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« Les charges de mécanisation par hectare augmentent avec la taille des exploitations bovins viande »

Patrick Veysset est économiste au centre Inrae de Theix dans l’unité mixte de recherche sur les herbivores. Il constate au fil des ans un vrai problème d’augmentation des charges de mécanisation.

Quelles évolutions observe-t-on concernant les charges de mécanisation des élevages bovins viande ?

Patrick Veysset – Les charges de mécanisation ne cessent de croître ces trente dernières années. Selon les données du Rica (réseau d’information comptable agricole), pour l’orientation technico-économique bovins viande (Otex 46), elles ont progressé de 20 % à l’hectare de surface agricole, en euros constants, entre 1988 et 2018. Elles sont ainsi passées de 280 à 340 euros constants par hectare de surface agricole sur cette période.

L’augmentation de la taille des exploitations n’a-t-elle pas permis des économies d’échelle ?

P. V. – Les exploitations d’élevages bovins viande ont en parallèle poursuivi leur agrandissement (surface agricole + 90 %). Toutefois, cette évolution de la surface n’a pas engendré de dilution des coûts à l’hectare. On ne peut donc pas parler d’économies d’échelle. La place des charges de mécanisation croît d’ailleurs dans les charges totales. Elles représentent désormais 33 % de celles-ci contre 28 %, il y a trente ans.
 

Autres éléments marquants, on constate que les charges de mécanisation et les charges fixes par hectare de SAU connaissent une hausse avec la taille des troupeaux bovins. Cette situation est d’autant plus alarmante que le produit par hectare de ces fermes évolue peu. Il n’y a donc pas non plus d’économies liées à la dimension croissante de ces élevages.

Cette accentuation des charges à l’hectare et cette stabilité du produit impliquent donc une dégradation de la productivité partielle de la mécanisation. Le rapport quantité de viande produite sur volume de matériel utilisé a ainsi perdu 15 à 20 points. C’est donc un vrai constat d’échec.

Qu’est-ce qui peut expliquer cette évolution ?

P. V. – Certes, l’agrandissement des exploitations et la raréfaction de la main-d’œuvre agricole expliquent ces évolutions vers davantage de mécanisation. On remplace l’humain par des équipements et on augmente ainsi la productivité du travail. Sauf que les économies faites sur le coût du travail sont plus faibles que l’augmentation des charges de mécanisation.
 

« La productivité partielle de la mécanisation se dégrade »

Cette mécanisation accrue va dans le sens d’un meilleur confort du travail. Les agriculteurs effectuent les tâches dans de meilleures conditions. Toutefois, il ne faut pas confondre confort de travail et puissance de mécanisation. Pour un éleveur, il est peut-être plus intéressant d’investir dans une bonne stabulation pour la totalité de son cheptel, couplant ainsi bien-être animal et bien-être de l’éleveur que dans la sur-mécanisation. Un bâtiment s’amortit sur l’ensemble d’une carrière… Pourquoi ne pas se concentrer sur l’élevage et déléguer les travaux liés aux surfaces en cultures ? De plus, on a beau investir des milliers d’euros dans du matériel de récolte et de distribution de fourrage ou de paillage, une vache ne produira toujours au mieux qu’un veau par an. Les données du Rica ainsi que celles des réseaux d’élevages montrent que la productivité des vaches n’a pratiquement pas bougé malgré l’augmentation de la mécanisation et l’amélioration des équipements, d’où une baisse de la productivité de ces équipements.

Comment faire pour limiter les charges ?

P. V. – On n’observe pas de dilution des coûts d’utilisation du matériel dans le volume de viande produit. Les charges de mécanisation par hectare de SAU sont les plus élevées dans les exploitations les plus importantes. Les grandes surfaces entraînent une plus grande consommation de carburant par hectare, sans diminuer les charges d’amortissement et autres postes constituant les charges de mécanisation. Une des premières choses à faire pour les contenir serait peut-être tout simplement d’arrêter la course à l’agrandissement des exploitations.

Ce constat d’augmentation des frais d’équipement peut toutefois être nuancé par le fait que d’un autre côté, l’éleveur capitalise pour sa retraite. D’autre part, la politique fiscale peut inciter les exploitations qui affichent de bons résultats économiques à investir en matériel et à se suréquiper, afin de limiter le revenu fiscal et ainsi diminuer le montant des cotisations sociales.

Le coût réel de la mécanisation sur leurs fermes et les conséquences économiques de leurs choix stratégiques d’acquisition et d’utilisation du matériel ne sont pas toujours bien évalués. Des outils d’analyses des besoins en équipement et de diagnostic du parc de matériel existent. Ils constituent déjà une bonne base pour mieux cerner ses besoins en matériel et assurer une pleine maîtrise du poste mécanisation, principal poste de dépenses dans les charges de structures. Par ailleurs, des plateformes numériques proposant la location de matériel ou de prestations entre agriculteurs, de l’entraide ou encore de l’échange de matériel sont également disponibles.

Définition

Charges de mécanisation

En règle générale, les charges de mécanisation comprennent l’amortissement du matériel et des équipements, les charges d’entretien, les charges d’achat du petit matériel, les travaux par tiers (Cuma, ETA), le carburant et le lubrifiant.

 

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