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Ludovic Guinard : « La recherche doit faire des choix et prendre des risques »

Ludovic Guinard, directeur général adjoint CTIFL/Interfel, témoigne sur les évolutions des filières de production de fruits et légumes et sur le rôle de la recherche et de l'expérimentation.

Ludovic Guinard Directeur général adjoint CTIFL/INTERFEL © CTIFL
Ludovic Guinard Directeur général adjoint CTIFL/INTERFEL
© CTIFL

Quelles sont les évolutions à venir des systèmes de productions fruitières et légumières ?

S’il est prématuré d’affirmer quels seront les systèmes de production à venir en fruits et légumes, il est essentiel d’identifier les évolutions qui s’imposeront aux systèmes et nécessiteront la mutation. La première évolution concerne l’environnement avec : l’augmentation des aléas climatiques, la pression grandissante de bioagresseurs importés ou réémergents, le problème de l’accès à l’eau en qualité et quantité ou bien encore les périodes de froid essentiel aux arbres fruitiers. Une seconde s’attache au contexte politico-économique avec une gouvernance entropique et plus précisément l’adéquation et la pertinence entre les objectifs, la faisabilité et les moyens. Deux exemples. Un premier, les fruits et légumes seront impactés par la volonté de réduire les produits phytosanitaires, qui devrait avoir des effets positifs aux conditions d’éviter les distorsions de concurrence qui déplacent les problèmes, d’adapter les décisions à l’existence d’alternative et les moyens de le faire émerger et appliquer. Un second, la baisse des moyens de surveillance biologique du territoire en regard de l’accroissement des bioagresseurs. D’autres évolutions sont à considérer comme le développement du bio et autres référentiels de productions et des circuits courts, la Covid-19 qui impacte la restauration et les flux de marchandises et de main-d’œuvre, la volonté de souveraineté alimentaire et plus que toute autre, l’acte d’achat des consommateurs-citoyens.

Quelles adaptations seront nécessaires ?

Nos productions (110 espèces, multiples systèmes de culture, conditions pédoclimatiques) se caractérisent par un lien chaque jour accru entre les différents gestes culturaux. Aussi faut-il privilégier d’une part une approche systémique des adaptations à conduire, et d’autre part fournir une capacité de résilience à la filière. Mais pour simplifier, j’identifie cinq adaptations : une première, minimiser l’usage des phytos par l’agriculture de précision, le biocontrôle, les barrières physiques, les systèmes mécaniques. Une deuxième, recourir au système vivant lui-même en restaurant ou générant les équilibres au niveau du sol, des apports en eau, des ravageurs et auxiliaires, de l’environnement, des plantes de services. Une troisième, s’appuyer avec force sur l’innovation variétale avec la recherche de résistance aux bioagresseurs, l’adaptation au changement climatique, l’implantation d’espèces exotiques en lien avec les marchés. Une quatrième adaptation porte sur l’usage des nouvelles technologies, des serres, abris ou filets protégeant les cultures, des capteurs, la robotique, qui peut répondre aux problèmes de pénibilité du travail et d’accès à la main-d’œuvre, le digital pour optimiser, sécuriser et informer. Une cinquième adaptation à ne pas perdre de vue concerne l’expérience consommateur : innovation des goûts et des modes de consommations comme la fresh découpe, conditionnements utilisant moins de plastique, consommations personnalisées. Enfin, des adaptations organisationnelles seront sans doute nécessaires pour permettre aux acteurs de la filière de gagner en résilience.

Comment la recherche et l’expérimentation peuvent-elles accompagner ces évolutions ?

Ce sont des évolutions de courts termes, et seule la recherche appliquée peut réagir sur ce pas de temps. Cette recherche appliquée doit d’abord s’assurer que ces savoirs et savoir-faire sont transférés aux acteurs, c’est-à-dire que ces derniers en tirent une valeur ajoutée. La recherche en fruits et légumes se fait sans moyens suffisants et très nettement inadaptés aux besoins exprimés par les professionnels comme par le gouvernement. Nous devons donc travailler en partenariat avec d’autres disciplines, pour ne pas recréer des compétences qui existent. Il peut s’agir d’équipementiers, de start-ups en robotique, de laboratoires spécialisés en génétique, en science du sol ou en sciences sociales. Cela permet de gagner du temps et d’être pertinent. Notre mission est de rassembler ces acteurs pour accélérer la chaîne de l’innovation. La recherche doit aussi faire des choix et prendre des risques. Le CTIFL a par exemple choisi de créer une plate-forme sur la conservation post-récolte, un hall d’expérimentation des agro-équipements en robotique et mécanisation, ou encore une zone reproduisant un point de vente pour étudier le comportement des consommateurs. Dans tous les cas, la recherche appliquée que nous menons doit imaginer demain pour réussir.

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