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Pour Stéphanie Pageot, " Tout reste à faire pour une construction équitable des filières "

L'ancienne présidente de la Fédération nationale d'agriculture biologique et toujours membre de la Fnab Stéphanie Pageot, revient sur son parcours, pas toujours simple, de productrice de lait biologique. Selon elle, le développement du marché des produits biologiques nécessite davantage de vigilance de la part des spécialistes pour éviter les embûches que connaît le conventionnel.

Stéphanie Pageot, productrice de lait bio en Gaec, membre du bureau de la Fnab.
© DR

Comment êtes-vous devenue productrice de lait biologique ?

Stéphanie Pageot - J’ai toujours été convaincue par l’agriculture biologique. Mon père était passé en agriculture bio dans les années 90. Après mes études agricoles, j’ai repris la ferme laitière de mes beaux-parents dans l’Ouest avec mon mari Guylain. C’était une ferme conventionnelle. Nous avons tout de suite pris la décision de la convertir à l’agriculture biologique, ainsi que la ferme voisine que nous avons également reprise. Notre objectif était de devenir immédiatement autosuffisant. Les premières années n’ont pas été simples. L’exploitation n’était pas très productive. On a manqué de fourrages par exemple. Il a fallu changer tout le système, réimplanter des prairies. Nous sommes désormais autonomes. L’exploitation compte 65 vaches laitières sur 190 hectares, dont une trentaine d’hectares en culture et le reste en prairie.

Comment avez-vous vu évoluer l’agriculture bio ces dernières années ?

S. P. - Les quinze premières années, nous étions toujours en train d’essayer de faire reconnaître l’agriculture biologique comme une agriculture rentable, productive, qui avait de l’avenir. Maintenant nous y sommes. Ce mode de production est reconnu et correspond aux attentes sociétales en terme de santé, d'environnement et de bien-être animal. Depuis trois ans, le changement d’échelle est en train de s’accélérer. Il y a une demande très forte du marché. Face aux stratégies de certains distributeurs, on a même le sentiment que cela s’emballe un peu. C’est une bonne chose que le marché se développe. Mais tout reste encore à faire pour une construction équitable des filières. Il faut encore prendre le taureau par les cornes pour sensibiliser tous les acteurs. La bio n’est pas qu’un marché, c'est aussi un nouveau projet de société avec des fermes autonomes, performantes du point de vue économique, social et environnemental, et des filières transparentes et équitables.

N’y a-t-il pas un revers de la médaille à ce changement d’échelle, avec une concurrence accrue et une guerre de prix qui s’installe ?

S. P. - C’est vrai que nous voyons déjà les prémices de ce qui pourrait se passer. C’est donc maintenant qu’il faut réagir pour dire que ce n’est pas de cette façon-là que les acteurs de l’agriculture biologique veulent fonctionner. Il faut pousser les producteurs à diversifier leurs productions et leurs circuits de commercialisation. Au sein de notre ferme, nous faisons de la transformation depuis 2005. À l'époque, pour que mon beau-frère Sébastien s'installe avec nous, nous avions le choix de nous agrandir ou de faire de la transformation fromagère pour créer de la valeur ajoutée. Nous avons choisi la seconde solution et produisons de la tome de vache au lait cru affinée deux mois. Grâce à ce choix, nous avons créé cinq emplois.

Êtes-vous favorable au renforcement du logo AB ?

S. P. - Oui. Il y a trois ans, nous espérions y arriver au travers de la révision de la réglementation bio à l'échelle européenne mais nous n'y sommes pas parvenu. Mais maintenant chacun y va de sa marque privée. Chacun cherche à se différencier commercialement avec des critères supplémentaires. On ne voulait pas une bio à deux vitesses mais c’est en train de se produire. Un logo AB public mieux disant que la réglementation bio européenne doit être envisagé. Il faut aussi mettre notre énergie dans les intermédiaires. Tous les nouveaux transformateurs débarquent dans la bio sans connaître les fondamentaux agronomiques et la cohérence globale des filières. Il est nécessaire de sensibiliser les transformateurs et les distributeurs sur ces enjeux. Ils sont prescripteurs quelque part des choix d'évolution de la bio. C’est maintenant que se construit la bio de demain.

 

Rédaction Réussir

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