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En Seine-Maritime
Le renouveau ovin du lycée d’Yvetot

Le lycée agricole d’Yvetot a réhabilité sa bergerie et augmenté son cheptel ovin. Un bon point pour les élèves et les expérimentations.

Charles Pillet, enseignant de zootechnie au lycée agricole de Yvetot, peut être fier de l’aboutissement de ses quatre premières années à son poste. Arrivé à la rentrée 2016 dans cet établissement agricole de Seine-Maritime, il pensait approfondir ses connaissances en vaches laitières. Finalement, coup du hasard ou destinée, le voilà en charge de la rénovation de la bergerie du lycée, de l’augmentation et de l’amélioration du cheptel ovin et des pratiques d’élevage. Dans cette ample mission qu’il occupe en théorie à tiers-temps, il est épaulé par Arnaud Izabelle, le directeur de l’exploitation du lycée (qui comporte également un atelier vaches laitières, un atelier volailles de chair, des cultures de vente) et de Laura Lucas, la responsable de la bergerie. Pour Charles Pillet, c’est une révélation, il prend ce projet à bras-le-corps et a grand soin de transmettre à ses élèves cette passion naissante pour une production qu’il découvre peu à peu. La rénovation de la bergerie s’inscrit dans le cadre de la reconquête ovine et a bénéficié en 2016 d’un projet Casdar TAE (pour transition agroécologique des exploitations agricoles et ateliers technologiques de l’enseignement agricole), permettant ainsi au lycée de passer d’un cheptel moribond d’une quarantaine de brebis à plus de 110 aujourd’hui, avec le souhait de monter encore jusqu’à 200. Pour cela, la bergerie a été entièrement refaite et sa superficie a doublé. Le bâtiment a été dessiné par Laura, Arnaud et Charles et par les étudiants de BTS du lycée. « Il me paraissait important que tout le monde se sente investi dans ce projet, explique Charles Pillet. Toutes les classes et les lycéens de tout âge ont pu mettre la main à la pâte. » Et notamment lors des agnelages, le lycée de Yvetot étant un internat, rien ne pouvait faire plus plaisir à certains élèves que d’aller surveiller le soir après les cours que tout se passe bien pour les brebis et leurs petits. « Nous avions donné des consignes précises, ils devaient tout noter et appeler un responsable en cas de nécessité de manipulation. L’expérience a vraiment bien marché ! », se réjouit le professeur de zootechnie.

Trouver des solutions alternatives de pâturage

Le vrai défi à relever au quotidien pour l’enseignant et Laura Lucas, la responsable de l’atelier ovin, très motivée par les défis quotidiens de son poste, c’est la gestion du pâturage. En effet, les parcelles de pâture sont attribuées en priorité aux 100 vaches laitières de l’exploitation. De ce fait, Charles Pillet s’est intéressé aux pratiques de pâturage alternatives, telles que l’écopâturage ou le pâturage dans les betteraves fourragères. Une fois que les vaches sont définitivement rentrées à l’étable, les brebis peuvent aussi aller pâturer sur ces parcelles dédiées. « On note une bonne complémentarité entre ovins et bovins. Les brebis nettoient bien le rumex des parcelles pendant l’hiver. La différence de qualité d’une parcelle pâturée par les brebis ou non est flagrante en sortie d’hiver », apprécie Charles Pillet.

Des brebis dans les betteraves

Il a aussi mis en place le pâturage sur culture intermédiaire, ce qui permet au sol de garder un couvert végétal tout en recevant la fumure des brebis. Ainsi, les 19 brebis qui sont à l’entretien pâturent du moha, une plante à développement rapide et du trèfle d’Alexandrie. « C’est plus nourrissant que de la paille même si ça n’est quand même pas très appétant », reconnaît Charles Pillet. Ces mêmes brebis sont destinées à passer cinq jours sur une parcelle de 2 200 m² de betteraves fourragères. En pratique, elles n’y passeront que deux jours, car "elles ont commencé à attaquer les racines, reconnaît Charles Pillet. Nous retenterons l’année prochaine avec un chargement instantané plus élevé pour que plus de feuilles soient mangées." Avec une biomasse disponible de 4,6 tMS/ha, il serait dommage de se priver de cette ressource. Ces essais, tout comme les huit sites d’écopâturage, qui appartiennent soit à des particuliers soit au domaine public, convergent tous vers un objectif principal : augmenter le parcellaire des brebis, car tout le troupeau passe le plus clair de l’année dehors. « C’est un gain de matière sèche non négligeable, même si nous ne maîtrisons pas la composition des prairies, développe Laura Lucas. L’écopâturage demande une bonne organisation, surtout lors de la lutte, il faut gérer les béliers pour chaque lot. » Un des objectifs de Charles Pillet était aussi de créer une convention type pour l’écopâturage (disponible sur demande à charles.pillet@educagri.fr).

Ovinpiades, travaux pratiques et voyages

Depuis qu’il est arrivé à Yvetot, il présente toujours une équipe de moutonniers en herbe pour les Ovinpiades (le concours des jeunes bergers organisé par Inn’Ovin). « Pendant sept semaines, tous les mercredis après-midi les élèves qui le veulent peuvent venir s’entraîner dans la bergerie. Et le lundi soir, place aux questions théoriques ! », détaille Charles Pillet. Les cours de travaux pratiques se sont étoffés côté ovin, car depuis que la bergerie est plus fonctionnelle, la moitié des TP s’y déroulent. "Les élèves osent plus aller au contact des brebis et agnelles que des bovins, plus impressionnants", analyse l’enseignant. Enfin, l’enseignant essaye de mettre en place un voyage annuel de découverte de la production ovine à l’étranger. L’an passé, lui et ses élèves sont partis en Irlande et, l’an prochain, il prévoit de les emmener en Slovénie.

Deux systèmes d’élevage pour montrer les possibilités aux élèves

L’élevage ovin ne se définit pas selon un seul système. C’est le message que souhaite faire passer Charles Pillet à ses élèves : « nous devons leur montrer le plus de pratiques possible, sans forcément émettre de jugement. À eux de décider si telle ou telle chose leur convient ou non. » La centaine de brebis est divisée en deux lots avec une conduite différente. D’un côté, les brebis Ile-de-France croisées Mouton charollais, qui passent huit mois au pâturage et quatre en bergerie et, d’un autre, les Texel croisées Mouton charollais qui sont en plein air intégral. Ces dernières ne rentrent que pendant les quatre semaines de l’agnelage. Le lycée dispose aussi d’une troupe de brebis 100 % Mouton vendéen, inscrites à l’OS. L’atelier ovin produit des agneaux de plein air et des agneaux de bergerie qui sont ensuite vendus en direct au magasin de la ferme. « Il s’agit de montrer le champ des possibles aux jeunes qui arrivent ici avec une idée bien précise, déclare David Tronchet, le proviseur du lycée. Nous voulons montrer qu’il est possible de faire du mouton en Seine-Maritime. »

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