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Bovins viande : une crise profonde sur le sens du métier d’éleveur

Les éleveurs étaient à la première place pour manifester sur les barrages routiers, au cours d’une crise grave et inédite, avec en ligne de mire la formation du nouveau gouvernement, l’approche du Salon de l’agriculture puis des élections européennes. Le premier ministre Gabriel Attal a annoncé des mesures d’urgence et d’autres au long cours.

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Après la phase de manifestations, la concrétisation des annonces du gouvernement s’inscrit dans un timing allant de quelques jours, par exemple pour le fonds d’urgence MHE, à un délai beaucoup plus long pour le Pacte et loi d'orientation et d'avenir agricoles (PLOA) .
© Presse Agricole du Massif central

Pour répondre à la détresse des agriculteurs, le premier ministre fraîchement nommé a déployé des mesures d’urgence et d’autres au long cours. En conférence de presse le 1er février, Gabriel Attal a assuré que les aides de la Pac seraient créditées d’ici au 15 mars, pour ceux qui n’ont pas encore reçu leur solde. Il renforce dans la foulée les contrôles de l’application de la loi Egalim pour les contrats et pour l’achat de produits durables et de qualité en restauration collective. Le gouvernement s’engage également à lancer une mission parlementaire pour examiner un des contournements de cette loi de la part des centrales d’achat européennes.

La mesure fiscale annoncée au Sommet de l’élevage est pérennisée et sera reformulée afin que son champ d’application couvre aussi l’assiette sociale, et en incitant à la contractualisation. Un travail avec la filière permettra d’en préciser les modalités. Elle pourrait prendre la forme d’une déduction qui n’aurait pas à être réintégrée en cas de hausse du cheptel (en valeur ou en effectif) à partir de 2025.

Sur le front de la maladie hémorragique épizootique (MHE), le taux de prise en charge des frais vétérinaires et des pertes liées à la mortalité est revalorisé à 90 %, et un fonds d’urgence de 50 millions d’euros est mobilisé. Ce dernier devrait être piloté par les préfets des départements les plus concernés par la maladie pour indemniser les pertes indirectes (avortements…). Gabriel Attal a aussi validé une mise à l’étude d’une banque d’antigènes (pour pouvoir être réactif sur le développement de vaccins), et de tirer les conséquences sur le règlement européen sur la circulation des animaux face aux maladies bovines vectorielles.

Pour l’obligation de réimplantation des prairies, une dérogation d’un an est accordée. Le premier ministre s’est aussi engagé à défendre au niveau européen une évolution de la réglementation de la BCAE1 sur le ratio des prairies et de la BCAE9 sur les prairies sensibles.

S’agissant de la concurrence déloyale fortement décriée par la profession agricole, le gouvernement français réitère son engagement de défendre une véritable réciprocité des normes et des clauses miroirs effectives, et qu’à ce titre, elle s’oppose à l’accord de libre-échange avec le Mercosur. Une force de contrôle sera créée aux frontières de l’Union européenne. Enfin, le jeune chef du gouvernement s’est exprimé sur la viande in vitro : « La viande de synthèse ne correspond pas à notre conception de l’alimentation à la française », a-t-il déclaré en conférence de presse. Il a rappelé que le gouvernement français œuvre pour que l’Union européenne donne une définition claire.

Un calendrier avec des dates de revoyure

« Les éleveurs ont exprimé une détresse et une colère inédites », relevait Jean-Pierre, éleveur en Côte-d’Or, depuis un barrage du mouvement FNSEA - Jeunes agriculteurs le 31 janvier. « Ils ont raison de ne rien lâcher sur la dignité de leur métier. Un métier choisi aussi pour la liberté qu’il procure. Et la pression administrative est telle qu’elle donne peur d’entreprendre et encourage la décroissance. »

Du point de vue de la Fédération nationale bovine (FNB), le président, Patrick Bénézit estime que les revendications spécifiques au secteur bovin viande ont été entendues par le gouvernement en date du 1er février – sauf, au sujet de l’assurance prairies, celle de la représentativité des régions fourragères via le réseau de fermes de référence, point sur lequel « il faut revenir absolument ». L’organisation, après cette phase de barrages routiers, change de mode d’action pour suivre la concrétisation des mesures annoncées avec des "dates de revoyure". « Avant tout, un cap doit être fixé pour étayer le plan de souveraineté de l’élevage : combien d’éleveurs, combien de vaches veut-on en France et sur quel modèle ? », insiste Patrick Bénézit.

La Coordination rurale considère, au lendemain des annonces qui ont clos les mobilisations de fin janvier, que le compte n’y est pas. Mais certaines annonces vont néanmoins dans le bon sens, nuance le deuxième syndicat agricole français, en citant par exemple le décret à venir sur les curages. Pour Stéphane Charbonneau, responsable de la section bovine, l’enveloppe de 150 millions pour l’élevage représente un montant dérisoire ramené au nombre d’exploitations. Le syndicaliste regrette encore qu’Egalim reste la seule solution pour ramener de la valeur dans les fermes. Pour lui, cette loi devrait être réécrite pour aller jusqu’au dernier acheteur « même si elle ne s’inscrit en rien dans notre ADN d’indépendance : des prix, pas des primes ! ».

La Confédération paysanne poursuivait pour sa part le mouvement sous forme d’actions ciblant la distribution, « la question fondamentale du revenu n’étant toujours pas prise à bras-le-corps par le gouvernement ». « L’élevage a besoin de mesures structurelles fortes pour son maintien et sa valorisation », lance Stéphane Galais, secrétaire national du syndicat. « Par exemple, le premier ministre a choqué les éleveurs en se contentant d’annoncer une "législation sur la dénomination" de la viande de synthèse, ce qui revient à lui donner une existence, alors qu’il faut l’interdire totalement. De même, si la France dit "s’opposer à l’accord sur le Mercosur en l’état", rien ne garantit à ce stade la fin des négociations ».

Dans un communiqué du 27 janvier, le Modef rappelait que « la seule réponse attendue était la question des prix minimum garantis par l’État pour avoir tout simplement un revenu de base décent. Le premier ministre a renvoyé cette revendication à la loi Egalim qui fait la preuve de son inefficacité (faute à la grande distribution et l’industrie agroalimentaire qui ne respectent rien et bafouent cette loi) ».

Négociants et abatteurs solidaires de la mobilisation des éleveurs

La Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB) a apporté son soutien total aux éleveurs mobilisés et alerté sur la situation « intenable » que traverse la profession dans un communiqué en date du 24 janvier 2024. « Alors que le rôle des commerçants est de valoriser et de mettre en marché la production des éleveurs, il n’est pas concevable que les lourdeurs administratives soient si conséquentes et chronophages », estime la FFCB qui cite, à titre d’exemple, les mesures de gestion de la MHE.

Dans un communiqué publié le même jour, le syndicat des entreprises d’abattage et de découpe, Culture Viande, apportait également son plein soutien au mouvement de colère des agriculteurs. Les entreprises de la viande expliquent être elles aussi touchées et listent le nouvel affichage environnemental, les nouvelles normes sur les emballages, les restrictions hydriques, la directive déforestation, et la possible évolution de la réglementation européenne sur le transport des animaux.

En savoir plus

Dans chaque département, le "mois de la simplification" vise en partant de l’expérience de l’agriculteur à interroger la pertinence des normes. Le gouvernement s’engage à ne pas imposer plus d’un passage annuel sur l’exploitation pour les contrôles administratifs. Un chantier est ouvert sur les zones humides. Le groupe national loup sera réuni une dernière fois avant la publication du nouveau plan et d’un nouvel arrêté encadrant les tirs.

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