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Un jour avec
Jean-François Beaumont, échographe de brebis

La Sagpa (Société d’aide à la gestation en production animale) réalise autour de 100 000 échographies par an, soit 80 000 brebis, 12 000 vaches et 5 000 chèvres.

8 heures

Jean-François Beaumont part de Soissons dans l’Aisne où il vit. Pendant la période d’activité intense, de septembre à avril, ses journées débutent plutôt vers 6 h 00, selon le temps de route pour se rendre chez ses clients. En effet, la Sagpa intervient sur une zone qui s’étend des Hauts-de-France et de la Wallonie jusqu’au Loiret et la Côte-d’Or, en passant par les frontières suisses et allemandes. Sa clientèle est internationale, Jean-François a échographié 12 000 brebis en Belgique l’an passé et il a un client régulier en Bulgarie. « Je travaille en étroite collaboration avec Oson (Organisme de sélection ovine du Nord, N.D.L.R.), ce qui me permet de bénéficier de leur réseau à l’étranger ». Jean-François est ingénieur agronome, fils d’éleveur ovin et il a toujours vécu dans la région, ainsi il connaît les contraintes et les enjeux territoriaux des éleveurs. Et petit plus commercial, il comprend et parle le patois picard.

9 h

Les 140 brebis du lycée agricole de la Thiérache passent entre les mains expertes de Jean-François. Les élèves et professeurs suivent attentivement chacun de ses mouvements et chacun contribue à l’avancée du chantier. Jean-François Beaumont prend le temps d’expliquer les manipulations et les images qui apparaissent à l’écran. « Les échographies peuvent être faites entre le 30e et le 90e jour de gestation, explique-t-il. Certains clients veulent simplement trier les brebis vides et les pleines, mais je peux également leur dire le nombre de la portée voire le sexe de l’agneau (à partir du 70e jour) ». En un coup d’œil, Jean-François fait le bilan de chaque brebis, il précise le nombre d’agneaux et le nombre de jours de gestation avec une marge d’erreur de cinq jours. Après deux heures de travail, il garde une dizaine de bêtes et laisse les élèves s’essayer à leur tour. « L’intérêt pour moi de venir au lycée, c’est vraiment ces moments de partage avec les jeunes ». Jean-François Beaumont à l’enseignement dans le sang car avant d’être échographe, il était chercheur et intervenant en école d’agronomie. De plus, il intervient depuis cette année en lycée agricole 18 jours par an. Une diversification d’activité bienvenue qui lui tient à cœur.

12 h

Après un premier chantier de trois heures, Jean-François s’autorise une pause bien méritée. Il profite de ses déplacements pour aller voir les clients du coin, qui, au fil du temps, deviennent des amis. C’est l’occasion de prendre la température des campagnes, Jean-François apporte les nouvelles de ferme en ferme et de région en région. Les éleveurs, eux, font part de leurs inquiétudes, des tâches à venir ou des dernières nouveautés qu’ils ont essayées. « Je respecte une certaine déontologie dans mon travail, c’est-à-dire que je ne vais pas communiquer les résultats des échographies d’un élevage à l’autre, même si les éleveurs veulent toujours savoir ce qui se passe chez l’autre. Je donne des tendances évidemment, c’est aussi un rôle que j’endosse volontiers de discuter de la saison à venir ». Néanmoins, le passage de l’échographe fait fonctionner les téléphones. « Je sais que, dès que je quitte un éleveur, celui-ci recevra des coups de fil de ses voisins qui voudront savoir les résultats. C’est normal, les échographies annoncent en bonne partie le chiffre d’affaires de l’année à venir ».

13 h 30

Dès l’arrivée chez le client de l’après-midi, Jean-François enfile son équipement, sa cotte de travail, des gants en latex et des manchettes de traite pour éviter d’être mouillé par la laine des brebis. En effet, il fait autour de 0 °C aujourd’hui et même si le travail réchauffe, le froid lui ferait perdre de la précision dans ces gestes. Il sort ensuite la mallette contenant la sonde et prend à la main son écran. « L’ensemble coûte 16 000 euros. Je dois changer la sonde tous les ans et elle coûte à elle seule 4 000 euros. L’écran dure plus longtemps, ce sont souvent les chocs et accidents d’élevage qui précipitent le replacement du matériel ». L’échographe installe ensuite le berceau dans le couloir de contention, qui va permettre de positionner la brebis sur le dos. Enfin, Jean-François utilise trois bombes de peinture pour marquer chaque brebis de ses observations : « vert, c’est vide, bleu, c’est un agneau, rouge, deux et bleu et rouge c’est trois. Au-delà, j’écris le chiffre directement sur la laine. »

15 h

Les 250 brebis et les 30 agnelles de l’élevage de Benoît Lévêque, sélectionneur en Texel, s’enchaînent à bon rythme. Pour l’occasion l’éleveur a mobilisé deux personnes pour amener les brebis et changer les lots et son épouse qui enregistre les résultats sur une tablette. « Cet outil, que j’ai mis en place il y a quelques années, permet à l’éleveur d’avoir les résultats immédiatement sous forme de tableau Excel et la saisie est facilitée. » En règle générale, au moins trois personnes en plus de l’échographe sont nécessaires pour son intervention : une personne pour manipuler la brebis, une pour noter et au moins une autre pour faire avancer les animaux dans le couloir de contention. Dans les chantiers de longue haleine, Jean-François Beaumont essaye au maximum de se préserver. Il garde autant que possible le dos droit et utilise sa main gauche pour retourner la brebis. La main droite est uniquement dédiée à la manipulation de la sonde. « La sonde demande un effort permanent car je pince la peau contre la sonde pour maximiser le contact et donc la visibilité. Il est aussi nécessaire d’appuyer assez fort dans le pli de l’aine pour voir l’ensemble de l’utérus », détaille l’échographe.

16 h 30

Après le chantier, c’est l’heure du débriefing. Benoît Lévêque attendait avec impatience la venue de l’échographe, d’autant plus cette année avec la sécheresse automnale qu’il y a eu au moment des luttes. Finalement, il est plutôt satisfait des résultats annoncés. Jean-François imprime les résultats et l’éleveur commence à les feuilleter avec attention. « C’est important de faire les échographies car d’une part cela permet d’alloter les brebis et d’ajuster l’alimentation plus précisément, explique l’éleveur. Mais ces premiers résultats vont me permettre de faire des statistiques, voir si les accouplements ont fonctionné, quelle brebis jugée intéressante a pris ou non, etc. Il y a tout un travail intellectuel à faire et cela tombe avant la reprise des travaux et des agnelages ».

18 h

Sur le chemin du retour, Jean-François Beaumont revient sur ce métier, qui est avant tout une passion. Même si d’un chantier à un autre, les gestes sont répétitifs, il trouve son intérêt dans le contact privilégié qu’il a avec les éleveurs. « C’est important d’avoir le sens du relationnel et être à l’écoute. Je suis en mesure de conseiller les éleveurs et surtout de leur proposer des idées que j’ai pu voir dans d’autres élevages ». En plus de cela, Jean-François rappelle qu’il faut être très rigoureux, patient et disponible pour mener à bien ce travail. La pérennité de son entreprise semble assurée, sa fille étant impatiente de mettre à son tour le pied à l’étrier.

CV

Diplôme d’ingénieur agronome à Beauvais
Expérience dans l’enseignement agricole
Responsable d’élevage porcin
Échographe salarié depuis 2001 et création de la SAGPA en 2008

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