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« C’est difficile de vendre des crédits carbone à plus de 40 euros »

Le marché sur lequel se vendent les crédits carbone est très ouvert mais en même temps pavé d’inconnues. Le point avec Julia Grimault, cheffe de projet Agriculture et forêt chez I4CE (1).

« Le développement de projets européens de compensation carbone est encore récent », observe Julia Grimault, cheffe de projet agriculture et forêt chez I4CE.
« Le développement de projets européens de compensation carbone est encore récent », observe Julia Grimault, cheffe de projet agriculture et forêt chez I4CE.
© I4CE

Quels sont les niveaux de prix d’une tonne de carbone aujourd’hui ?

Il y a une grosse différence entre l’Europe et le marché mondial où les prix des crédits carbone sont bas, autour de 3 à 4,50 euros la tonne de carbone. Cela concerne des compensations avec des très gros volumes et, très souvent, des projets sur des milliers d’hectares.

Le développement de projets sur le sol européen est récent. En France, les prix sont plutôt à 30 ou 40 euros la tonne. C’est difficile de vendre au-delà. Le prix peut parfois être plus élevé, par exemple si le projet valorise des cobénéfices sur la biodiversité ou le paysage.

 

 
Mettre en avant des cobénéfices d'un projet de label Bas carbone sur la biodiversité ou les paysages pourrait permettre d'espérer une rémunération plus élevée que les standards du marché.
Mettre en avant des cobénéfices d'un projet de label Bas carbone sur la biodiversité ou les paysages pourrait permettre d'espérer une rémunération plus élevée que les standards du marché. © Clara de Nadaillac

 

Certains acteurs sont prêts à financer des beaux projets dans le cadre de la RSE, d’engagements dans le développement durable ou de mécénat mais on sera toujours sur des petits volumes et des initiatives très localisées.

Ces prix peuvent-ils être incitatifs pour les porteurs de projets ?

La logique qui se met en place en France est celle d’un préfinancement presque systématique avec un regroupement de plusieurs porteurs de projets pour monter des dossiers d’une certaine importance. Le porteur va regarder ses coûts relatifs aux tonnes de CO2 économisées et il va négocier le prix à partir de ça. S’il n’y a pas d’accord sur le prix avec un acheteur, il n’y a pas de financement donc le plus souvent pas de projet.

L’inconnue ce sont les intermédiaires. L’agriculteur ou le forestier n’est pas celui qui va négocier le contrat en direct. Il va s’appuyer sur un intermédiaire qui pourra être une start-up, un cabinet de conseil ou encore un institut technique. Ils rémunèrent leur travail mais on n’a pas beaucoup de transparence sur les prix. Il y a une problématique de partage de la valeur entre les différents acteurs.

Comment évolue la demande de crédits carbone ?

En ce moment, beaucoup de financeurs cherchent des projets mais les prix sont élevés par rapport à ce qu’ils attendent et la demande reste volontaire. Il y a une nouveauté intervenue en 2022 qui peut accroître la recherche de crédits : pour les compagnies aériennes, que 35 % de de leur compensation soit faite sur le territoire européen en 2023 et 50 % en 2024.

Il y a quelques labels privés mais le label Bas carbone sera bien placé. Il y a tout de même une limite : l’entreprise peut se tourner vers des compensations extra-européennes si elle ne trouve pas de crédit carbone européen à moins de 40 euros la tonne.

Quels sont les risques liés à un contrat de compensation ?

Il peut y avoir une incertitude sur le volume final d’émissions à l’issue des cinq ans du projet. Si le risque est porté par le seul porteur de projet, il pourra devoir débourser plus d’argent que prévu s’il doit, par exemple, replanter des arbres pour remplacer des plants morts. Mieux vaut que le contrat prévoie un partage des risques.

Ce marché est-il suffisamment cadré ?

Il y a des discussions sur l’intérêt de la compensation pour financer la transition vers le bas carbone. Il peut y avoir des divergences de méthode selon les référentiels. Est-ce que ça encourage vraiment à diminuer les émissions ? Quelle est la contrepartie ? Tout dépend de comment c’est utilisé par les entreprises et c’est porté politiquement. Un cadre de certification du type label Bas carbone se met en place au niveau européen. Ça va booster la demande et apporter plus de lisibilité. Pour l’agriculture, il y a débat car il est prévu qu’il n’inclue que l’absorption du carbone et pas les réductions d’émissions.

(1) I4CE ou Institute For Climate Economics est une association créée par la Caisse des dépôts et de l’Agence française de développement. Elle a participé à la création du label Bas carbone.

La neutralité carbone, une allégation sous surveillance

« À compter du 1er janvier 2023, il est interdit d’affirmer dans une publicité qu’un produit ou service est neutre en carbone, sans expliciter son bilan carbone et les mesures de compensation éventuelles », indique le ministère de la Transition écologique.

La notion de neutralité carbone mérite d’être en effet éclaircie pour éviter le « Green Washing ». Si une entreprise achète des crédits carbone pour compenser ses émissions, elle atteint une neutralité carbone comptable mais elle n’est pas vraiment neutre en carbone. Le terme de neutralité carbone est juste s’il qualifie une neutralité physique où émissions et stockage s’équilibrent.

 

Retrouvez tous les articles de notre dossier Qu'attendre du label Bas carbone ?

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