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« Un élevage de porcs entre le conventionnel et le bio »

Le cahier des charges de la SA Ker Angel est unique dans son genre. Pour le concrétiser, Laurent Dartois, l’éleveur, et le groupement Les Mousquetaires, le distributeur, ont su s’entendre pour créer et sécuriser les conditions alternatives de cet élevage vitrine.

« Cinq millions d’euros » voici le montant total investit par Laurent Dartois, éleveur à Guitté (22), pour faire sortir de terre son projet d’élevage alternatif. Et après deux mois (seulement) d’instruction de dossier, deux ans de travaux et 6 500 m³ de béton coulé, les premières mises bas en liberté ont eu lieu fin mai. L’idée de l’entrepreneur est simple : répondre à un segment de marché qui se situe entre la production conventionnelle et la production bio. Pour la concrétiser, l’exploitant s’est rapproché du groupement Les Mousquetaires avec lequel un contrat sur quinze ans a été signé. « Ce dernier me garantit un débouché à un prix fixe, indexé sur les variations du cours de l’aliment, et qui couvre les surcoûts de ce mode de production », détaille Laurent Dartois. Car le cahier des charges signé entre les deux parties est plus dense et exigeant qu’un label rouge. Il est sur le même schéma que la marque citoyenne « Les éleveurs vous disent merci ! » déjà présent dans les rayons et visible notamment sur les produits laitiers de l’enseigne Intermarché. Son objectif, outre le fait de participer à la bonne image de l’enseigne, est une meilleure rémunération des exploitants qui s’engagent dans le bien-être animal et la préservation de la biodiversité grâce à un achat citoyen du consommateur. Ainsi, les animaux produits sur l’exploitation doivent être 100 % en liberté, nourris avec des aliments 100 % français et non-OGM, disposer de 0,5 m² par place en post-sevrage, et de 2 m2 par place en engraissement avec de la paille en plus, ne pas avoir subi de caudectomie, de castration ni d’épointage des dents, et être sans antibiotique dès la naissance. Le produit final totalement tracé et estampillé « Ferme de Ker Angel » doit approvisionner l’étal « viande fraîche » des boucheries de grandes surfaces d’Intermarché en Bretagne. « Deux départs de 80 porcs charcutiers par semaine sont prévus pour une mise à la vente deux à trois jours après l’abattage. »

Un contrat sur quinze ans

Pour créer, valider et sécuriser un tel investissement, Laurent Dartois a réussi le tour de force de mettre autour de la table abatteur, distributeur, services publics (DDPP) et surtout associations de défense animale (WWF ; CIWF ; 60 millions de consommateurs). « Nous sommes partis d’une page blanche pour aboutir à un projet collectif où chacun a su faire des compromis », assure l’éleveur. Et de continuer : « Et si L214 vient, ce n’est pas grave, car nous n’avons rien à cacher. Tout est visible. » Car au-delà de la production pure, Laurent Dartois veut faire de son élevage un outil éducatif. Pour ce faire, 250 mètres de couloir de visite ont été construits dans le bâtiment maternité-gestante sous filtration, et douze caméras qui filment 24 heures sur 24 ont été installées. « L’une des idées à terme est de transmettre aux clients fidèles un code d’accès aux caméras mais aussi le droit à une visite gratuite. » Et pour finaliser le parcours, un musée sur l’histoire du cochon est prévu ainsi qu’une salle de restauration en plein milieu d’un des engraissements sur paille.

Un outil pédagogique visitable

Bien sûr, une telle visibilité oblige à une grande rigueur au quotidien acceptée par l’équipe salariée même si le droit à l’image peut poser question. « En plus de son contrat de travail, chaque salarié signe une charte de bonne conduite qui impose le respect du sanitaire, de l’animal, de l’homme et des autres règles propres à l’élevage », explique Laurent Dartois. Pour Yves Belan, le responsable de l’atelier, cette démarche oblige à la propreté. Ce dernier n’a aucun doute sur le comportement du cheptel truie dont la qualité maternelle a été travaillée en sélection. « Si une truie décède ou décide d’écraser tous ses porcelets nous devrons savoir l’expliquer. Et au cas où, une cellule de crise est prévue avec Intermarché », rassure Laurent Dartois. Au travers de cet outil, l’éleveur espère aussi susciter des vocations dans une profession qui manque cruellement de bras.

Repères

Earl Ker Angel

300 truies NE
Conduite en 4 bandes
Sevrage à 28 jours
5 salariés
200 hectares dont 45 en propre
7 000 à 8 000 porcs produits/an
Génétique femelle : Adenia (LW x Landrace)
Génétique mâle : Valens (Axiom)
Âge d’abattage : 180 jours
Poids d’abattage : 120 kg
Aliment : Garun Paysanne (contrat en TAF)

Un bâtiment conçu pour le sanitaire et le bien-être

L’élevage de la SA Ker Angel se compose d’un bâtiment maternité-gestante de 300 truies sous filtration et de trois engraissements sur paille de 2 400 places au total.

La maternité-gestante sous filtration préserve l’état sanitaire du troupeau et garantit le sans-antibiotique des porcelets. Au total, trois salles de 60 places en cage liberté pour une alimentation à sec en doseur ont été construites. Chaque case de 7 m² (2,65 x 2,65) est conçue pour les mises bas mais également pour engraisser jusqu’à 15 porcelets à 80 jours d’âge (0,45 m²/place). « Cette volonté de sevrer sur place oblige à faire des choix en termes d’aménagement. Par exemple, aucune niche à porcelet ou de zone pleine n’a été prévue. Pour assurer le confort thermique sur les premiers jours, nous ajoutons des plaques chauffantes électriques mobiles », détaille Yves Belan, le responsable d’atelier. De même, deux points d’eau ont été installés : une pipette dans l’auge de la truie et un abreuvoir dans la case qui sert à la fois aux porcelets et à la truie. « L’avantage est qu’ici la truie le nettoie naturellement au fur et à mesure. » Au sevrage, un nourrisseur vient se fixer contre une cloison pour une alimentation multiphase.

En engraissement, chaque case de 40 places regroupe trois portées choisies par rang et par poids pour limiter le stress. Chaque animal dispose d’une surface de 2 m² ( case de 6,5 x 14 m) dont trois quarts de paille et un quart de caillebotis. À l’intérieur, l’alimentation à sec est automatisée ainsi que la distribution de paille via l’appareil Strohmatic de Schauer. Seul le raclage du fumier se fait manuellement par un chariot télescopique. Avec une ventilation statique, l’ambiance est assurée par des rideaux latéraux pilotés par une station météo.

Pour l’instant, Yves Belan et son équipe n’ont pas assez de recul pour analyser parfaitement les performances de l’atelier. Cependant, pour eux, l’ergonomie de la case maternité est à repenser et des couloirs transversaux de manutention manquent dans chaque salle maternité. Seul le comportement maternel des truies donne pour l’instant pleinement satisfaction avec 13,5 porcelets pour 15,1 nés vifs aux premières mises bas. « En case liberté, nous sommes forcément plus attentifs peut-être par manque de recul. Car nos truies sont assez maternelles et nous nous efforçons de les habituer à notre présence. » Quant à la gestion de la caudectomie, dès qu’un porcelet a la queue un peu abîmée, il est traité par la pose d’un anneau élastique. Des jouets sont aussi ajoutés en appoint dans la case (sac de jute, cordes). Ne reste qu’à attendre les résultats de l’engraissement pour valider définitivement la méthode d’élevage.

Partenaires

Maçonnerie : Norée (22)
Terrassement : Lessard (22)
Charpente : Pipard (35)
Aménagements intérieurs : I-Tek (22)
Électricité/alimentation : Agrilec (22)
Chauffage : APC Energie (22)
Pailleuse : Schauer (Autriche)
Rideaux brise-vent : Eurosom (22)

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