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Le Cese préconise de « réduire l’impact de l’agriculture sur la ressource en eau »

« Comment favoriser une gestion durable de l’eau (quantité, qualité, partage) en France face aux changements climatiques », tel est l’intitulé de l’avis que vient de rendre le Conseil économique, social et environnemental. Alors que l’utilisation de l’eau interroge et aboutit à de nombreuses crispations, le Cese émet plusieurs préconisations, notamment pour le secteur agricole.

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Le CESE recommande que l’agriculture soit moins consommatrice d’eau.
© Gabriel Omnès

[Mis à jour le 14 avril avec l'avis du président du groupe Agriculture]

En 2018, la consommation d’eau douce a atteint 5,3 Md m3 en France. Selon le Ministère de l'écologie, l’agriculture consomme 45 % du total, devant le refroidissement des centrales (31 %) et la consommation domestique d’eau potable (21 %, soit 147 litres d’eau par jour et par habitant). Avec le réchauffement climatique, des conflits d’usage et des controverses affectent divers secteurs et notamment l’agriculture avec les réserves de substitution qui puisent dans les nappes phréatiques pour l’irrigation, laquelle concerne 7 % de la SAU. Pour le Conseil économique, social et environnemental (Cese), une stratégie de sobriété est indispensable face à la raréfaction de l’eau et cela passe par des usages plus vertueux. Pour y parvenir, il a émis dans un récent avis différentes préconisations, dont plusieurs pour le secteur agricole.

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« Interdire de subventionner par des fonds publics tout projet de création de méga-bassine »

Le Cese appelle à objectiver le débat sur les bassines et préconise que soient rendus publics les volumes totaux prélevés et les stratégies d’irrigation agricole et que soit interdit de subventionner par des fonds publics tout projet de création de "méga-bassine", notamment celles alimentées par pompage dans la nappe phréatique, « qui permettent un accaparement de la ressource en eau et entraîne une dégradation de l’environnement, de la biodiversité et un risque pour la santé humaine ».

Le Cese appuie la recommandation du rapport sénatorial sur la gestion des conflits d’usage qui préconise de manière plus globale que la mise en place de retenue de substitution de grande taille intervienne au cas par cas, après concertation et décision démocratique de l’ensemble des parties prenantes et soit conditionnée à une logique de développement durable sur le territoire concerné, dans une perspective multiusage.

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Mettre en place une « irrigation de résilience économe et adaptée à chaque territoire »

Le Cese préconise d’anticiper les tensions sur l’eau en mettant en place une irrigation de résilience, économe et adaptée à chaque territoire et visant prioritairement à satisfaire les besoins d’une alimentation saine et durable. Il réitère sa préconisation de 2013 de réaliser une véritable transition écologique et systémique de l’agriculture, qui intègre toute la filière agri-agroalimentaire, et de mettre en place un accompagnement de tous ses acteurs.

Le Cese appelle à dresser un bilan rendu public de la mise en œuvre des Assises de l’eau, afin de voir quels objectifs ont été atteints, lesquels ne le sont pas encore et les mesures nécessaires pour y parvenir. Il rappelle la nécessité d’atteindre l’ambition de ces Assises, soit la réduction des prélèvements d’eau de 10 % en 2025 et 25 % en 2035, la restauration de 25 000 km de cours d’eau et la protection de 500 captages supplémentaires d’ici 2025. Le Comité national de l’eau pourrait être consulté sur la nature et la liste de ces indicateurs à suivre.
 

« Compter tous les prélèvements et accélérer le processus de sortie des pesticides »

Le Cese préconise, pour anticiper les crises, de disposer en temps réel d’un comptage de tous les prélèvements et d’avoir la connaissance permanente de l’état des nappes, y compris les nappes d’accompagnement et des réserves d’eau douce par bassin. Pour les eaux souterraines, un accroissement du nombre de piézomètres est, selon lui, nécessaire.

Le Cese recommande d’accélérer le processus de « nécessaire sortie des pesticides en agriculture », et de renforcer les actions et les contrôles qui permettront d’atteindre les objectifs des plans Ecophyto. Il préconise que la France continue à soutenir la proposition de révision de la directive sur l’utilisation des pesticides et plaide pour son adoption rapide et sa transposition dans les plus brefs délais, de manière à permettre leur élimination effective. Il appelle à une mobilisation des financements pour mettre en œuvre les alternatives existantes ou à créer en s’appuyant sur les scénarios de prospectives réalisés par l’Inrae, « Une agriculture européenne sans pesticides à 2050 ».

« Diminuer les cheptels dans les zones le plus saturées en azote »

Le Cese préconise qu’une politique incitative de diminution des cheptels soit mise en œuvre dans les zones les plus saturées en azote et les plus génératrices de marées vertes, au profit d’un modèle de polyculture-élevage dans une optique de rééquilibrage dans les zones non saturées.

En ce qui concerne les zones de captage, le Cese préconise de :

→ opter, dans les plans d’actions concernant les prélèvements qualifiés de « sensibles », pour des mesures d’interdictions d’utilisation d’intrants polluants ;

→ prévoir, dans les plans d’actions relatifs aux autres prélèvements, une trajectoire progressive d’arrêt d’utilisation d’intrants.
 

« Accompagner les exploitants avec des aides conditionnées aux changements de pratiques »

Dans les deux cas, le Cese préconise d’accompagner les exploitants avec des aides conditionnées aux changements de pratiques et aux résultats atteints, y compris pour ceux étant déjà respectueux de la ressource. De manière plus générale, le Cese préconise d’accélérer, en l’accompagnant, la transition agroécologique pour :

réduire l’impact de l’agriculture sur la ressource en eau, notamment en interdisant toute mesure d’irrigation par forte chaleur et dispersion importante ;

identifier les filières agricoles et d’élevages qui doivent réduire leurs consommation d’eau pour les accompagner vers d’autres modèles ;

→ limiter au plus vite l’utilisation de produits pesticides et engrais azotés susceptibles de contaminer les eaux ;

→ préserver la qualité des sols.
 

« Utiliser en agriculture les eaux usées en grande quantité »

Dans le prolongement des Assises de l’eau qui prévoient un triplement de l’utilisation des eaux non conventionnelles (passage de 1 à 3 %) d’ici 2025, le Cese préconise notamment :

→ de définir, en lien avec les acteurs agricoles, en amont du 26 juin 2023, le nouveau cadre réglementaire applicable à la réutilisation des eaux usées traitées en agriculture pour se mettre en cohérence avec le règlement européen ;

→ d’aller vers l’utilisation agricole des eaux usées traitées en grande quantité, en commençant par étudier les modèles économiques et les impacts de son développement (coût, localisation, variations interannuelles de population, soutien des débits d’étiage, enjeux sanitaires, coût, responsabilités).

Un rapport voté sans le consentement du secteur économique

A noter que le président du groupe Agriculture au Cese, Henri Biès-Péré, a indiqué à nos confrères d’Agra Presse que ce rapport a été « voté sans le consentement du secteur économique ». Le groupe Agriculture (qui, outre la FNSEA, comprend aussi des représentants des JA, de l’APCA et de Groupama) a voté contre, tandis que les groupes Artisanat et professions libérales, Entreprises et Coopération se sont abstenus.

Ancien vice-président de la FNSEA (et président du conseil de surveillance du groupe Réussir Agra), Henri Biès-Péré a listé à nos confrères quatre points de désaccord qui ont fait l'objet d'amendements non retenus dans le texte final. Deux d'entre eux portent sur le stockage de l'eau : contrairement au Plan eau présenté par Emmanuel Macron, « l'avis ne mentionne pas la création de retenues d'eau multi-usages », note l'élu, qui regrette aussi que « le Cese appelle à arrêter de subventionner les retenues d'eau avec de l'argent public ».

Autres sujets de friction : les engrais, pour lesquels le Cese préconise une taxation « dans un cadre national et européen » et la préconisation par le Cese d’une « politique incitative de diminution des cheptels dans les zones les plus saturées en azote ».

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