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Les ovins s’adaptent au changement climatique

Ces dernières années ont été marquées par des aléas climatiques de grande ampleur. Le manque d’eau se fait férocement ressentir sur les cultures, les prairies et le pâturage. Collectivement ou chacun de son côté, les éleveurs sont amenés à faire évoluer leurs pratiques.

Le printemps-été 2020 a, une fois de plus, montré une grande sécheresse sur une grande partie de la France.  © B. Morel
Le printemps-été 2020 a, une fois de plus, montré une grande sécheresse sur une grande partie de la France.
© B. Morel

Le changement climatique est un des facteurs principaux menaçant la production agricole française. Les pratiques d’élevage sont déjà impactées par les aléas actuels, tant au niveau de la production fourragère que de la productivité des troupeaux. Si, d’un côté, l’élevage ovin est menacé par ces changements à cause de la répartition des bassins d’élevage dans des zones parfois déjà pauvres en ressources exploitables, de l’autre, il a l’avantage de reposer sur des animaux d’élevage parmi les plus adaptables.

Depuis 1900, l’évolution des températures moyennes annuelles montre un réchauffement en France métropolitaine. Ce réchauffement est particulièrement marqué depuis les années 1980. Les projections montrent une poursuite de l’augmentation des températures jusqu’aux années 2050, plus marquée en été qu’en hiver. À l’échelle d’un territoire vaste comme celui de la France, il existera bien sûr des disparités régionales, mais globalement, les températures augmenteront d’autant plus qu’on s’éloignera de l’océan Atlantique.

À l’origine de la sécheresse, l’évapotranspiration et le manque de pluie

En ce qui concerne les précipitations, les tendances sont plus difficiles à mettre en évidence. Ce qui dominera dans le futur sera de toute façon une forte variabilité interannuelle des cumuls de précipitations. La sécheresse est créée à la fois par l’absence de précipitations et l’augmentation de l’évapotranspiration. Si la première est difficile à prévoir, l’évolution de l’évapotranspiration est quant à elle plus facile à estimer, car elle est très liée aux températures, dont l’évolution est déjà avérée. Dans certaines zones d’Occitanie, l’évapotranspiration potentielle (ETP) a déjà augmenté de 150 mm ces 50 dernières années, ce qui suffit, même si les précipitations restent les mêmes, à faire apparaître un déficit hydrique beaucoup plus tôt.

Un outil de simulation de cultures du futur

L’Inrae a mis au point Stics, un simulateur de cultures qui permet d’effectuer des simulations d’évolution pour les principales cultures fourragères. Ces conclusions sont à moduler selon la zone étudiée, le type de sol et le pas de temps.

Au niveau de la prairie, les simulations mettent en évidence une forte déformation de la courbe de pousse, avec la formation d’un creux d’été ou son amplification. Cette déformation atteint tous les territoires, y compris ceux où on compte habituellement sur une pousse estivale permettant de se dispenser de l’apport aux animaux de fourrages grossiers stockés. Pour ce qui concerne le creux d’été, l’évolution la moins spectaculaire se situe en fait dans les zones où celui-ci est déjà marqué (Sud, Sud-Ouest, Poitou-Charentes, Pays de Loire, couloir Rhodanien…). L’autre déformation marquée de la courbe de pousse d’une prairie se situe sur le début de printemps, avec une pousse plus vigoureuse et plus précoce, conséquence de l’effet conjugué de températures en hausse et d’un taux de CO2 plus élevé permettant un accroissement de la photosynthèse, à une période de l’année où il y a encore de l’eau disponible dans les sols. Au début du printemps, une grande attention doit être portée aux conditions d’accès à la ressource (faisabilité des fauches, portance…), qui ne seront pas toujours garanties. La pousse automnale et de début d’hiver, sera assez souvent à la hausse, mais jamais au point de compenser les pertes de production estivale.

En 2050, 75 % des stocks fourragers seront issus de la production printanière

À l’horizon 2050, la part de la production de printemps (de février à juin) passera d’environ 60 % à 75 % ou plus en fin de siècle. Ces deux chiffres suffisent à imaginer les transformations à suggérer dans des systèmes herbagers pâturants : possibilité de mettre à l’herbe plus tôt, voire de rentrer les animaux plus tard en fin d’automne mais nécessité d’affourager davantage en été.

La production des prairies a toujours été variable d’une année à l’autre et même à l’échelle de chaque saison, à tel point qu’on peut se demander si une courbe moyenne a du sens. Cet état de fait va perdurer et même s’accentuer. L’exploitation de l’herbe va demander de plus en plus de flexibilité, d’observations in situ, et d’anticipation. Il faudra savoir aller chercher l’herbe quand il y en a, et là où il y en a. Ceci met en avant la nécessité de disposer de parcellaires faciles d’accès et bien aménagés, d’outils individuels ou collectifs pour mesurer et anticiper la pousse de l’herbe, mais aussi de couverts végétaux souples à utiliser, et de modes de récoltes faciles à mobiliser.

Davantage d'herbe au printemps

C’était attendu, les rendements de la luzerne pourraient être partout à la hausse (dont, là aussi, une bonne part à imputer à l’effet CO2). Cette hausse est à relier à la possibilité qu’il y aura de réaliser des coupes plus nombreuses, la luzerne pouvant démarrer plus tôt sa croissance du fait des températures plus élevées au printemps. Elle continuerait à avoir cette capacité qu’on lui connaît déjà de résister relativement bien à la sécheresse. Il n’en reste pas moins que pour bien l’exploiter, il faudra parfois consentir à sortir la barre de coupe pour seulement une tonne de matière sèche utile : pas sûr que cela séduise les éleveurs par rapport à d’autres cultures. Mais on peut aussi cultiver la luzerne au sein de prairies multi-espèces ou d’associations simples, à pâturer.

Dans les meilleures terres, les rendements du maïs seraient tendanciellement à la hausse avec ou sans irrigation, quelle que soit la zone. Avec des sols plus superficiels, les rendements seraient plutôt à la baisse, avec une variabilité accrue.

Des adaptations de l’itinéraire technique (semis plus précoce de variétés plus tardives) pourraient permettre une légère augmentation du rendement. En même temps, et malgré l’utilisation de variétés plus tardives, le cycle sera raccourci, avec des dates de récolte et surtout de floraison (stade auquel le maïs est très sensible au déficit hydrique) plus précoces, cette dernière intervenant parfois avant le début de la sécheresse estivale. Ce ne sera pas le cas tous les ans, et au-delà de la tendance, les simulations font apparaître une variabilité interannuelle des rendements forte et souvent en hausse, de très bonnes années pouvant succéder à des années catastrophiques. Cet élément pèsera par rapport au raisonnement de la place du maïs ensilage dans les systèmes ovins qui en ont encore un peu, notamment quand se présentent des alternatives.

L’effet CO2, qu’est-ce que c’est ?

Le CO2 (dioxyde de carbone ou gaz carbonique) est un des principaux gaz à effet de serre dont l’augmentation est responsable du changement climatique. Mais il est aussi le moteur de la photosynthèse : son augmentation entraîne aussi une stimulation de la photosynthèse qui peut parfois compenser ou atténuer les effets négatifs du changement climatique sur le développement des végétaux.

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