Quel accompagnement pour les éleveurs ovins lait installés hors bassin ?
La production de lait de brebis est historiquement très concentrée autour des trois bassins nord Occitanie, Pyrénées-Atlantiques et Corse. Les éleveurs qui s’installent hors de ces zones ont également des besoins de références techniques, la profession réfléchit à un accompagnement efficace.
La production de lait de brebis est historiquement très concentrée autour des trois bassins nord Occitanie, Pyrénées-Atlantiques et Corse. Les éleveurs qui s’installent hors de ces zones ont également des besoins de références techniques, la profession réfléchit à un accompagnement efficace.
La forte régionalisation historique de la production de lait de brebis en France, autour des trois bassins que sont le rayon de roquefort (Occitanie), la zone Ossau-Iraty dans les Pyrénées-Atlantiques et la Corse, a conduit à une structuration spécifique locale de la profession et des activités connexes. La création et la diffusion du progrès génétique, au cœur de l’amélioration technique des élevages, y sont très implantées et proposent des services d’insémination, de contrôle laitier/de performances, de conseil aux éleveurs…
Cependant, si l’effectif global de brebis laitières reste constant à près de 1,6 million de têtes au niveau français, on observe un nombre croissant d’éleveurs ovin lait qui s’installent en dehors de ces bassins traditionnels. Ils développent des activités de transformation et de commercialisation en vente directe ou en livraison à des entreprises de collecte. Ce mouvement tend à s’amplifier ces dernières années : le nombre d’exploitations concernées est passé de 411 en 2010 à plus de 600 en 2020 (selon le recensement agricole et la BDNI).
Ces éleveurs hors bassins présentent de nouveaux besoins, qui reflètent les lacunes d’accompagnement auxquelles ils doivent faire face dans leurs territoires : peu ou pas d’accès à des conseillers spécialisés, pas de programme de sélection, difficulté d’accès à une ressource génétique adaptée à leurs besoins, etc. Les structures de conseil sollicitées par ces éleveurs font également part de leur besoin de formation sur la production ovin lait.
Des systèmes d’élevages atypiques
Une étude financée par la Confédération nationale de l’élevage réalisée en 2022 a permis de photographier le profil de ses éleveurs hors bassin. Les installations se font pour la plupart en individuelle, hors cadre familial, sur des systèmes plutôt spécialisés sur l’atelier ovin lait. Le choix de la brebis laitière se fait souvent plus par pragmatisme que par passion : c’est la production la plus adaptée à la structure reprise et permet de se démarquer des éleveurs caprins lait qui sont plus nombreux.
Ces profils connaissent généralement assez peu le monde agricole, sont peu formés à la production ovine et privilégient l’apprentissage sur le terrain. Hors bassin, les systèmes avec transformation à la ferme sont largement représentés, bien qu’il existe également des profils livreurs. La majorité vend au moins une partie de la production en circuit court, parfois sous label AB. Les systèmes d’élevage peuvent être atypiques et les éleveurs se positionnent ainsi en dehors de l’accompagnement proposé par les organisations professionnelles agricoles. Ils sont motivés par des formations après leur installation mais ont du mal à se faire remplacer pour y participer.
Une seconde étude, réalisée entre 2021 et 2024, a permis de dresser un panorama des attentes et besoins de structures amenées à accompagner ces profils émergents. Trois types d’attente ont été ainsi dessinés.
Le premier profil regroupe les techniciens spécialisés dans la production ovine sur leur zone. Ils accompagnent des éleveurs de brebis laitières, généralement livreurs, travaillant avec la race Lacaune et possédant en moyenne 250 brebis. Ces techniciens mettent en place un accompagnement technique régulier, un contrôle laitier simplifié et des visites périodiques. Ils pointent certaines difficultés comme le manque de références, des problématiques autour de l’installation, le parasitisme et l’utilisation des logiciels. Pour la gestion des élevages, ils disposent d’outils adaptés, aussi bien que dans les bassins de production.
Des conseillers à multiples casquettes
Le deuxième profil décrit des techniciens plutôt spécialisés en caprin. Ils accompagnent principalement des éleveurs fromagers, sur des troupes allant de 50 à 100 brebis laitières. Ils utilisent des logiciels et du matériel issus de la filière caprine, non agréés pour les ovins. L’accompagnement technique se fait majoritairement à la demande de l’éleveur, pour du contrôle laitier notamment. Ces conseillers font part de leur manque de références autour de l’alimentation et du parasitisme. Ils parviennent à être en contact ponctuel avec des experts des bassins pour des formations.
Enfin, le troisième groupe rassemble des structures différentes (chambres d’agriculture, contrôle laitier, organismes nationaux à vocation agricole et rurale). Les techniciens ont ici souvent plusieurs casquettes (caprin, ovin lait et viande). Ils n’ont pas de formation spécifique et ne proposent pas de rythme de visites particulier aux éleveurs. Ils essayent de se déplacer dans les élevages au moins une à deux fois par an, ce qui implique pour eux d’agir souvent en urgence.
Face à ces constats et panoramas, les structures de la filière ovin lait et le comité national brebis laitières (CNBL) vont développer des outils et des méthodes d’accompagnement et une offre de services adaptée à ces profils d’éleveurs hors bassins.