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Des capteurs pour connaître la composition des lisiers de porcs à l’épandage

Des capteurs utilisant le proche infrarouge permettent de déterminer la composition des lisiers de porc en continu lors des épandages. Des entreprises de travaux agricoles (ETA) et Cuma commencent à équiper leurs tonnes à lisier. État des lieux de cette technique et point de vue de ces prestataires.

L’utilisation d’un signal lumineux, le proche infrarouge, permet de déterminer la composition des lisiers de porcs, mais aussi de bovins et des digestats, en matière sèche, azote, phosphore et potassium. Le principe repose sur le niveau de transmission ou de réflexion de ce signal sur l’effluent épandu. Cette technique ayant montré des résultats satisfaisants en laboratoire est maintenant proposée par au moins deux constructeurs, Mauguin et John Deere, pour une installation sur tonne à lisier. Ces dispositifs demeurent encore marginaux car seules quelques dizaines de tonnes en sont équipées sur un parc français de plusieurs milliers d’unités. Ces capteurs constituent une alternative prometteuse aux analyses de laboratoire, compte tenu du temps de réponse rapide (quelques secondes), d’un moindre coût à l’analyse et de sa fiabilité théorique, pour l’instant uniquement démontrée à l’échelle du laboratoire. Ils permettent d’envisager une fertilisation organique de précision par une régulation instantanée de la dose de lisier épandu sur la base de leur teneur en azote ou en phosphore et non plus à partir d’un simple volume. À moyen terme, ces capteurs associés à un GPS et aux outils cartographiques ouvrent la voie à l’automatisation des plans d’épandage. La traçabilité de chaque unité d’azote et de phosphore, notamment, permettrait un gain de temps administratif et d’apporter de la transparence quant aux flux d’éléments fertilisants entre éleveurs et prêteurs de terre. Ce type de dispositif n’a toutefois pas encore fait l’objet de validation par l’administration. En décembre 2020 et en janvier 2021, trois personnes assurant des prestations d’épandage avec une ou plusieurs tonnes équipées d’un capteur à lisier utilisant la technologie du proche infrarouge ont accepté de témoigner sur ce dispositif. Les propos de Vincent Lévèque (Cuma L’Entraide à Bais, Ille-et-Vilaine), Pierre-Henri Hamon (ETA à Guer, Morbihan) et Nicolas Robillard (ETA à Hénanbihen, Côtes-d’Armor) sont synthétisés ci-dessous. Les deux premiers utilisent le Harvestlab de John Deere, le troisième, un capteur développé par Mauguin.

Un pari sur des besoins à venir

Le souhait d’apporter de la valeur ajoutée – par des modulations de doses – aux prestations de base est rapporté comme principale source de motivation, de même que l’attrait pour les nouvelles technologies. C’est aussi un pari sur une évolution vers davantage de précision dans les épandages, tant à des fins agronomiques que réglementaires. La particularité du capteur John Deere qui peut être également employé sur l’ensileuse pour déterminer la teneur en matière sèche est vue comme un atout supplémentaire. Un témoignage rapporte toutefois la crainte de devoir s’engager pour un package complet pour le choix de la marque. Dans tous les cas, c’est le constructeur qui a proposé la mise en place de ce capteur, ce n’était pas une demande initiale de la part des éleveurs.

Une appropriation par les éleveurs encore modérée

À ce jour, peu ou assez peu d’éleveurs de porcs demandent les valeurs d’analyses de lisier générées par les capteurs. Une petite proportion d’entre eux s’est toutefois approprié ce service en souhaitant épandre un nombre d’unités d’azote et non plus un volume, transférer les lisiers des plus chargés sur les parcelles les plus éloignées et quantifier précisément des flux d’azote chez les prêteurs de terre. Ces derniers s’y intéressent d’ailleurs de plus en plus, même s’il y a parfois une certaine réserve quant à la fiabilité des mesures. Deux témoignages sur trois confirment que ces capteurs contribuent à une plus grande transparence des flux de lisier entre donneurs et receveurs. Des différences de teneurs sont parfois observées entre les valeurs du capteur et les analyses de laboratoire faites par les éleveurs. Mais, d’après ces témoignages, elles proviennent vraisemblablement du manque de représentativité de l’échantillon envoyé au laboratoire. Ces différences peuvent parfois induire des réserves chez certains éleveurs. Pour les chauffeurs de Cuma et d’ETA, la prise en main de ce capteur ne présente pas de difficultés particulières, notamment pour une simple consultation des valeurs d’analyses. Quelques connaissances de base en agronomie seraient utiles pour une valorisation plus poussée de ces données.

Un retour sur investissement difficilement envisageable

L’investissement pour équiper une tonne à lisier est généralement compris entre 20 000 et 25 000 euros, mais il peut s’élever davantage selon les options et équipements nécessaires, spécifiques à chacune des marques : double fonction ensileuse/capteur à lisier (uniquement chez John Deere), asservissement du débit d’épandage via la régulation de la vanne d’évacuation du lisier et/ou la vitesse d’avancement du tracteur… Il n’y a pas de suivis particuliers, pas d’opération de recalibrage. Le coût de la maintenance devrait être peu élevé. Un témoignage rapporte le bris de quelques capteurs John Deere vraisemblablement par des impacts de graviers contenus dans le lisier. Il souligne l’importance de leur positionnement dans le flux de lisier. Cela dit, les trois témoignages sont unanimes pour dire qu’il est difficile de faire payer ce service. Il n’est pas ou peu rémunéré – l’une des ETA facturant ce service à 8 centimes d’euros par unité d’azote épandu – ce qui obère, pour l’instant, tout retour sur investissement de ces capteurs.

Un développement inéluctable

Malgré l’essor poussif des capteurs à lisier, les trois témoignages jugent leur développement inéluctable. Les arguments les ayant motivés à investir demeurent à ce jour : traçabilité, évolution de la réglementation, optimisation de la fertilisation organique sont des tendances lourdes pour la gestion des effluents d’élevage. Il faudrait que les fabricants poursuivent la fiabilisation de ces capteurs, et qu’ils augmentent le potentiel de valorisation des données afin d’accroître le panel de services à proposer aux éleveurs. Leur reconnaissance administrative serait également un atout indéniable.

Ces entretiens ont été réalisés dans le cadre du projet Teplis +, cofinancé par le conseil régional des Pays-de-la-Loire

Une analyse précise des quantités d’azote

Les longueurs d’onde proches infrarouges ont la particularité d’interagir avec les liaisons moléculaires de type C-H, O-H et N-H. Ainsi, différentes études menées à l’échelle internationale ont établi des équations de prédiction de la teneur des effluents, tant liquides que solides par comparaison des spectres d’absorption aux analyses chimiques effectuées en laboratoire. Dans le cas du fumier de bovin, de volaille et du lisier de porc, des prédictions précises, du moins intéressantes, ont été obtenues pour le N-total, N-NH4, le carbone total, la matière sèche, la matière organique. Les prédictions sont un peu moins précises, pour des minéraux tels que P, K, Mg, etc. Pour le phosphore, le lien avec la teneur en matière sèche du lisier est toutefois mis à profit pour améliorer sa prédiction. Pour d’autres éléments comme K, Ca, Zn, Cu, Fe, Mg, Na, Mn pouvant présenter un intérêt agronomique ou présenter des risques environnementaux, la prédiction s’avère moins bonne dans la plupart des études.

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