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Salmonelles : Des éleveurs de pondeuses protestent contre les abattages

Fin janvier à Lyon, des éleveurs de la confédération paysanne manifestaient pour faire évoluer la réglementation salmonelle sans rien céder sur la biosécurité, mais la DGAL campe sur sa position.

Une centaine d’éleveurs de la confédération paysanne du Rhône, de l’Isère, du Vaucluse et de la Drôme avaient planté leur banderole devant la préfecture du Rhône le 26 janvier : « Élevage de volailles plein air : on ne se laisse pas abattre ! ». Accompagnés de poules, ils ont préparé une omelette géante pour marquer les esprits des consommateurs et alerter les pouvoirs publics, notamment la Direction générale de l’alimentation (DGAL). Leur action symbolique voulait attirer l’attention sur l’abattage massif de pondeuses dans le Rhône fin 2020, à la suite de la détection de salmonelles. Ils dénonçaient « un excès de zèle sanitaire », dont ils seraient victimes, dixit Antoine Pariset, porte-parole de la Conf’du Rhône. Et cela alors que la croissance de la consommation d’œufs de poules élevées hors cages (53 % en 2020) est forte.

Les éleveurs de plein air ont expliqué leurs difficultés particulières liées à l’application des mesures de lutte vis-à-vis des salmonelles. Ils pointent la mise en œuvre de l’arrêté du 1er août 2018. Il prévoit que la détection dans un élevage de pondeuses d’une souche de salmonelles classée DS1 entraîne directement la déclaration d’infection (Apdi), sans réalisation de prélèvement de confirmation, et se solde par l’abattage du troupeau. Ils s’alarment aussi « d’une recrudescence des cas de présence de salmonelles » dans tous les types d’élevages. « Nous voulons faire évoluer la réglementation sans renier sur les objectifs sanitaires, et pour cela nous devons obtenir davantage d’informations » résume Nicolas Girod, porte-parole national de la Conf’.

Les éleveurs brisent le tabou sanitaire

Les manifestants ont rappelé les faits : dans le Rhône au dernier trimestre 2020, 7 exploitations ayant de 700 à 30 000 poules ont dû abattre 77 000 volailles. Des abattages vécus comme des coups de couperet. « Nous voulions aussi savoir si le risque alimentaire a tellement augmenté pour justifier de telles mesures ! La préfecture du Rhône nous a répondu qu’à fin octobre 2020, il y avait eu 17 personnes intoxiquées par des salmonelles l’an dernier, dont 12 par des œufs provenant de 4 basses-cours » explique Angélique Lassonnery.

Cette éleveuse a installé son élevage bio de 700 pondeuses en mars 2020 à Saint-Julien-sur-Bibost, puis elle a dû les abattre en octobre après un prélèvement positif. Sans avoir renoncé, elle se préparait à recevoir début février un nouveau lot de poules. Elle cite le cas d’un voisin. « Il a dû abattre ses 35 000 poules vaccinées contre les salmonelles. C’est la troisième fois en 18 mois, indépendamment de ses efforts. » Elle ajoute : « Nous demandons que les contre-analyses soient rétablies. L’équilibre bactériologique de nos élevages et des parcours est mouvant dans le temps et les poules ne sont pas forcément contaminées. »

L’éleveuse n’a pas été indemnisée car elle n’a pas souscrit à la charte sanitaire, mais elle a suivi la formation biosécurité et se conforme aux prescriptions. « Je ne peux m’affranchir totalement de ce risque salmonelle et nous faisons des efforts pour continuer à faire disparaître les toxi-infections à la salmonelle, mais cela ne doit pas conduire à la disparition des éleveuses. »

D’autres ont témoigné de leur détresse à la préfecture du Rhône. « C’est un tabou pour eux de parler de ces abattages. Ils craignent de perdre la confiance des consommateurs, alors qu’ils sont victimes de la réglementation. Ces décisions ne doivent pas remettre en cause leur compétence d’éleveur », explique Antoine Pariset.

La DGAL maintient le statu quo

Quelques jours après la manifestation, en réponse à nos questions, la DGAL transmet un message sans équivoque. « Une évolution de la réglementation n’est pas prévue. En effet, l’arrêt des confirmations s’appuie sur des résultats épidémiologiques. L’isolement d’une salmonelle réglementée dans l’environnement de vie du troupeau lors de la première analyse démontre sa présence. Or l’excrétion des salmonelles par le tube digestif des poules est intermittente. Aussi, un nouveau test, dit de confirmation, peut très probablement s’avérer négatif, sans toutefois remettre en question l’effectivité de la présence des salmonelles dans l’élevage. C’est cette intermittence qui rend difficile l’isolement de salmonelles dans les prélèvements, et donc lors de prélèvement de confirmation, qui entraînaient des faux-négatifs."

Par ailleurs, l’administration confirme une donnée que mettent en avant les éleveurs pour signaler la dégradation de leur situation : « L’arrêt des prélèvements de confirmation dans tous les cas, comme c’était réalisé par le passé, a entraîné une augmentation du nombre de foyers dans la filière pondeuses. Environ 35 % des résultats n’étaient pas confirmés malgré l’isolement d’une salmonelle dans un bâtiment lors de la première analyse. »

Enfin, pour l’État français l’intérêt économique de l’observance du règlement européen n’est pas à négliger, comme le reconnaît la DGAL. « Si elle est respectée, la réglementation permet de bénéficier du cofinancement de l’Union européenne pour l’indemnisation des éleveurs. La France a reçu de la Commission européenne 2,7 millions d’euros en 2019 et 4 millions d’euros en 2018. » En 2018, la France avait dépensé 3,59 millions d’euros pour le programme de lutte contre les salmonelles dans les élevages de chair et ponte.

Augmentation de la prévalence en 2019

 

 
Selon la DGAL, « c’est l'excrétion intermittente des salmonelles qui rend difficile leur isolement dans les prélèvements, donc lors des prélèvements de confirmation qui entraînaient des faux-négatifs ». © P. Le Douarin
Selon la DGAL, « c’est l'excrétion intermittente des salmonelles qui rend difficile leur isolement dans les prélèvements, donc lors des prélèvements de confirmation qui entraînaient des faux-négatifs ». © P. Le Douarin
En dépit d’une augmentation du nombre d’élevages infectés et de poules abattues en 2019, la DGAL ne se montre pas inquiète. « À ce stade, les objectifs de prévalence fixés par la Commission européenne (2 %) sont respectés. »

 

Les intoxications alimentaires en 2018

 

 

 

En 2018, en matière de toxi-infections alimentaires collectives (Tiac) dont l’agent responsable est identifié, Salmonella est le premier danger en nombre de foyers (35 %) mais pas en nombre de malades (16 %). Sur les 175 foyers Salmonella totaux, 48 étaient dus à des œufs ou produits à base d’œufs crus.

Pour les foyers Salmonella, l’analyse des sérotypes révèle 30 % de S. Enteritidis, 19 % de S. Typhimurium et 11 % de variant monophasique de S.Typhimurium. Dans 31 % des cas, le sérotype n’était pas connu. En 2018, 35 % des Tiac à Salmonella ont eu lieu en juillet-août (51 % en 2017) et 27 % en septembre-octobre.

Santé publique France a mis en ligne le bilan de l'année 2019 en mars dernier. Comme les années précédentes, l’agent pathogène le plus fréquemment confirmé est Salmonella pour 36% des TIAC pour lesquelles un agent a été confirmé. La nouveauté de 2019 concerne la montée du sérotype Typhimurium qui passe de 19% à 32% des Tiac à salmonelle au détriment d'Enteritidis (25% au lieu de 30%).

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