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Les médecines complémentaires en élevage ovin décryptées

Les éleveurs qui sautent le pas des médecines complémentaires sont dans la majorité satisfaits et poursuivent l’expérience. Le fonctionnement et la mise en place de ces pratiques ne sont pas toujours bien connus des éleveurs, qui peuvent se tourner vers leur vétérinaire pour être davantage conseillé.

Phytothérapie, aromathérapie, homéopathie, acupuncture… tant de notions qui reviennent désormais souvent lorsqu’on parle de médecine vétérinaire en élevage. Face à la recherche de naturalité, les attentes sociétales visant à moins de produits chimiques en élevage, l’apparition de plus en plus fréquente de résistances des pathogènes aux médicaments classiques, de plus en plus d’éleveurs se tournent vers les médecines dites complémentaires. « Toutes les pratiques médicales sont bonnes à utiliser, expose le docteur Loïc Guiouillier, président de la commission des médecines complémentaires de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV). La médecine par les plantes ou les médecines énergétiques telles que l’homéopathie ou l’ostéopathie sont complémentaires à l’allopathie. »

Faire appel aux pouvoirs des plantes pour soigner les animaux

La phytothérapie regroupe les traitements faisant appel à tout ou partie d’une ou plusieurs plantes et de leurs extraits. On utilise les parties de la plante qui contiennent les principes actifs en quantité notable (feuilles, fleurs, fruits, graines, écorce, bois, racines, rhizomes) et sous différentes formes (extraits, gélules, granulés, pommades, teintures mères, etc.).

L’aromathérapie, est une branche de la phytothérapie, et concerne l’utilisation d’huiles essentielles, qui résultent de la distillation de plantes aromatiques. La concentration et l’efficacité d’une huile à l’autre, provenant d’une même espèce végétale peuvent différer selon le stade végétatif ou l’âge de la plante, sa localisation, etc.

Des produits à base de plantes qui peuvent aussi présenter des risques pour la santé

Loïc Guiouillier, par ailleurs vétérinaire en Mayenne, met en garde : « Les huiles essentielles sont donc des concentrés de produits actifs. Il faut donc bien avoir à l’esprit que bien que l’on utilise un produit naturel, celui-ci peut tout de même s’avérer dangereux. » Le praticien insiste sur l’amalgame trop souvent fait entre produit naturel et inoffensivité. « Les huiles essentielles peuvent contenir des niveaux élevés de certains composés, tels que de l’acétone, des aldéhydes, des esters, nocifs pour la santé que nous ne retrouverions pas dans un médicament chimique testé et stabilisé. »

Cette mise en garde effectuée, l’utilisation des plantes à toute sa place dans la médecine vétérinaire. L’approche médicale effectuée est cependant très différente de l’approche allopathique, elle repose sur un phénomène de synergie, soit des interactions entre plusieurs molécules qui ne sont pas modélisées. « Dans un médicament chimique, on va avoir une voire deux molécules qui vont agir selon un modèle prévu par les laboratoires, explique Loïc Guiouillier. Un traitement phytothérapeutique, lui, va faire appel à un complexe à base de plantes dont on va connaître et évaluer l’action sur une pathologie, mais sans pouvoir démontrer le mécanisme d’action sur l’organisme. » Une huile essentielle contient une multitude de composants dont moins de dix constituent 60 à 80 % de son poids total. Les constituants minoritaires en poids jouent un rôle très important quant à leurs propriétés, leur tolérance ou leur toxicité.

Plus d’observations, moins de prophylaxie

« On fait souvent l’erreur de considérer les médecines complémentaires comme étant des pratiques de prévention. Or il s’agit bien de traitements, donc à administrer sur des animaux malades », appuie Loïc Guiouillier. Sans forcément parler de prévention systématique, l’éleveur connaît les étapes à risque dans la vie de ses animaux. Les agneaux sont susceptibles d’être touchés par la coccidiose à partir de trois semaines. L’éleveur peut donc anticiper cette période en renforçant l’immunité de ses animaux. De même, « on privilégie les traitements individualisés, mais pour un lot regroupant des agneaux qui ont vécu ensemble dans les mêmes conditions d’élevage depuis leur naissance, il est cohérent d’en traiter tous les individus », détaille Loïc Guiouillier.

Baptiste Lintruiseur, éleveur de 400 brebis Île-de-France dans l’Oise

« Réduire les frais vétérinaires et le recours aux médicaments »

« Depuis le début de l’année, j’utilise des huiles essentielles pour soigner mon troupeau. J’ai un atelier de 400 brebis Ile de France que j’ai monté suite à mon installation sur la ferme familiale orientée grandes cultures. Je souhaitais réduire mes frais vétérinaires et limiter au plus l’utilisation de médicaments sur mes brebis. C’est pour cela que je me suis formé à l’utilisation des huiles essentielles avec la chambre d’agriculture de l’Oise. Ce n’est que le début mais je suis satisfait des résultats. Lors de l’agnelage, j’utilise l’huile essentielle de clou de girofle pour faciliter les agnelages et celle d’arbre a thé pour la bonne santé de mes agneaux. Je vais tester différentes formules au fur et à mesure. J’ai trouvé les huiles essentielles en pharmacie et je les dilue avant utilisation. Je me suis pris au jeu. J’utilise aussi des huiles essentielles pour soigner une tendinite que j’ai à l’épaule. »

Michel Bouy, vétérinaire pratiquant la phytothérapie dans la Drôme

« La phytothérapie est un outil passionnant pour prévenir des maux en élevage »

« Il faut avoir en tête que l’on ne corrige pas de gros problèmes techniques en élevage avec des plantes. Je m’assure en premier lieu que les bases de l’élevage sont solides, vis-à-vis de l’alimentation, du soin des animaux ou de la préparation au vêlage. Puis j’accompagne les éleveurs à l’utilisation de plantes dans leurs pratiques. C’est un outil passionnant. Je trouve plus judicieux de traiter en préventif avec un produit à base de plantes plutôt que d’utiliser un antibiotique. Surtout quand on a de bons résultats. Les conseils que je peux donner peuvent être sur l’utilisation de plantes tonifiantes pour la vigueur des agneaux à la naissance ou pour éviter une infection de l’oreille après le bouclage. L’utilisation d’huiles essentielles peut servir en cas de problèmes respiratoires. Et les mammites peuvent être traitées avec la même efficacité qu’un antibiotique avec des solutions à base de plantes.

Un savoir empirique à transmettre pour avoir des résultats

Bien sûr, tout ne fonctionne pas. Les résultats sont décevants en ce qui concerne la lutte sur les parasites au stade adulte (douves et strongles), mais intéressant quand les plantes sont utilisées pour traiter au stade larvaire. Je m’appuie sur les travaux du FiBL, l’institut de recherche de l’agriculture biologique suisse. Pour travailler efficacement avec la phytothérapie, il y a quelques précautions à connaître mais c’est surtout un savoir empirique qui est à transmettre pour de bons résultats. Aujourd’hui, de par des pressions sociétales et une vigilance aux antibiorésistances, les éleveurs ont tout intérêt à utiliser des plantes pour soigner leurs animaux. D’autant plus que les traitements ne coûtent pas plus cher quand les préparations sont réalisées par eux-mêmes. »

Le saviez-vous ?

L’homéopathie, comment ça marche ?

L’homéoptahie se base sur la méthode des semblables : un principe actif va provoquer des symptômes s’il est inoculé sur un individu sain et va guérir des symptômes semblables sur un individu malade. Les médicaments utilisés sont dilués et dynamisés. Par exemple, une piqûre d’abeille provoque un gonflement et des brûlures et Apis Mellifica est un traitement homéopathique des piqûres d’insectes, œdèmes allergiques ou inflammatoires, etc.

Piquer pour soigner les ovins, mais pas n’importe où !

Utilisée traditionnellement dans la médecine chinoise, l’acupuncture est de plus en plus utilisée en élevage. Cette méthode permet de privilégier les soins préventifs et de réduire les frais vétos. La technique consiste à appliquer des aiguilles sur des points précis des animaux. « Il faut imaginer le corps de l’animal comme un circuit électrique sur lequel des ampoules : les organes, vont s’allumer lors de leur fonctionnement, explique Nayla Cherino Parra, vétérinaire et formatrice en acupuncture. Ces fils électriques passent à travers le corps et sont en fait les voies de circulation de l’énergie. Ce sont les méridiens d’acupuncture. Les endroits où l’on va venir piquer sont les points d’acupuncture et permettent d’harmoniser la circulation d’énergie. Chez le mouton, on retrouve une vingtaine de points qui vont chacun agir sur des organes ou des problématiques spécifiques. »

Une question d’équilibre global du système

« Attention, qu’on ne vienne pas me demander où on met les aiguilles, préviens la formatrice, c’est bien plus complexe que cela ! Il faut apprendre à s’interroger sur son système et ces pratiques. Il y a aussi une question d’équilibre entre alimentation, respiration, sommeil et accès à l’eau pour pouvoir voir les résultats. » De nombreux éleveurs sont satisfaits des résultats obtenus. Cela leur permet d’intervenir plus précocement sur leurs animaux. L’acupuncture est bien souvent utilisée en amont ou en complément de la médecine classique. Elle permet ainsi de réduire les frais vétérinaires.

Le reiki pour trouver l’équilibre et l’harmonie dans l’élevage

« Le reiki est une méthode simple et efficace pour se connecter aux subtiles fréquences universelles et les transmettre à soi-même, à un autre humain, à un animal, un végétal tout en s’éveillant à une philosophie de l’instant présent. En présence par imposition des mains ou à distance, le Reiki harmonise le flux d’énergie des corps et amène le bien-être et la restauration de l’équilibre à tous les niveaux, physique et émotionnel aussi bien chez les humains que chez les animaux. » C’est ainsi que Nelly Tisserand défini sa pratique. Elle forme depuis 2016 les éleveurs intéressés. « La formation se déroule en trois modules alternant découverte de la technique, cours théoriques et pratique. » Elle souhaite faire ressentir aux éleveurs les émotions des animaux pour mieux les comprendre. « C’est un savoir-être à acquérir duquel découle un savoir-faire qui suscite le questionnement du changement du comportement de l’éleveur pour optimiser le bien-être animal. »

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