lait de chaux, solution d’hydroxyde de calcium à très forte adhésivité, qui agit aussi comme barrière physique et réverbère la lumière. C’est également le cas du carbonate de calcium, qui compose le tout nouveau produit d’UPL, Calsun. « Le CaCO3 micronisé liquide confère deux propriétés au produit, explique la firme. Il reste mieux en suspension et forme une couche homogène sur la plante lorsqu’il sèche ; et les particules sont de taille optimale pour gérer efficacement la diffusion de la lumière. » Autant de nouveautés qui restent à tester sur le terrain.

D’autres pistes encore à étudier

De nombreux biostimulants, souvent des complexes de plantes, et des substances naturelles à effet biostimulant sont désormais proposés pour lutter contre l’échaudage, les coups de soleil, les coups de chaleur… avec différents modes d’action. Des essais commencent à être menés, en général avec les financements des firmes. Autre piste encore : les tisanes de plantes en biodynamie, testées notamment par Bio Bourgogne dans le cadre du projet Stratagème.

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