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"Changer de pratique est la première adaptation au réchauffement climatique"

Pour Benjamin Bois, chercheur en agroclimatologie viticole, l’évolution du climat va modifier le cycle de la vigne. Ce qui pourrait bien impacter notre façon de travailler en vert.

Benjamin Bois est maître de conférence à l’université de Bourgogne. Ingénieur diplômé de Bordeaux Sciences Agro, il enseigne la viticulture à l’institut universitaire de la vigne et du vin Jules Guyot. Il est parallèlement à cela détaché au centre de recherche de climatologie de Dijon où il étudie l’agro-climatologie viticole.
© B. Bois

Pouvez-vous nous rappeler quels sont les scénarios privilégiés quant au climat dans nos vignobles à l’avenir ?

Nous nous attendons à une hausse généralisée de la température. Cela veut dire que nous aurons moins d’événements froids en absolu mais plus de pics de chaleur, que ce soit en été ou le reste de l’année. L’augmentation de la température moyenne devrait être d’un à deux degrés par rapport à la fin du XXe siècle d’ici 2050. On parle de trois à cinq degrés pour la fin du XXIe siècle. En termes de précipitations, c’est très incertain sur la surface du globe, mais il y a certaines zones où les modèles convergent. Le bassin méditerranéen, par exemple, devrait connaître une baisse des pluies de 10 à 30 % d’ici 2100. Pour le reste de la France, il se peut qu’il n’y ait pas d’impact sur la pluviométrie, ou encore qu’elle augmente. Les modèles de prévisions ne vont pas dans le même sens, ce qui nous empêche de tirer des conclusions. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’il y aura plus d’énergie dans le système. Cela devrait se traduire par des précipitations plus intenses, qu’elles soient solides ou liquides.

Quelles conséquences sont à prévoir sur la biologie et le cycle de la vigne ?

Il y aura indéniablement un impact sur le développement végétatif. Puisqu’il fera plus chaud, le débourrement interviendra plus tôt dans la saison. On estime l’avance à quelques jours. De même pour la floraison, qui devrait se rapprocher du printemps et sera peut-être exposée à des conditions climatiques différentes d’aujourd’hui. Mais le débourrement est moins affecté par le réchauffement que la floraison, ce qui veut dire que le cycle devient plus court. La véraison devrait également avancer de plusieurs jours. La pression des maladies quant à elle pourrait évoluer. Les projections annoncent plutôt une tendance à la baisse, notamment en ce qui concerne les maladies cryptogamiques.

Cela va-t-il amener les viticulteurs à devoir changer leurs pratiques ?

On est en train d’opérer un léger retour en arrière en ce qui concerne la vision du rapport entre feuille et fruit. Jusqu’ici on était dans une logique de maximisation de ce rapport et nous cherchions à obtenir la plus grande surface foliaire exposée possible. À présent, on commence à devoir retarder la maturité. Nous essayons des techniques qui passent par une adaptation des travaux en verts pour avoir un ratio feuille/fruit moins important, avec notamment des rognages plus bas. Il est probable qu’il faille petit à petit revoir notre rapport à l’effeuillage, car le cœur de la végétation devrait devenir de moins en moins humide et nous aurons à protéger les grappes de l’échaudage. Peut-être que les modes de conduites changeront. Ils n’ont pas tous la même réaction à la contrainte hydrique et certains sont moins gourmands en eau. Les travaux en vert évolueront donc en conséquence. Il se peut également qu’apparaissent de nouvelles pratiques, visant à retarder la maturation : arroser la canopée ou poser des filets d’ombrage sont des exemples.

Quelles adaptations face au changement climatique sont à envisager concernant les conditions de travail ?

Il y a beaucoup de choses qui risquent de changer. Des températures plus chaudes impliquent potentiellement des conditions de travail plus rudes. Il n’est pas exclu qu’il faille changer les habitudes d’horaires de travail, pour œuvrer à la fraîche. D’un autre côté le viticulteur aura besoin d’être plus réactif, donc de mobiliser de la main-d’œuvre. Je pense qu’il sera alors opportun de rendre le travail dans les vignes plus "sexy". Cela passe par des travaux moins pénibles, plus faciles à réaliser… On peut imaginer par exemple installer les vignes à hauteur d’homme.

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