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Des vins élevés de bon grès

Parmi les modes d’élevage permettant d’obtenir des vins frais et fruités, la céramique s’est affirmée ces dernières années comme une véritable alternative. Reste à choisir entre terre cuite et grès. La différence de porosité est le critère majeur.

Les contenants en céramique ont pris leurs marques dans les chais ces dernières années, parce qu’ils sont l’une des solutions pour obtenir des vins faciles à boire, délicats et souples en bouche que les consommateurs d’aujourd’hui attendent. Grâce à leur légère porosité, ils se placent comme un intermédiaire entre l’inox ou le béton et la barrique, quant à la gestion des échanges entre le vin et l’oxygène en cours d’élevage. Mais entre la terre cuite et le grès, comment choisir ? C’est la question que Philippe Garrey, vigneron bourguignon en biodynamie, s’est posée alors qu’il réfléchissait à un élevage sans bois. Après réflexion, il choisit le grès. « Un collègue m’a dit avoir eu pas mal de pertes dues à l’évaporation lors d’élevage en amphores de terre cuite », témoigne-t-il. « Il y a aussi eu des cas de contaminations des vins par des ions métalliques, notamment fer et aluminium, à la suite d’élevage en terre cuite », complète Laure Thevenin, dirigeante de la société Themas, distributeur exclusif en France des cuves en grès Clayver. En 2017, Philippe Garrey achète deux cuves Clayver de 250 l et se lance dans de petits essais. « J’ai fait une cuve de blanc et une cuve de rouge, pour un élevage d’un peu moins d’un an », développe le vigneron. Les résultats sur blancs l’enchantent. Il juge que le contenant respecte « parfaitement le terroir », et investit dans trois cuves supplémentaires en 2019. Après un démarrage de la FA en cuve inox, son blanc est débourbé assez serré, et continue tranquillement sa transformation dans les amphores. « Le grès maximise l’expression du fruit, apporte un côté très pur, très minéral, qui est parfait sur les blancs, mais qui à mon sens manque un peu de complexité sur rouge », expose Philippe Garrey.

Trois contenants, trois résultats différents mais complémentaires

Virginie Aubrion, vigneronne au Château de Piote, dans le Bordelais, a de son côté choisi de multiplier les contenants. Séduite par la terre cuite en 2014, elle tente l’expérience du grès en 2015. Elle mène différents essais à partir de cépages rouges et blancs. « L’idée c’est d’apprendre. J’ai donc testé un même cépage, une même vinification dans trois contenants différents. J’ai constaté de grosses différences tout au long de la vie du vin, sans pour autant que l’un soit meilleur que les autres », assure la vigneronne. Pour Virginie Aubrion, la terre cuite produit des vins plus ronds et plus charnus, le grès des vins plus tendus et frais, et la barrique des vins plus structurés, plus beurrés. « Avec le grès je retrouve vraiment le goût du raisin croquant, du fruit frais. Et je trouve que ça révèle les caractéristiques du cépage, notamment celles de nos malbecs », confie-t-elle.

Adepte des macérations longues, Virginie Aubrion confie avoir « peut-être un peu plus de réduction sur les rouges avec le grès mais pas à des niveaux critiques ». Aujourd’hui, elle possède six œufs en grès, qu’elle réserve à ses sémillons et colombards pour les cuvées en blanc, à ses malbecs pour les cuvées rouges. Vigneronne en biodynamie, elle constate par ailleurs que le grès est assez sensible au courant d’air, avec un impact évident sur la durée des FA.

Éviter les chocs à tout prix, tant thermiques que physiques

Avec les céramiques, les vignerons alertent sur l’importance de bien choisir l’emplacement dans le chai. « C’est très fragile, un choc peut briser les jarres en 1 000 morceaux. Et on ne peut pas les déplacer en les faisant rouler », insiste Philippe Darrey qui en a fait les frais. En cas de vinification avec les parties solides, prévoir de l’espace autour des cuves pour simplifier le décuvage. Prévoyez également d’avoir des canalisations pour évacuer les eaux de rinçage à proximité. Pour le nettoyage, mieux vaut privilégier les méthodes physiques que chimiques, bien que les céramiques supportent bien la soude ou le peroxyde. « Le grès n’aime pas les chocs thermiques. Il faut éviter de mettre de la vapeur et de rincer à l’eau froide juste après », indique Laure Thevenin. En cas de stockage des contenants vides en extérieur, ils doivent impérativement être secs. Les supports oxoline, distribués par les fabricants, permettent de les retourner afin de les égoutter. « Moi j’y vais à l’éponge et au sèche -cheveux », indique Virginie Aubrion. Il faudra donc prévoir plus de temps lorsque l’on travaille avec les céramiques. Toutefois, si elles sont bien entretenues, elles ont une durée de vie quasiment infinie. Au-delà de l’intérêt œnologique, les céramiques sont perçues par certains comme les « gardiennes de nos traditions viticoles ». Un argument qui parle, à l’heure où les techniques ancestrales suscitent de plus en plus d’intérêt.

Ghislain Moritz, vigneron à la Maison Moritz Prado, 5 ha dans le Bas-rhin

« Mon vin sort du cliché du pinot noir d’Alsace »

« On a débuté notre activité familiale en 2017, avec l’envie de faire des vins sans suivre le schéma classique de ce qui se fait en Alsace. On a donc investi dans 4 jarres en grès, aidé par un financement FranceAgriMer, à partir desquelles on a réalisé toute une série d’essais sur le millésime 2018, car on ne savait pas vraiment comment mettre nos terroirs en valeur. On a notamment comparé un élevage de 12 mois de nos pinots gris en barrique, grès et cuve inox. Les résultats sont très significatifs, chaque vin a une identité très marquée. En barrique, les vins ont beaucoup de gras et de complexité mais sont aussi plus lourds. En grès, ils sont plus ouverts et expressifs et très marqués par la minéralité. En inox, les vins restent sur la fraîcheur et le côté floral mais manquent de complexité. Finalement on a décidé de tout assembler et le résultat est top. Avec le sylvaner j’ai fait un vin de macération. Ça donne quelque chose de très intéressant, mais il faut bien le valoriser car il m’a fallu 9 heures pour décuver ! Sur le pinot noir, nous constatons que le tanin est très fin, fondu, légèrement sableux. J’ai toutefois trouvé le vin rapidement plus ouvert, et plus fragile. Mais je pense que c’est parce que je n’ai pas assez travaillé les lies. Ce qui est certain, c’est que l’objectif est atteint, ce vin sort du cliché du pinot noir d’Alsace ! »

comprendre

Terre cuite et grès : quelle différence ?

La terre cuite et le grès sont les deux céramiques les plus adaptées à l’élevage des vins. Elles diffèrent par leur porosité, qui varie de 6 à 9 % pour la terre cuite et de 2 à 5 % pour le grès. Cette différence est liée à la composition de l’argile qui permet de chauffer à plus ou moins haute température. « Le grès est une argile composée de 60 à 65 % de silice, ce qui lui permet de supporter des températures allant de 1100 à 1350°C. La terre cuite contient environ 40 % de silice, et est chauffée entre 900 et 1 050 °C », indique Patrick Lalanne, dirigeant de la société Vin et Terre. Pour la société qui fabrique ses contenants en Chine ou il existe un savoir-faire ancestral sur ces techniques, le grès est un peu moins cher que la terre cuite car il nécessite moins de main-d’œuvre. Comptez entre 1 000 et 4 000 € pour une cuve en grès, et 1 350 et 4 500 € pour la terre cuite. Il y a aussi un peu plus de choix sur les formes et les contenances avec le grès.

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