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Melon : comment les composts de déchets verts peuvent gérer la fusariose

Le projet Synergies mis en œuvre pour tester des pratiques agroécologiques de gestion de la fusariose a permis de progresser sur la connaissance de la maladie. Beaucoup reste à faire, notamment sur les possibilités de maîtrise grâce aux composts.

Porté par l’Acta, Association de coordination technique agricole, le projet Synergies, achevé fin 2022, visait à tester des pratiques agroécologiques de gestion de la fusariose en culture de melon et d’ail, en particulier par l’apport de compost sur les sols. Selon la bibliographie et les essais réalisés notamment en Suisse par le FIBL, Institut de recherche de l’agriculture biologique (Suisse, Allemagne, France, Autriche, Europe), les apports de matières organiques – et notamment de fumiers et composts – peuvent en effet permettre de limiter les attaques de pathogènes. « Les composts ont de nombreux intérêts pour les cultures, assure Jacques Fuchs, du FIBL. Ils peuvent améliorer la fertilité du sol. Ils apportent de la matière organique. Ils limitent l’érosion, peuvent permettre de corriger le pH. Et ils peuvent avoir des effets sur la santé des plantes. »

Parce qu’ils améliorent la structure du sol et la capacité de rétention en eau, qu’ils apportent des nutriments et oligo-éléments ou encore qu’ils améliorent la vie microbienne du sol par l’apport de substrat, les composts peuvent limiter les stress pour la culture, la rendant ainsi moins sensible aux pathogènes. Et surtout, la microflore du compost influence la microflore du sol et occupe l’espace, laissant moins de place aux pathogènes. « Les premiers essais, qui datent de trente ans, avaient montré que l’on pouvait limiter les problèmes de pythium grâce à l’apport de compost, précise Jacques Fuchs. Mais si le compost était stérilisé, il n’y avait plus d’effet de protection. C’est donc que la protection contre les pathogènes est principalement liée à la microflore du compost. »

Effet suppressif des composts de déchets verts ligneux

L’effet du compost sur la santé des plantes est en général positif, mais il peut aussi être négatif si le processus de compostage n’est pas bien géré (phase d’hygiénisation naturelle insuffisante), s’il y a un court-circuit entre intrants et produits finis sur la compostière, si le compost est mal stocké et devient toxique pour les plantes ou encore s’il est mal choisi ou mal utilisé. « Le choix d’un compost et sa stratégie d’utilisation dépendent de l’objectif recherché », insiste Jacques Fuchs. Si l’objectif est de protéger la culture, les plus adaptés sont les composts de déchets verts ligneux.

« Ces composts contiennent beaucoup de champignons liés à la décomposition du bois qui ont un effet suppressif sur les pathogènes, précise l’expérimentateur. Ils ont aussi un bon effet d’amendement et un bon effet sur la teneur en humus du sol et sur sa structure. Ils sont en revanche assez pauvres en fertilisants disponibles, notamment en azote. Et si le processus de compostage est mal géré ou que le compost est trop jeune, il peut y avoir des risques de blocage de l’azote dans les champs. » En Suisse, l’apport de compost, autorisé à raison de 25 tonnes par hectare de matière sèche sur trois ans, est utilisé pour limiter la maladie de levée des épinards liée à la fatigue du sol, pour protéger les cultures de la hernie du chou ou encore pour lutter contre le rhizoctone de la pomme de terre.

Quelques tendances non significatives observées sur melon

Dans le cadre de Synergies, des essais ont été menés sur l’apport de compost pour protéger des cultures de melon contre la fusariose. Des tests ont été réalisés en conditions contrôlées, en pots. Trois composts (Tradivert, marc de raisin, compost FIBL) ont été testés sur deux sols naturellement sensibles aux fusarioses, seuls ou en association avec des antagonistes, des mycorhizes ou de la biofumigation. « Malgré la forte dose de compost apportée, environ 100-140 tonnes par hectare, les résultats sont peu significatifs, indique Margaux Kerdraon, du CTIFL. Le compost FIBL, composé d’un mélange de déchets verts et de fumier compostés, a toutefois permis de diminuer les attaques de fusariose sur les deux sols. »

Les symptômes progressent plus vite avec une fertilisation azotée

Un autre essai en conditions contrôlées a montré un net effet de la fertilisation azotée sur l’évolution de la fusariose. « Les modalités fertilisées sont malades plus rapidement et les symptômes progressent plus vite, rapporte Margaux Kerdraon. Contrairement à ce qui est dit dans la bibliographie, nous n’avons par contre pas noté de différence entre la forme urée et la forme ammonitrate. »

Des essais au champ d’apport de composts ont aussi été menés en 2020 et 2021 par Sudexpé et l’Acpel. Dans les essais Acpel, seul un compost de déchets verts associé au biostimulant microbien Bactiva a ralenti la mortalité des plantes, mais de façon non significative. « La faible pression de fusariose en 2020 et 2021 ne permet pas de conclure, analyse Jean-Michel Lhote, de l’Acpel. Les essais montrent toutefois que la maîtrise d’une maladie vasculaire comme la fusariose n’est pas simple, car il suffit de quelques propagules pour que le pathogène pénètre dans la plante. Même s’il y a aujourd’hui une offre variétale 'à bon comportement à la fusariose', il faut rester vigilant vis-à-vis de cette maladie et disposer d’autres leviers pour limiter le risque. Les leviers identifiés ont été agencés dans un outil d’évaluation multicritère, DEXi, qui reste à finaliser. »

Jacques Fuchs, chercheur au FIBL

« Un bon compost est nécessaire »

« Pour obtenir un effet suppressif sur les pathogènes, il faut investir dans un bon compost de déchets verts. En melon, l’idée serait de le mettre dans les trous de plantation, en le mélangeant moitié-moitié à la terre. La qualité d’un compost peut s’évaluer par l’observation de la friabilité du bois, de son odeur, de son homogénéité, de sa structure, de la couleur de l’extrait aqueux. Des analyses simples peuvent aussi être faites par les compostières : le pH, la salinité, la matière sèche, la matière organique, les formes d’azote minéral, la couleur de l’extrait. Et des biotests peuvent être réalisés pour évaluer l’impact du compost sur les plantes. En Suisse, le compostage des déchets verts est bien maîtrisé et bien encadré. Le compost FIBL testé dans les essais a été sélectionné pour ses capacités suppressives. En France, sur les vingt composts analysés, il y avait de très bons composts de fumier, mais pas de composts de déchets verts qui répondent aux attentes car de moins bonne qualité, souvent trop secs. »

 

Un OAD pour mieux maîtriser le risque de fusariose

L'outil d’aide à la décision DEXi Fom melon a été mis au point dans le cadre de Synergies, à partir du logiciel libre DEXi. « L’idée est que les producteurs puissent évaluer rapidement le risque a priori de fusariose sur une parcelle, ainsi que l’impact d’une ou plusieurs modifications du système de culture sur le développement et l’expression de la maladie, explique Tanguy Balanant, de FIBL France. Même si la maîtrise de la fusariose est aujourd’hui plus facile grâce aux variétés résistantes, il y a différents niveaux de risque. L’outil pourra permettre de positionner les variétés selon ce niveau de risque, d’adapter la fertilisation azotée… » Le producteur renseigne vingt critères de base ayant chacun trois à cinq seuils, liés à la parcelle (historique, pratiques), à l’itinéraire technique, au climat et à la génétique. L’outil calcule ensuite des critères agrégés à partir des valeurs attribuées aux critères de base, avec des pondérations. Cinq seuils de maîtrise du risque vis-à-vis de la fusariose sont ainsi déterminés, de très bonne à très mauvaise.

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