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Raisin de table : des nouvelles variétés espérées

La recherche de variétés de raisin de table résistantes au mildiou et à l’oïdium et attractives pour les consommateurs suit son cours. Certaines variétés potentielles sortent du lot et pourraient être inscrites au Catalogue officiel dans les années à venir.

La variété potentielle P236-A04 est sortie du lot lors des observations à La Tapy (Vaucluse). C'est une variété blanche, avec des ébauches de pépins, au goût sucré. En plus des résistances au mildiou et à l'oïdium, elle montre une tolérance au black-rot.
© La Tapy

Les producteurs français de raisin de table espèrent des nouvelles variétés. Résistantes au mildiou et à l’oïdium, d’abord : ces deux principaux bioagresseurs du raisin de table concernent près de 80 % des traitements. Mais elles doivent aussi être adaptées aux nouvelles tendances de consommation. « Des variétés aux baies assez grosses, plutôt précoces, avec une qualité gustative satisfaisante, sans pépins ou avec des pépins non lignifiés », énumère Alexandra Lacoste, directrice de l’AOP Raisin de table. La variété idéale serait « un Centennial ou un Muscat résistant et sans pépins ».

L’innovation variétale en vigne a beaucoup évolué ces vingt dernières années. Depuis dix ans notamment, la demande sociétale pour une diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires a boosté l’innovation variétale vers des variétés résistantes aux maladies, mildiou et oïdium en tête. De plus, des innovations techniques importantes ont été réalisées, qui permettent d’aller plus vite dans la sélection.

« Ces innovations variétales, portées par la filière viticole, concernent au départ le raisin de cuve, indique Loïc Le Cunff, ingénieur en génétique à l’Institut français de la vigne et du vin (IFV). Mais les producteurs de raisin de table sont aussi fortement demandeurs de nouvelles variétés résistantes au mildiou et à l’oïdium. Or, le fond génétique de raisins résistants à ces maladies ne correspond pas aux standards recherchés en raisin de table : baies petites, grappes compactes, équilibre sucres acides inadapté, présence de pépins… »

Une centaine de variétés évaluées depuis 2014

C’est ainsi qu’est né le programme TABLE-RES réunissant l’IFV, le domaine expérimental La Tapy et l’AOP Raisin de table et soutenu par la région PACA et le département du Vaucluse. Les variétés résistantes de raisin de cuve ont été croisées avec plusieurs variétés de raisin de table présentant des caractéristiques recherchées (apyrénie totale ou partielle, goût muscat), comme Centennial Seedless, Muscat de Hambourg et Muscat d’Alexandrie. « La sélection assistée par marqueurs permet de repérer, dès le stade plantule, les fragments d’ADN porteurs du goût muscat, des résistances mildiou et oïdium et de l’apyrénie. Mais on ne sait pas à quel niveau seront exprimés ces caractères », explique Loïc Le Cunff.

Plus d’une centaine de variétés ont été évaluées depuis le début des observations au champ en 2014, sur le domaine expérimental La Tapy (Vaucluse). Cette étape de criblage consiste à assurer le suivi au champ des potentielles variétés les plus intéressantes, à la fois résistantes mildiou/oïdium et se rapprochant des standards du raisin de table. Si des progrès sont nettement visibles depuis les premiers croisements, aucune variété n’a encore été inscrite au Catalogue officiel français des espèces et variétés de plantes cultivées en France. Mais la situation pourrait changer dans quelques années.

Une variété retenue dans le dispositif VATE

« Plusieurs variétés potentielles se révèlent intéressantes par leurs arômes particuliers, leur goût sucré ou la conformation de leurs grappes, informe Benjamin Pierron, responsable du programme à La Tapy, dans un article d’INFOS CTIFL consacré au projet TABLE-RES(1). Sans être strictement apyrènes, elles possèdent toutes des pépins non lignifiés qui n’occasionnent pas ou peu de gêne à la dégustation. Enfin, la résistance au mildiou et à l’oïdium est totale puisqu’elles n’ont développé aucun symptôme depuis qu’elles sont implantées. Elles présentent néanmoins un certain nombre de points négatifs potentiellement rédhibitoires : baies trop petites, grappes compactes ou hétérogènes. »

Une variété potentielle, P236-A04, est sortie du lot et a été retenue en 2020 pour être étudiée en dispositif Valeur agronomique, technologique et environnementale (VATE), étape nécessaire pour l’inscription au Catalogue Officiel (voir encadré). Il s’agit d’une variété blanche, avec des ébauches de pépins, au goût sucré. En plus des résistances au mildiou et à l’oïdium, elle montre une tolérance au black-rot. Son défaut principal est la taille de ses baies. Avec près de 4 g, elles sont légèrement inférieures à celles de Centennial, mais nettement supérieure à celles des autres variétés résistantes. « Si l’intérêt de P236-A04 se confirme au cours du dispositif VATE, une inscription au Catalogue officiel est envisageable en 2026 ou 2027 », prévoit Benjamin Pierron.

Muscat de Hambourg et Centennial en références

En moyenne, une vingtaine de variétés sont implantées chaque année à La Tapy afin d’en évaluer le potentiel agronomique et commercial. Elles sont implantées sur un nombre limité de souches (une placette de trois pieds par variété). Chaque placette constitue une première caractérisation des variétés et permet d’estimer leurs intérêts sur plusieurs années. A titre de comparaison, deux variétés de référence sont utilisées : Muscat de Hambourg (variété noire) et Centennial (variété blanche).

Les caractéristiques observées sont la fertilité (nombre de grappes par sarment), le comportement vis-à-vis des bioagresseurs, la phénologie, les critères de maturité (taux de sucre, acidité, poids des baies), la sensibilité à la coulure (chute d’ovaires fécondés et jeunes baies) et au millerandage (développement limité de certaines baies), l’apparence (conformation et taille des grappes, homogénéité, compacité) ; et enfin les critères de dégustation : présence d’arômes particuliers, apyrénie ou présence de pépins non lignifiés, caractère croquant des baies…

« Ce programme montre qu’il est possible d’obtenir des variétés à la fois intéressantes pour le marché du raisin de table et résistantes au mildiou et à l’oïdium, souligne Loïc Le Cunff. De plus, il a permis d’améliorer les techniques de sélection en identifiant les zones du génome relatives aux caractères 'raisin de table' ».

(1) Innovation variétale en raisin de table : Des variétés résistantes… et intéressantes ? INFOS CTIFL n°374 septembre 2021

Des variétés résistantes de raisin de cuve ont été croisées avec plusieurs variétés de raisin de table

Quatre variétés intéressantes du programme TABLE-RES

 

 

© La Tapy

P236-A04

P236-A04 se montre croquante, aromatique, sucrée, avec une grappe bien conformée et une peau peu persistante. Ses baies sont de taille inférieure aux variétés classiques : 3,7 g contre 4,6 g pour Centennial et 5,5 g pour Muscat de Hambourg. Elles sont néanmoins plus grosses que celles des autres variétés intéressantes évaluées.

 

 

 

 

 

 

 
© La Tapy

P574-F07

Cette variété est croquante, sucrée, légèrement aromatique. Ses baies sont ovoïdes mais elles sont trop petites (2 g). Leur peau est moyennement persistante et les grappes sont moyennement homogènes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© La Tapy

P581-E04

La variété potentielle P581-E04 est sucrée, plutôt précoce, avec un arôme muscaté. En revanche, les baies sont trop petites (2,5 g), les grappes sont moyennement homogènes et relativement sensibles au millerandage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© La Tapy

P580-F04

Cette sélection de raisin de table se montre croquante, sucrée, avec des baies proches des variétés classiques. Mais les qualités gustatives ne sont pas au rendez-vous : arômes neutres et goût légèrement acide. De plus, les grappes sont plutôt compactes et des baies de taille inférieure aux variétés classiques.

 

Une hybridation à la base des programmes

Les premières tentatives de croisement de variétés de Vitis vinifera datent d’avant les années 1900. Elles résultent des crises sanitaires liées à l’introduction de l’oïdium puis du phylloxéra et enfin du mildiou. Il a fallu attendre 1974 pour que des hybridations entre Vitis vinifera et Muscadinia rotundifolia soient réalisées. Cette hybridation est la base de différents programmes dont TABLE-RES, initié en 2007 et mené par l’Unité mixte technologique Geno-Vigne et l’unité « Diversité et adaptation des plantes cultivées » (INRAE Montpellier).

Les rôles du dispositif VATE

Le dispositif Valeur agronomique, technologique et environnementale (VATE) est une des étapes nécessaires pour l’inscription d’une nouvelle variété au Catalogue officiel français. Cette inscription autorise la multiplication des plants en France. Les observations sont alors réalisées sur un nombre plus important de pieds (trois répétitions de huit souches par variété au minimum dans le cas du raisin de table). Les données sont enregistrées sur trois années de production normale soit à partir de la troisième feuille.

Elles concernent en particulier la phénologie (dates de débourrement, floraison, véraison et récolte), la maturité (poids moyen des baies, sucre, acidité), la récolte (poids récolté, nombre de grappes, poids des grappes) et la sensibilité aux maladies (fréquence et intensité d’attaque). Pour la variété P236-A04, qui a récemment intégré le dispositif, les suivis débuteront en 2023. Les données obtenues devraient permettre de confirmer les résultats déjà acquis mais aussi d’apporter de nouvelles informations, comme les potentiels de rendement. Ce suivi et l’ensemble des données acquises permettront de valider les intérêts de la variété pour une éventuelle inscription dans le catalogue.

 

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