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La filière porcine allemande craint pour sa compétitivité

La réforme des conditions de travail de la main-d’œuvre étrangère employée par les abatteurs allemands s’ajoute à la crise liée aux cas de peste porcine africaine découverts dans le pays pour fragiliser la filière porcine. Elle fera augmenter les coûts de la filière.

En se concentrant sur l’efficacité de gros outils fonctionnant avec des salariés d’Europe de l’Est, l’Allemagne était devenue LE champion européen du coût d’abattage. L’estimation la plus basse portait sur 12 euros par porc (sans découpe) et allait jusqu’à 25 euros pour la plus haute. À multiplier par 55 millions de têtes, le total des abattages en 2019. L’apparition de la Covid-19 et la multiplication de cas positifs dans les abattoirs ont fragilisé ce bel édifice. Une étude après coup a eu beau démontrer que la propagation du virus dans les salles était d’abord due aux défaillances du système de climatisation. Les conditions de travail et d’hébergement ont malgré tout été immédiatement désignées comme causes principales de la multiplication des cas et restent toujours sous le feu des projecteurs. Des infractions à la législation comme l’absence d’indemnités journalières en cas de maladie ont été mises à jour. Fin juillet, le ministre du Travail promettait de « faire le ménage » en parlant des conditions de travail, de salaire et d’hébergement des salariés dans les entreprises d’abattage comptant plus de 50 salariés. Un projet de loi prévoit notamment l’obligation à partir du 1er janvier 2021 d’enregistrer le temps de travail et l’interdiction de recourir à des sociétés étrangères proposant de la main-d’œuvre intérimaire. Jusqu’à présent, la majorité des abatteurs déléguaient le recrutement et la gestion de ces 30 000 (1) intérimaires à des prestataires, pas toujours très scrupuleux, notamment pour proposer à ces salariés des logements à des tarifs souvent prohibitifs. En 2021, ils devront les engager directement.

Les salaires pourraient augmenter de 5 euros de l'heure

« Westfleisch a anticipé cette situation en embauchant ces quatre dernières années 2 000 intérimaires en contrat à durée indéterminée. Ce surcoût est déjà intégré. Il sera amplifié par la séparation des tâches qui nécessite d’augmenter l’espace de travail, une charge administrative supplémentaire et l’obligation de proposer à ces salariés un hébergement décent », résume Hubert Kelliger, directeur industriel de la coopérative basée à Münster dans le nord du pays. À l’inverse, le numéro un Tönnies (qui n’a pas répondu à notre demande d’interview) semble avoir un plus grand retard à rattraper. Pour la Fédération de l’industrie de la viande (VDF), le surcoût des mesures de la Covid-19 menace directement « la compétitivité » de la filière. Le poste salaire pourrait augmenter jusqu’à 5 euros de l’heure. Mais pour le syndicat de salariés NGG, la main-d’œuvre « ne représente que 5 % des coûts » et porter le SMIC horaire à 15 euros au lieu de 9,35 euros actuellement ne renchérirait le kilo de viande de porc que de 9 centimes par kilo… Hubert Kelliger relativise. « Le plus important, ce n’est pas le dernier euro de salaire payé, c’est l’efficacité six jours sur sept de tous les maillons de la chaîne, de l’éleveur au distributeur. À l’export le défi est de trouver le bon marché pour chaque pièce de carcasse écoulée. C’est un modèle que les abatteurs ont patiemment construit depuis des années », dit-il.

Accélérer l’automatisation des tâches

L’idée, suggérée par la société civile, de repartir vers des outils de taille régionale plus modestes pour diminuer le risque de propagation du virus, ne résiste pas à la réalité du terrain. « Le modèle actuel va perdurer », avance Albert Hortmann-Scholten, chef du département économie à la chambre d’agriculture de Basse-Saxe. « Les cinq premiers abatteurs cumulent plus de 75 % de parts de marché. Leurs process sont bien réglés. Ils se sont structurés pour appliquer les nouvelles règles d’hygiène. Les économies d’échelle permises par le nombre de têtes abattues restent un critère pour assurer une prestation au moindre coût. Il ne faut pas oublier que 40 % du volume de viande de porc vendue en Allemagne s’écoulent à bas prix. La Covid-19 va surtout inciter à accélérer l’automatisation des tâches notamment au portionnement et au conditionnement. Seules de grosses unités ont les moyens d’investir dans ce type de matériel. »

(1) Estimation du syndicat NGG.

Le coût du bien-être

Le débat sur le bien-être animal agite l’Allemagne depuis plusieurs années. Le catalogue des mesures est prêt. En porcs, il prévoit notamment l’arrêt de l’épointage, de la caudectomie, et de la cage pour les truies. Une majorité des éleveurs allemands semble s’orienter vers la castration sous anesthésie pour remplacer la castration à vif, selon l’ISN, le syndicat de défense des producteurs de porcs. Son coût est estimé à 2 euros par porcelets. Un calcul du ministère de l’Agriculture chiffre le surcoût en rayon de ces choix (s’ils sont intégralement appliqués) à 0,40 euro le kilo. Il est proposé de les percevoir sous forme de taxe. Elle représenterait un plus à dépenser de 23,80 euros par consommateur et par an. En 2019, chaque Allemand a consommé 34,1 kilos de porc (59,5 kg toutes espèces confondues). Le porc subit une lente érosion de sa demande. En 2014, la consommation se montait encore à 40 kilos par habitant et par an.

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