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[Pac - Manifestation à Dijon] Antoine Carré, président des Jeunes agriculteurs de Côte d’Or : « On m’a mis les menottes dans le dos, comme un délinquant »

Antoine Carré, président des Jeunes agriculteurs de Côte d’Or, en Gaec sur une exploitations polyculture élevage (limousines élevées en extensif, avec deux périodes aux près, avec du blé et de l’orge jusqu’à il y a deux ans et désormais de la luzerne et du trèfle sur 100 hectares), a été mis en garde à vue lors de la manifestation agricole musclée du 6 avril dernier à Dijon. Il revient sur cet évènement et les raisons de la colère des agriculteurs de Côte d’Or.

Antoine Carré, président des Jeunes agriculteurs de Côte d'Or
Antoine Carré, président des Jeunes agriculteurs de Côte d'Or
© Gaec du Giboux

Réussir.fr : Le 6 avril à Dijon vous avez manifesté votre colère, quel était le message principal de cette action syndicale ?

Antoine Carré : Il y avait deux grands thèmes. Le premier concernait la réforme de la Pac. Les résultats d’une première simulation des syndicats agricoles ne nous conviennent pas du tout pour l’élevage allaitant et les grandes cultures. Repartir aux aides par UGBV (unité de gros bovin viande) au lieu de la PMTVA (prime au maintien de troupeaux de vaches allaitantes) ne nous va pas du tout. D’autant plus qu’il y a des zones en Côte d’Or où l’on ne peut pas faire de luzerne, du fait de sols acides et granitiques, culture sur laquelle une partie des aides sera rebasculée. On estime à entre 10 et 20% de pertes sur les aides destinées aux bovins allaitants. A cela s’ajouterait une perte de 20 à 40 euros par hectare sur les grandes cultures.

Mise à jour : Réforme de la Pac : cinq points précisés par Julien Denormandie devant le Sénat

Nous avions rencontré quelques jours avant le 6 avril Emmanuel Macron et Julien Denormandie pour leur parler des problèmes spécifiques aux zones intermédiaires, avec l’épineux problème du colza, et avions formulé notamment une demande du doublement des 63 premiers hectares pour les aides.

Il y a un ras-le-bol sur le terrain, on n’en peut plus

Nous y croyions et quand on a vu les simulations, cela a engendré une grande colère. A la problématique de la Pac s’ajoute par ailleurs un cumul de normes et de contraintes administratives et environnementales d’où notre cible qui était la Dréal (Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logemet). Il y a un ras-le-bol sur le terrain, on n’en peut plus. On ne peut plus couper un buisson pour faire une clôture, faire une rétention d’eau de 50 m3, ou remettre un cours d’eau dans son lit en mettant un godet.

On m’a mis en cellule 1h30 à 2 h

Réussir.fr : La manifestation a été chaude, vous avez vous-même été placé en garde à vue, pourquoi ?

A.C. : J’étais en chariot téléscopique devant la Dréal et j’ai voulu faire un tas, une montagne (des déchets amenés par les agriculteurs, ndlr) et puis j’ai poussé le portail. Les consignes ont vite diffusé d’arrêter le chauffeur. Les forces de l’ordre m’ont dit qu’ils ne savaient pas que j’étais le président des Jeunes agriculteurs. L’arrestation a été assez musclée, on m’a mis les menottes dans le dos et dans la voiture de police, comme un délinquant. J’ai été auditionné pendant deux heures et puis on m’a mis en cellule 1h30 à 2h. J’ai été relâché le soir. Je n’étais pas venu pour casser mais ça s’est fait comme ça. Deux autres collègues ont été arrêtés, pour eux la police a considéré que c’était plus grave (un policier a été blessé en chutant) et les a gardés toute la nuit. Il y a eu quelques violences, ce n’est pas bien mais il faut comprendre d’où elle vient. La manifestation était bien musclée mais ça a été dramatisé.

 

Réussir.fr : Y’aura-t-il des poursuites ?

A.C. : Je ne vais pas passer devant le tribunal. Mes deux autres collègues sont convoqués pour le 16 juin. Nous nous battons pour dire que c’est le collectif qui doit être visé, pas les individus. Il faut convoquer le syndicat. On va voir pour faire appel à un avocat. Il y a eu des actes répréhensibles mais ce n’est pas de la grande délinquance. Parmi les deux collègues, il y a un jeune qui en bave, il n’a pas une grosse structure, c’est un bon gars, mais il est un peu chaud en manifestation.

Réussir.fr : La couverture médiatique de l’évènement a été plutôt négative, regrettez-vous les violences qui ont été commises ?

A.C. : Je ne regrette rien, je trouve ça dommage. A cette manifestation, il y avait 700 personnes de 8 départements, c’est compliqué à gérer. Je ne connaissais pas tout le monde. Il y avait beaucoup de jeunes et certains étaient intenables. Quelques-uns s’en sont pris à des journalistes d’où la mauvaise couverture médiatique dans la presse locale. Cela faisait des semaines que l’on prévenait que la colère montait sur le terrain, le préfet n’a rien fait !

 

Réussir.fr : Depuis hier vous faites des vidéos explicatives sur Facebook, un changement de stratégie pour vous faire entendre ?

A.C. : On change de stratégie même si on porte nos messages forts. Je rappelle que lors de la manifestation, je n’ai jamais fait de message en faveur de la casse. J’ai même détourné des pneus pendant une heure pour qu’ils ne soient pas brûlés. Dans les vidéos, on utilise des termes simples pour se faire comprendre de tous. Nous avons fait une première vidéo sur la Pac, nous allons ensuite parler du loup qui se développe et face auquel nous sommes dans une impasse, puis sur Egalim qui ne nous a apporté aucune retombée et enfin sur la pression normative.

Mais beaucoup de céréaliers n’ont pas d’alternatives au colza

Réussir.fr : Quel est l’enjeu de la réforme de la Pac pour les zones intermédiaires, selon vous ?

A.C. : L’enjeu est crucial, et ce ne sont pas des paroles de syndicaliste. Beaucoup d’exploitations sont en situation économique compliquée. C’est dû au changement climatique mais aussi au colza. Nous subissons des attaques de plusieurs insectes venus de l’Yonne avec une petite palette d’insecticides efficaces pour lutter, et un gel comme on en a eu la semaine dernière finit le colza. Les derniers colzas qui restaient sont morts. Moi j’ai tiré un trait sur le colza, parce que j’ai de l’élevage j’ai pu convertir ma sole. Mais beaucoup de céréaliers n’ont pas d’alternatives au colza. Il y a eu des essais sur la féverole, le soja, le tournesol mais c’est difficile sur un sol à cailloux.

La Pac est faite pour diviser le monde agricole !

Réussir.fr : Vos demandes sont parfois en contradiction avec celles de collègues éleveurs bovins en zone herbagère, est-ce que cela ne brouille pas un peu le message ?

A.C. : C’est compliqué ! La Pac est faite pour diviser le monde agricole ! Aujourd’hui on a une enveloppe donnée et il faut prendre à l’un pour donner à untel. Ca fait forcément crier. Mais dans les zones intermédiaires nous avons des aides à moins de 200 euros par hectare alors que certains touchent dans d’autres régions 350 euros par hectare ! En Côte d’Or, qui est une petite France avec de la vigne, un gros secteur élevage, une zone intermédiaire et un plateau mixte élevage à faible potentiel, nous arrivons à être solidaires.

Le préfet fait du chantage à ma démission

Réussir.fr : Comment voyez-vous la suite ?

A.C. : C’est assez tendu, je fais profil bas. Le préfet a convoqué le président de la chambre d’agriculture vendredi dernier pour dire que l’administration ne serait plus présente aux réunions tant que j’y serai. Nous avons tous été un peu choqués. En gros le préfet fait du chantage à ma démission. Il me reste un an de mandat, je le ferai jusqu’au bout mais je ne me représenterai pas, c’est usant d’être responsable syndical.

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