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Les Baléares réinvestissent dans la caroube

Le changement climatique conduit à des changements de cultures. Le caroubier a ainsi retrouvé de l’intérêt aux yeux des producteurs des îles Baléares, en raison de sa résistance à la sécheresse et de la demande croissante pour sa gomme, utilisée comme épaississant.

Le caroubier, arbre emblématique du bassin méditerranéen, trouve aux îles Baléares de nouvelles lettres de noblesse. Bien qu'originaire du Moyen-Orient, l’Espagne est actuellement un des principaux pays producteurs et les îles Baléares (Majorque et Ibiza) la seconde communauté espagnole productrice. Culture traditionnelle, utilisée depuis l’Antiquité pour nourrir le bétail et les Hommes, elle a vu ses surfaces décliner à la moitié du XXe siècle au profit de l’amandier.

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Mais avec le changement climatique, la culture de l’amandier non irrigué n’est plus adaptée sur l’espace littoral oriental sur une dizaine de kilomètres depuis le front de mer. Il n’y pleut que de façon sporadique avec de trop longues périodes de sécheresse et dans des terrains de moins de 40 cm de profondeur. Or le caroubier fait preuve d’une formidable résistance à la sécheresse, il supporte des pluviométries de 400 mm, voire moins. De plus, de nouveaux marchés s’intéressent aux produits issus du caroubier : la farine de caroube est utilisée comme substitut du cacao, et de la graine est issu un additif épaississant et gélifiant (E410) utilisé dans l’industrie agroalimentaire et la cosmétique (voir encadré).

Arbres femelles, mâles et hermaphrodites

D’un point de vue agronomique, le caroubier n’a pas besoin de grands apports de nutriments, ni ne souffre de problèmes sanitaires importants. Cet arbre de 5 à 10 m de haut est complètement adapté aux conditions environnementales des îles Baléares et aux températures extrêmes. Il résiste bien aux coups de vent occasionnels et aux basses températures, mais il reste sensible au gel. Il s’adapte à de nombreux types de sols, même ceux ayant une salinité jusqu’à 3 %. Il préfère toutefois les sols drainants et ne supporte pas les sols hydromorphes. Le caroubier se plante à Majorque jusqu’à 600 m d’altitude.

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La plantation est conseillée en février ou mars, après les dernières gelées, les plants étant sensibles au gel. Les plantations se font à une distance de 8 par 8 m ou 12 par 12 m. Un arrosage de soutien est nécessaire les premières années, tout comme de la fertilisation. Son port naturel favorise la formation d’un axe central. Pour une récolte mécanique, il est conseillé de laisser quatre à cinq branches primaires bien espacées autour du tronc central, la première se situant approximativement à 1 m de hauteur. Le caroubier fructifie sur les branches de n’importe quel âge, sa taille d’entretien consiste donc à aérer l’arbre pour le passage de l’air et la lumière.

Il est très sensible aux grosses coupes et cicatrise lentement. La production des gousses se fait sur les arbres femelles et dans une moindre mesure sur les arbres hermaphrodites. Pour assurer une bonne pollinisation, 10 à 15 % d’arbres mâles ou hermaphrodites sont suffisants, en les répartissant tous les trois rangs. Il est conseillé de diversifier les variétés d’arbres pollinisateurs pour couvrir la longue période de floraison des arbres femelles. Le caroubier a peu de ravageurs. En verger, la zeuzère peut faire quelques dégâts, tout comme Cadra calidella, une mite des fruits secs. Un seul ravageur est spécifique, il s’agit de Myleois ceratonia, un papillon de nuit dont les larves s’attaquent aux caroubes après récolte.

Forte dispersion génétique

Les gousses de caroubes sont récoltées entre septembre et octobre après être passées en un an du vert au brun foncé. Elles font 10 à 30 centimètres de long et contiennent entre 15 et 20 graines par gousse, séparées par des cloisons pulpeuses. La récolte se fait par frappage ou par secouage mécanique de l’arbre pour les faire tomber. Une étape délicate puisque les arbres sont en floraison au même moment. La floraison a en effet lieu d’août à octobre. Les fleurs, très petites, sont constituées d’un calice pourpre sans corolle, elles sont réunies en grappes cylindriques.

La pollinisation se fait autant par le vent que par les insectes. Aux îles Baléares, la dispersion génétique est considérable. Alors qu’en Catalogne les variétés ont été sélectionnées pour la production de pulpe, aux Baléares ce sont les variétés à double fin qui ont été favorisées. Les Baléares possèdent donc un matériel végétal intéressant pour la sélection de variétés adaptées au marché. Celui-ci étant aujourd’hui plus en recherche de graines que de pulpe.

De nombreuses variétés hermaphrodites intéressantes pour la pollinisation, tout en étant productives, existent aussi. Le déclin de l’amandier, ajouté aux prix attractifs de la caroube ces trois dernières années a provoqué une demande de jeunes plants de pépinière. Les pépiniéristes de l’île ont été dépassés par les demandes pour le caroubier greffé. A défaut, certains producteurs ont fait leur pépinière eux-mêmes à partir de graines... avec des résultats variables sur les rendements.

Source : Fruits oubliés n°77, Miquel Serra (technicien de l'Association de production agro-écologique de Majorque, APAEMA) et Christian Sunt. Article publié à l'origine dans la revue espagnole Agrocultura.

Une gousse à 15 carats

 

 
Pulpe et graines sont utilisées en agroalimentaire. © MahirAtes/iStockphoto
Les graines de caroube sont de taille et de poids très réguliers. Elles ont servi d’unité de mesure. Leur nom est à l’origine du carat, l’unité de poids dans le commerce des pierres précieuses. Un carat représentait le poids d’une graine de caroube.

 

Tout est bon dans la caroube

Deux produits sont utilisés dans la caroube : la pulpe des gousses qui entourent les graines et la graine elle-même. La pulpe des gousses est séchée puis torréfiée pour obtenir la farine de caroube au goût proche du cacao. Les graines peuvent être grillées et moulues pour produire de la poudre de caroube utilisée aussi dans l’alimentation. Mais c’est surtout la gomme provenant de l’endosperme blanc translucide des graines après élimination de l’enveloppe brune qui la recouvre qui redonne de la valeur à cette culture. Cette gomme est en effet utilisée comme épaississant (E410) dans l’industrie alimentaire et la cosmétique.

Farine et poudre de caroube sont riches en protéines, faibles en matières grasses, très concentrées en magnésium, en potassium et en antioxydants. La farine est utilisée dans l’alimentation infantile pour épaissir le lait en poudre en remplacement de la farine de blé. Des études scientifiques ont montré son rôle positif dans le traitement de l’excès de cholestérol, du reflux gastroœsophagien et des troubles gastro-intestinaux. La caroube se consomme aussi traditionnellement sous diverses formes. En Tunisie, elle est utilisée comme base de boissons gazeuses. Au Liban, le fruit est bouilli et son concentré donne une mélasse douce et onctueuse.

En chiffres

Top 4 des pays producteurs de caroube en 2019 (source FAO Stat)

Maroc : 21 500 t

Turquie : 16 200 t

Algérie : 3 500 t

Liban : 3 500 t

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