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Biocontrôle : les produits en vigne encore très hétérogènes

Phosphonates, Cos-Oga et cérévisiane sont les molécules les plus efficaces sur le marché. Mais elles doivent être couplées à des solutions classiques pour ne pas décrocher.

Durant de nombreuses années, les stimulateurs de défense des plantes (SDP) ont été mis de côté pour leurs faibles performances. Il faut dire qu’à l’époque des premiers essais, l’optique des chercheurs n’était pas de développer des solutions permettant de diminuer les doses de produits phytosanitaires, mais bien de remplacer ces derniers.

Aussi les éliciteurs ont quasiment toujours été testés seuls, ce qui a conduit inévitablement au décrochage des solutions. « Depuis 2005 nous avons vu passer de nombreux candidats, relate Florent Bidaut, à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire. Il y a beaucoup de choses qui n’ont pas abouti. » Pourtant, ces solutions ont de réels effets, qui peuvent être exploités pour nous aider à gagner des points de l’indicateur de fréquence de traitement (IFT).

Les expériences montrent que le Cos-Oga (Bastid/Blason de Syngenta et Messager de Jouffray-Drillaud), la cérévisiane (Roméo de BASF) et les phosphonates (Redeli de Syngenta, Ceraxel de Ceradis et LBG-01F34 de De Sangosse) sont les solutions qui offrent les meilleurs résultats. De manière générale, les éliciteurs se comportent mieux contre l’oïdium que contre le mildiou. Cela est partiellement imputable au fait que l’oïdium exerce une pression plus constante, maîtrisable avec une défense régulière. Les sels d’acide phosphonique, appelés aussi phosphonates ou phosphites, font toutefois exception à la règle. Ce sont les composés qui se démarquent le mieux dans le foisonnement de solutions, mais ils ne ciblent que le mildiou.

Baisser les doses de 30 à 50 % sans prendre de risque

Les phosphonates ont d’une part une efficacité parmi les plus élevée des SDP, qui peut atteindre 60 à 70 %, mais aussi une bonne régularité. « Leur situation est toutefois un peu ambiguë, relève Xavier Daire, à l’Inra de Dijon. Ils jouent sur deux tableaux puisqu’ils ont également un effet fongicide. Il est difficile de dire quelle est la part réelle de la stimulation. »

L’efficacité est telle qu’ils permettent d’imaginer des programmes en solo, estime le scientifique. Pour Florent Bidaut, il s’agit effectivement des éliciteurs les plus sécurisants. L’association avec du cuivre à dose réduite, par exemple, fonctionne bien et ne représente pas de prise de risque. « Cela permet une diminution des doses de produits entre 30 et 50 % », assure le technicien.

Dans les autres catégories de SDP, les résultats sont hétérogènes. Les éliciteurs hormonaux par exemple, comme le benzothiadiazole (BTH), fonctionnent peu sur vigne. Ils peuvent être efficaces, mais il faut pour cela les employer à dose très importante, ce qui cause parfois des soucis de phytotoxicité. Il existe ensuite toute une foule de composés organiques divers, comme des peptides, polysaccarides, extraits de plantes, d’algues, de levures, etc., aux efficacités diverses.

À ce jour, deux composés semblent sortir du lot. Avec en premier lieu le Cos-Oga, qui est un cocktail d’oligosaccharides. Les sons de cloche à son propos diffèrent toutefois. Il donne de très bons résultats sur certains sites, mais sur d’autres ils sont plus mitigés. « Je l’ai éprouvé en conditions extrêmes, avec aspersion et renouvellement à 14 jours, raconte Frédéric Joseph, à la chambre d’agriculture de la Charente. On ne peut pas nier l’effet. Il permet un gain d’efficacité contre le mildiou de 20 à 30 % sur feuilles comme sur grappes par rapport à un programme à base de cuivre. »

Le soufre est plus efficient associé au Cos-Oga

À l’IFV, Éric Chantelot, qui a réalisé des tests dans le Gard, estime lui aussi que le Cos-Oga a un intérêt, que ce soit pour réduire les doses de cuivre en bio ou pour abaisser les IFT en conventionnel. « Mais on ne peut pas se passer d’un peu de classique », commente-t-il. Il ressort de son expérience en 2016 qu’une demi-dose de cuivre associée au Cos-Oga équivaut à un niveau de dose pleine.

De son côté, Florent Bidaut prend plus de pincettes : « sur mildiou j’ai observé un bon comportement jusqu’à la nouaison, mais lorsque la pression s’est intensifiée, le produit a décroché ». Sur oïdium en revanche, le technicien a constaté un gain d’efficacité par rapport à un soufre seul. Les expérimentateurs sont toutefois unanimes sur la nécessité de revenir à une protection maximale en encadrement de floraison.

La cérévisiane, qui est un dérivé de levures, laisse elle aussi une bonne impression aux expérimentateurs. Il s’agit du principe actif du produit Roméo, lancé cette année par BASF. En Bourgogne, les conclusions sont similaires à celles du Cos-Oga, à savoir un réel gain d’efficacité jusqu’à mi-juin, puis un décrochage, comme le reste des modalités. « J’ai comparé des microdoses de cuivre, c’est-à-dire 100 grammes, avec le même apport additionné de cérévisiane, explique Florent Bidaut. À la fin de la saison nous étions sur des niveaux d’attaque similaires. »

Les essais de 2017 sur chardonnay donnent de bons résultats, mais la pression était faible. Ce qui fait dire au technicien que Roméo est une bonne solution dans des contextes de pression modérée, et en association. « Mais que ce soit pour le Cos-Oga ou pour la cérévisiane, le résultat est plus intéressant si l’on multiplie les applications », précise le technicien, qui tient des cadences de 10 à 12 jours pour le premier et 7 à 10 jours pour le deuxième.

Laminarine et fénugrec sont moins performants

D’autres solutions existent sur le marché, mais rencontrent moins d’enthousiasme auprès des expérimentateurs. « La laminarine, extraite d’algues brunes, montre une efficacité contre l’oïdium sous serre, reconnaît Xavier Daire. Mais les résultats sur vigne en place sont trop irréguliers pour tirer des conclusions. » Une thèse de 2015 montre toutefois qu’une modification chimique de la molécule permet d’améliorer son efficacité, ce qui ouvre la voie à des produits plus efficients.

De même, le Stifénia, qui est un extrait de la plante fénugrec, a démontré son caractère éliciteur, mais avec un effet limité. Testé il y a quelques années par Bernard Molot à l’IFV, il avait eu une efficacité nulle dans la lutte contre le mildiou et l’oïdium au champ, avec un produit utilisé en solo. Il serait intéressant de renouveler l’expérience en association, dans un contexte de réduction de dose. De leur côté, les produits Elistim (Jouffray-Drillaud) et Nectar MGS (De Sangosse) ont été évalués à l’IFV de Bordeaux par Nicolas Aveline en 2009. Ils n’ont pas montré de gain d’efficacité par rapport à un témoin sous dosé. Il faut toutefois préciser que sur ce millésime, la simple réduction de dose a suffi à contrôler la faible pression des ravageurs.

Par ailleurs, le chitosan (Elicityl), qui n’est pas homologué sur vigne, marche assez bien sur le mildiou et l’oïdium dans certains cas, et pourrait présenter un intérêt. Testé en 2017 en bourgogne, il a assuré une bonne protection, avec des niveaux similaires à la cérévisiane.

Dans un autre registre, le PEL 101 GV (oligosaccharide) permet de préparer la vigne contre le gel, en jouant sur les équilibres chimiques de la plante. Il a été testé pendant près de dix ans par le Comité Champagne, et montre des résultats variables mais bien réels, notamment sur gelée blanche. Ces derniers sont compris entre 5 et 55 % d’efficacité, avec une moyenne proche de 20-25 %, à condition de réaliser une application à minima au stade 1 feuille.

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