Rations pour bovins viande : quel niveau de protéines faut-il viser ?
Bien doser les protéines des rations pour bovins viande n'est pas facile. Les risques pour les performances et la santé des bovins sont les mêmes en cas de carences comme en cas d’excès. Le point avec Émilie Knapp, vétérinaire et nutritionniste chez Rumexperts.
« Décrire les recommandations en protéines pour les bovins est difficile, car on ne sait pas vraiment ce qu’il se passe dans le rumen, qui reste une sorte de boîte noire. L’interaction de chaque animal dans son groupe, le tri qu’il fait dans sa ration compliquent aussi les choses », a présenté Émilie Knapp, vétérinaire et nutritionniste chez Rumexperts, bureau d’études en Belgique, lors d’un congrès organisé par Kemin pendant le Sommet de l’élevage.
« Pour que les protéines de la ration soient bien valorisées, il faut qu’elles passent de façon synchrone avec une source d’énergie dans le rumen comme dans le gros intestin », résume la scientifique. « Il faut aussi apporter ni trop, ni trop peu de protéines, car les excès ont les mêmes effets dépressifs que les carences sur les performances et la santé des bovins viande.»
Beaucoup d’essais ont été faits, mais il n’est pas facile de s’y retrouver, car les résultats sont très variables. « Les recommandations s’étalent de 11 à 16 % de protéines dans la ration selon les cas.»
Un apport synchrone d'énergie avec les protéines
Pour Émilie Knapp, la meilleure approche pour un bilan en élevage consiste à commencer par faire des analyses de fourrages et mesurer les performances des bovins par des pesées. Son cabinet vétérinaire a développé des analyses sur le sang pour réaliser comme un contrôle laitier pour les bovins viande.
« L’albumine dans le sang, une protéine de transport qui réalise les échanges d’eau, est l’équivalent du taux protéique du lait en élevage laitier. C’est la protéine valorisable », explique Emilie Knapp. Le taux d’urée dans le sang représente le déchet des excès de protéines au niveau ruminal et aussi de la mobilisation des protéines des muscles. Si l’analyse de sang montre un taux d’urée très bas, c’est que la ration n’apporte pas assez de protéines. Le cholestérol quant à lui correspond aux matières grasses du lait. Les BHB, premiers corps cétoniques liés à la digestion ruminale, renseignent sur le déficit énergétique relatif. Ces tests renseignent sur est-ce que la vache fait de l’albumine, c’est-à-dire des protéines efficaces, ou bien est-ce qu’elle fait de l’urée, qui représente un déchet et perturbe le métabolisme. Par exemple, en cas d'excès d'énergie et de manque de protéines, le cholestérol sera trop haut et l'albumine trop basse.
Un «contrôle laitier» sur le sang des bovins viande
Rumexperts a mené un essai en 2024 en élevage pour voir si augmenter l'apport en protéines en fin de gestation avait un impact positif sur la production laitière des vaches allaitantes et sur la santé et les performances de leurs veaux. Sur 60 vaches Blanc bleu belge nourries avec du foin de luzerne, foin, ensilage de maïs et pulpes surpressée, une moitié a reçu à partir de six semaines avant vêlage une complémentation aboutissant à une ration calculée à 12 % de protéines, et l’autre moitié une ration isoénergétique à 15 % de protéines. « Nous n’avons pas observé de différence de performances moyennes entre les deux lots. Par contre, en fonction des taux d’albumine dans le sang des mères 15 jours avant vêlage, nous avons mis en évidence que la croissance des veaux de celles à taux d’albumine élevé était meilleure. »
D'après les données du cabinet Rumexperts en Belgique, les génisses bovins viande mises à la reproduction sont souvent en situation de carence en protéines, ce qui peut expliquer des anoestrus. Par contre, les jeunes bovins sont souvent en excès de protéines.
Protéines solubles, acides aminés limitants
« Beaucoup d’essais ont été conduits sur l’efficience des protéines chez les bovins viande. Ils ont montré d'abord que plus l’animal mange de kilos de matière sèche, plus la digestibilité de la matière organique, et surtout celle des protéines, se réduit», relève Emilie Knapp de Rumexperts. Autre enseignement, la digestibilité de la matière organique est améliorée si la ration contient des protéines solubles, ce qui est très lié à la multiplication des bactéries du rumen. Une quantité limitante de certains acides aminés dans la ration a pu aussi être mise en évidence comme facteur réduisant l’efficience des protéines sur des bovins viande. « Cela concerne d’abord la méthionine, la lysine, et la thréonine, et il y a là aussi une optimisation à rechercher.» Enfin, les jeunes animaux sont beaucoup plus efficients pour la digestion de protéines que les plus âgés.