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L’espace-test existe aussi en ovin

L’espace-test est un outil de pré-installation qui commence à apparaître en élevages laitiers comme en viande et s’adapte à plusieurs configurations. Exemples avec Élise, Denise et Victor.

L’espace-test n’est pas un lieu, mais un cadre à géométrie variable, au sein lequel, de potentiels agriculteurs testent leur projet, sur leur future exploitation ou dans un lieu dédié. Ces personnes, dites « couvées », sont accompagnées par des techniciens et des paysans référents. L’encadrement est d’autant plus riche, que l’expérimentation est suivie par plusieurs compétences : agronomique, technique, mécanique, transformation, commercialisation, gestion, comptabilité. Les couvés ont le statut d’assimilé salarié à la MSA, en vertu d’un contrat Cape (contrat d’appui au projet d’entreprise). « Si l’on veut développer les installations hors cadre familial, il faut rassurer les concernés, les cédants, les financeurs, les Safer et offrir à ces couvées un accompagnement personnalisé, correspondant à leurs projets parfois atypiques », explique Nils Maurice, animateur du réseau national des espaces-tests agricoles, Reneta.

Une pré-installation pour se tester

En 2012, en Seine-et-Marne, l’association porteuse d’espaces-tests, les Champs des Possibles propose à Élise Colas, bergère dans les Alpes, de descendre en plaine. « Il était hors de question pour moi à l’époque de m’installer, car mon frère avait fait une très mauvaise expérience dans un Gaec. J’avais peur de m’engager, d’investir et de m’endetter », raconte Élise Colas. Première couvée ovine en France, elle s’implique auprès des animateurs et bénévoles pour négocier un prêt auprès d’un club d’investisseurs alternatifs et solidaires, Les Cigales, grâce auquel le Champ des Possibles achète un troupeau de Solognottes, Clunforest croisés Sufflok. Elle participe aux négociations avec les propriétaires d’espaces non cultivés mais pâturables, et décroche des mesures agroenvironnementales. Petit à petit, en trois ans, elle monte un troupeau, gagne la confiance des propriétaires et crée son réseau de commercialisation en vente directe de viande, en Île-de-France.

Un apprentissage progressif du métier

Finalement, souhaitant se sédentariser, elle arrête la transhumance de plaine, en 2014 pour s’installer, en Val de Loire « mais sans DJA » précise-t-elle. Elle achète alors un nouveau troupeau de 180 basco-béarnaises qu’elle croise avec des béliers viande, pour faire des tommes, des yaourts et des colis de viande, qu’elle vend à son carnet de clientèle constitué durant son test.

« Cette expérience a été un préalable indispensable à mon installation, résume-t-elle. Au lieu de tout devoir apprendre du jour au lendemain, les techniques d’élevage, l’administratif, la commercialisation, j’ai eu deux ans. Le tuteur, un éleveur ovin, m’a accompagnée pas à pas dans les techniques d’élevage que je ne pratiquais pas en montagne (lutte, sevrage, traitement). Quant au technicien de l’espace-test, il m’aidait avec pédagogie et bienveillance sur la MSA, la comptabilité, la PAC. »

La possibilité d’essayer et de renoncer

Après son départ, le troupeau des Champs des Possibles a été renouvelé puis confié à un autre couvé qui a abandonné en cours. « Les espaces-tests sont des opportunités d’essayer et de renoncer à une installation. Ils servent aussi à ça : se rendre compte, sans trop de casse, qu’agriculteur n’est pas un métier pour soi », explique Maëla Naël, animatrice des Champ des Possibles. « Autant un tracteur ou une parcelle peuvent attendre le prochain couvé, autant un animal n’attend pas. Il est donc fondamental, que des agriculteurs actifs et compétents soutiennent la structure qui gère les espaces-tests », résume-t-elle.

Ce que confirme Kattalin Sainte-Marie, de Trebatu au Pays Basque : « Le couvé démarre avec le minimum en termes d’équipement, donc la solidarité avec les paysans locaux est activée ». Pour Denise Herriest, bergère sans terre, c’est l’opportunité de passer d’un statut d’éleveuse à titre secondaire à éleveuse à part entière. Jusqu’alors elle conduisait ses 150 Manech têtes noires en allaitant. Depuis un an, elle loue par bail à cheptel son propre troupeau à Trebatu et s’est radiée de la Msa en tant que chef d’exploitation pour entrer à Trebatu. Elle trait ses brebis et a déjà produit 500 kg d’Ossau-Iraty. « J’espère ainsi convaincre les cédants de me faire confiance, pour me louer des terres à l’issue du test et devenir chef d’exploitation à temps plein », se projette-t-elle déjà.

À chacun ses objectifs

Pour Élise, l’objectif initial était de compléter ses connaissances en élevage, prendre conscience de la dimension entrepreneuriale, découvrir un parcours à l’installation alternatif à la DJA. Pour Denise, c’est convertir son troupeau en élevage laitier, apprendre à faire du fromage, trouver les marchés et se faire une bonne réputation pour décrocher du foncier. 

Pour Victor, l’espace-test a été une période d’essai pour voir si la ferme lui plaît et si sa compagne s’adapte à la vie à la campagne.

En 2019, il était wwofer chez Rachel Handley, quand elle a décidé, à 39 ans, de quitter sa ferme familiale, en Dordogne, pour s’installer sur celle de son mari, avec un nouveau troupeau. « Pays’en graines était prêt à nous aider, mais ne savait pas bien comment s’y prendre pour un espace test en élevage. Alors j’ai accueilli Victor Eylenbosch, en qualité de stagiaire (ndlr il suit une formation maîtrise de pratiques avec Agrobio) mais je l’ai traité comme un couvé », témoigne Rachel Handley, éleveuse à La Roche Chalais. Il confirme : « Dès 2019, j’ai réduit les céréales et j’ai géré le pâturage à ma façon, sans obligation de résultat. Ni Rachel, ni le propriétaire ne m’ont mis la pression ». La ferme de Rachel a pris en charge un poste de clôture, 10 filets de pâturage tournant dynamique, 5 kits Kiwi Tech (3 fils), une tonne à eau, car Victor souhaite finir les agneaux à l’herbe et privilégier le pâturage. Contrairement à un vrai espace-test, Victor n’avait pas la responsabilité financière, c’est la ferme de la cédante qui a assumé ses essais.

Trois ans dans la couveuse maximum

Usuellement, les produits et charges du couvé sont inclus dans la comptabilité de l’association qui porte les tests. Si en fin de test, au maximum trois ans, il y a un résultat excédentaire, le montant est reversé sous forme de rétribution, soumise à cotisations sociales. Le couvé récupère tout le matériel passé en charge, ce qui facilite son démarrage. « Afin de faire face à une éventuelle expérience déficitaire, l’association demande un dépôt de garantie ou un fonds de roulement », explique Nils. Le suivi mensuel par l’animateur permet aussi d’identifier rapidement une situation critique.

Il est rare que les couvés dégagent suffisamment de bénéfices pour se rémunérer pendant le test. Il leur est donc demandé de bénéficier de revenus complémentaires, tel que des indemnités chômage.

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