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Antinori : l’innovation au service de la tradition

Pour l’italien, la recherche ne doit pas se substituer au savoir-faire. Ses projets sont principalement dirigés vers le développement durable et l’appui au vigneron.

Sur les collines de Toscane, la vigne semble avoir été créée pour sublimer le paysage d’oliviers et de cyprès. À la sortie du village de Bargino se dresse, presque imperceptible, l’un des plus anciens et plus importants domaines viticoles italiens. Vous êtes chez Marchesi Antinori. Et si l’entreprise paraît toujours aussi jeune après 26 générations d’existence, c’est que les dirigeants ont compris qu’il fallait se remettre en question de façon permanente. Ici, l’innovation va tous azimuts. « La force d’une grande entreprise comme la nôtre, par rapport à de petits domaines, c’est de pouvoir investir dans la recherche et le développement », plante Renzo Cotarella, directeur général d’Antinori.

Les travaux menés en interne concernent essentiellement des problématiques appliquées au vignoble, qui font suite aux remontées concrètes des collaborateurs. Ainsi, l’entreprise se penche sur la sélection des porte-greffes, et leur adaptation au terroir. Mais aussi sur la greffe en elle-même, pour déterminer si elle a une influence vis-à-vis des maladies du bois.

D’autres études portent sur la densité de plantation ou encore sur la hauteur optimale du cordon par rapport au sol. Si elle était de 60 centimètres historiquement, elle est d’ores et déjà passée à 80 sur les nouvelles plantations, et les techniciens du domaine réalisent des essais jusqu’à 1,20 mètre. Mais une des principales préoccupations reste la gestion de la maturité.

Des collaborations avec pas moins de cinq universités

Le domaine travaille notamment avec la société française Force-A, créatrice du capteur Multiplex, pour cartographier à la parcelle les variations de polyphénols. Ensemble, ils cherchent à comprendre les dynamiques de maturation et à séparer les différentes modalités, afin d’avoir la meilleure matière première possible. Et l’œnologie n’est pas en reste. « Un projet est en cours sur le site de Fiorano, conduit en agriculture biologique, pour sélectionner une levure émanant de ce vignoble », informe Sara Pontremolesi, maître de chai du chianti. « Mais nous avons beau avoir quelques compétences internes, nous n’avons pas vocation à faire le travail des universités ! » précise le directeur.

C’est pourquoi l’entreprise a noué des liens avec plusieurs facultés d’Italie, afin d’être épaulée dans sa démarche. Ainsi, Antinori travaille en collaboration avec les universités de Pise sur les problématiques entomologiques, de Milan pour le matériel végétal, de Florence en ce qui concerne le machinisme, de la Tuscia sur l’œnologie et de Plaisance pour ce qui touche aux maladies fongiques.

Et bien souvent, les recherches vont dans le sens d’une logique chère à l’entreprise : celle du développement durable. « La réduction des produits phytosanitaires nous préoccupe particulièrement », illustre Renzo Cotarella. En plus de la confusion sexuelle, le géant italien s’est lancé dans le lâcher d’insectes, notamment pour lutter contre la cicadelle farineuse de la vigne, à l’aide de Cryptolaemus. « Une technique qui marche remarquablement bien, se félicite le directeur. Maintenant nous cherchons à comprendre si la population est toujours présente au vignoble, pour savoir s’il y a besoin d’en lâcher tous les ans. » Antinori étudie par ailleurs la possibilité d’utiliser les Bacillus thuringiensis pour lutter contre la tordeuse Cryptoblabes, dont les dégâts s’intensifient.

Trente centimètres de cailloux sous le rang pour contrer l’herbe

Contre les maladies fongiques, plusieurs solutions novatrices seront mises à l’épreuve cette année, comme des stimulateurs de défense des plantes ou encore la poudre de basalte en pulvérisation. « Cela aurait une action mécanique sur l’épiderme des feuilles, et permettrait de le renforcer, explique Renzo Cotarella. Nous allons donc vérifier, ça ne coûte rien d’essayer ! »

Et les mêmes efforts sont déployés quand il s’agit de réduire l’utilisation d'herbicides. Sur les 67 hectares de la colline de Tignanello, une épaisseur de 30 centimètres de pierres est installée sous le rang, qui contre avec succès la pousse des adventices. Certaines parcelles sont replantées avec un mode de conduite original, facilitant le travail mécanique du sol : au lieu d’avoir deux cordons unilatéraux vers la droite tous les 60 centimètres, il y en a dorénavant un à gauche et un à droite tous les 120. « Il faut repenser toute notre viticulture pour s’adapter aux nouveaux enjeux », martèle le directeur.

Pour 2018, ce dernier prévoit également des essais de désherbage par mousse chaude, à l’aide du matériel Schiumone de Tecnovict. D’ailleurs, en termes de machinisme, l’entreprise n’hésite pas à aller voir directement les constructeurs, pour faire part de ses désirs. Ainsi elle a demandé à Spedo et Agrofer des propositions d’outils de travail du sol intercep, qui puisse optimiser la vitesse et la qualité de travail. Elle est également en collaboration avec des fabricants de pulvérisateurs, dans l’espoir de développer de nouveaux panneaux récupérateurs.

Vers un tracteur intelligent et connecté

« Il faut repartir sur quelque chose de totalement repensé qui soit beaucoup plus léger et maniable, pour que l’on puisse travailler dans les coteaux, estime Andrea Bencini, directeur des vignobles. Pourquoi pas avec une envergure réduite et des structures en plastique ? » Les effeuilleuses ne sont pas en reste, puisque l’entreprise a demandé à Tecnovit d’améliorer leur sensibilité, grâce à un ajustement électronique. Sans oublier le travail en cours avec le machiniste Same, sur un tracteur connecté. À savoir, un engin capable d’effectuer un reporting automatique des différents travaux effectués, mais aussi d’intégrer toutes les informations utiles provenant du vignoble, comme le stade phénologique.

Si l’innovation fait partie intégrante de l’entreprise, Renzo Cotarella avertit tout de suite : elle n’est pas une fin en soi. « Bien sûr que nous avons besoin des machines les plus performantes, avoue-t-il, mais elles doivent seulement être un support, permettre de gérer la base du travail pour libérer du temps aux collaborateurs, qui pourront ainsi être plus près des vraies problématiques. » Et de prendre ses erreurs passées en exemple. « Dans les années 90 nous pensions que nous allions tout mécaniser et gagner en efficience. Nous ne regardions que les heures par hectare, c’est l’époque qui voulait ça. Mais à se focaliser là-dessus, on oublie le reste, l’essentiel. »

Une école de viticulture en réflexion, pour garder le savoir-faire

Le directeur ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec la viticulture de précision, dans laquelle il s’était lancé il y a une dizaine d’années et qui, selon lui, peut conduire tout droit vers l’uniformisation des vins si on ne raisonne pas son utilisation. « Au départ nous faisions erreur dans le but, observe-t-il. En réalité, il faut être plus précis dans nos pratiques viticoles, à la base, dès la plantation. »

Pour lui, fonder sa stratégie seulement sur l’innovation et la mécanisation serait possible sur des terrains plats et avec la volonté de faire un vin standard, « mais ce n’est pas le cas ici », rappelle-t-il. La famille Antinori reste d’ailleurs intimement persuadée que faire un grand vin passe avant tout par un savoir-faire, une sensibilité, et valorise l’humain plus que la machine.

Elle envisage même de créer une école de viticulture, pour ne pas perdre les connaissances traditionnelles, et inciter le personnel à redevenir paysan pour comprendre la vigne. Cette dimension humaine se retrouve aussi dans l’organisation. Chaque propriété, qui comprend entre 16 et 300 hectares, est gérée comme un domaine à part entière, avec son propre directeur et son site de production. En définitive, Renzo Cotarella n’hésite pas à comparer l’entreprise avec l’écurie Ferrari. « Ce sont des voitures bardées de technologie, mais le travail est encore artisanal », glisse-t-il. Une image on ne peut plus parlante de la philosophie qui règne chez Marchesi Antinori.

Repères

Antinori

Entreprise familiale depuis 26 générations

Nombre d’hectares 2 600 ha dans toute l’Italie, dont 1 700 ha en Toscane

Nombre de domaines 14 en Italie. Présents en Californie, Chili, Hongrie, Malte, Roumanie, État de Washington

Production environ 23 millions de cols (estimation 2015)

Chiffre d’affaires 189,5 millions de $ (estimation 2014)

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