Des morsures lorsque les queues des porcelets ne sont pas coupées
La gestion de porcs à queue non coupée et sans caudophagie reste difficile à maîtriser. Le résultat est variable entre les cases et les bandes malgré une conduite similaire.
La gestion de porcs à queue non coupée et sans caudophagie reste difficile à maîtriser. Le résultat est variable entre les cases et les bandes malgré une conduite similaire.
Les cas de caudophagie sont nettement plus importants lorsque les porcs n’ont pas la queue coupée dans les jours qui suivent la naissance.
Dans un essai réalisé à la station porcine des Chambres d’agriculture de Bretagne de Crécom, 21 % des porcelets avec la queue non coupée en fin de post-sevrage et 14 % des porcs en fin d’engraissement présentent des blessures importantes à la queue, alors qu’ils ne sont que 1 % des animaux à ces deux stades lorsque la queue est coupée. Les blessures les plus graves, avec des plaies et du saignement sont observées uniquement sur les porcs à queue non coupée.
Des morsures dès le post-sevrage, des plaies qui se cicatrisent
Les épisodes de caudophagie les plus graves sont concentrés dans un nombre limité de cases. Sur les 19 cases composées exclusivement de porcs à queue entière, neuf cases en fin de post-sevrage et onze en fin d’engraissement ne présentent que des animaux avec au plus des griffures à la queue, sans plaie.
En fin de post-servage, les 19 porcs qui obtiennent la note 3, la plus grave, sont répartis dans sept cases dont deux d’entre elles seulement qui concentrent 55 % de ces animaux. Pour l’engraissement, la situation est analogue, les porcs qui obtiennent la note 3 sont répartis dans six cases. Ces cases avec caudophagie sont réparties aléatoirement dans les salles et aucun paramètre de l’environnement (courant d’air, température, facteurs alimentaires…) n’a été identifié comme éléments déclencheurs. Ceci laisse penser que les morsures sont essentiellement liées à des comportements individuels de certains animaux. C’est aussi la raison qui nous a amenés à isoler en infirmerie quatre porcs mordeurs (trois en post-sevrage et un en engraissement) au cours de l’essai. Le suivi individuel des animaux permet d’observer l’évolution de l’état de la queue entre le post-sevrage et l’engraissement. Dix-huit pour cent des animaux à queue non coupée voient l’état de leur queue s’améliorer entre le post-sevrage et l’engraissement, passant de notes 2 ou 3 en notes 0 ou 1. Les plaies se cicatrisent dans la majorité de ces cas. Il est impossible de savoir en fin d’engraissement si la queue a été raccourcie suite à une morsure ou à la coupe en maternité. En parallèle, 10 % des animaux ont l’état de la queue qui se dégrade entre le post-sevrage et l’engraissement, lié à des morsures en engraissement. Dans notre essai, nous n’avons pas constaté d’augmentation du nombre de saisies à l’abattoir qui pourrait être lié à l’état des queues en fin d’engraissement ou à des infections qui trouveraient une origine dans des morsures précoces. Le fait de laisser les queues entières, avec la caudophagie qui l’accompagne, n’a pas eu d’effet non plus sur les vitesses de croissance au cours de la phase d’élevage, le GMQ des animaux avec queue entière ou queue coupée étant équivalent.
Des causes de morsure difficile à identifier
Des caméras ont été installées en post-sevrage pour suivre le comportement des animaux à queue non coupée. Les interactions entre les animaux sont notées à plusieurs reprises au cours du post-servage, sur une durée de dix heures. On identifie de très nombreuses formes d’interactions entre les animaux : exploration de la face, poussée, coup de tête, massage du ventre, des mordillements au niveau des oreilles ou de la queue, qui n’entraînent pas de réaction du porcelet victime.
Les morsures à la queue sont qualifiées lorsqu’il y a une réaction de l’animal victime. Ces comportements sont peu fréquents par rapport aux autres formes d’interactions, mais représentent cependant en moyenne 2,3 actions sur une période de dix heures et pour dix porcs. Par rapport à la durée de présence des animaux en post-sevrage, on comprend que certaines de ces morsures puissent se traduire en morsures franches à l’origine des plaies. Pour déterminer l’influence du comportement des porcs sur les morsures observées, les cases ont été classées en cases « avec morsures élevées » et « avec morsures faibles » suivant les notes d’état des queues en fin de post-sevrage. Statistiquement, aucun comportement ne se distingue entre les cases à niveau de morsures élevées ou faibles. Au niveau des interventions, l’apport d’un enrichissement supplémentaire — cordelette, objet caoutchouc — dès que des cas précoces de caudophagie sont observés, permet de réduire le risque que la morsure se transforme en plaie importante au niveau de la queue.
Yannick Ramonet, Chambres d’agriculture de Bretagne
Une question d'acceptabilité
Dans un débat sur le bien-être des animaux et l’arrêt des pratiques qui portent atteinte à l’intégrité des porcs, telles que la coupe des queues, des dents ou la castration, la question reste le niveau d’acceptabilité de leurs conséquences tant sur le plan de l’intégrité physique des animaux que sur le plan économique. Niveau d’acceptabilité qui est aussi très variable entre les parties prenantes au débat : éleveurs, scientifiques, associations… Il reste encore à poser la question au cochon !
Repères
L’essai a été réalisé dans l’élevage caillebotis de la station porcine des Chambres d’agriculture de Bretagne de Crécom, avec 232 porcs à queue non coupée et 211 porcs à queue coupée. Les animaux sont suivis individuellement depuis le sevrage jusqu’au départ à l’abattoir. Une note d’état de la queue est donnée pour chaque animal en fin de post-sevrage et au moment du premier départ abattoir, de 0 « absence de marque visible » à 3 « plaie importante ». Des observations quotidiennes de la position de la queue servaient d’indicateurs précoces de caudophagie et permettaient d’ajuster la stratégie d’intervention, par l’apport de matériaux manipulables notamment pour détourner le comportement de morsure des animaux.