Le transfert direct de mycotoxines de la mère au poussin est possible
Une étude récente révèle que même à faibles doses, certaines mycotoxines peuvent non seulement altérer la santé des reproductrices, mais aussi affecter leurs descendants.
Une étude récente révèle que même à faibles doses, certaines mycotoxines peuvent non seulement altérer la santé des reproductrices, mais aussi affecter leurs descendants.


La preuve du transfert des mycotoxines de la mère au poussin n’est plus à faire. Un essai récent mené sur des poules reproductrices Ross 308 révèle une première preuve expérimentale du transfert de fumonisines (FB1) de la mère au poussin, y compris à des niveaux d’exposition modérés et sur une durée d’exposition courte. Longtemps considérées comme peu absorbées et vite éliminées, ces mycotoxines montrent ici une bioaccumulation réelle, avec des effets biologiques non négligeables sur les générations suivantes.
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Très peu d’études se sont penchées sur les effets des mycotoxines chez les poules pondeuses, et plus encore chez les reproductrices, alors même qu’elles cumulent plusieurs facteurs de risque. Leur durée d’élevage favorise une exposition chronique. Résultat : les toxines peuvent s’accumuler dans l’organisme, en particulier dans le foie, un organe clé pour la formation du jaune d’œuf et le stockage des vitamines essentielles au développement embryonnaire. Cela peut donc nuire à la qualité des œufs et à celle des poussins. Un risque à ne pas négliger pour préserver à la fois la performance de reproduction et la descendance.
L’objet de l’étude expérimentale menée par l’Itavi, l’ENVT et Inrae a été de faire la lumière sur le risque réel des mycotoxines pour les poules reproductrices et leurs poussins. L’essai a été conduit récemment chez la poule reproductrice chair, exposée à une alimentation contaminée par les deux mycotoxines les plus courantes en France : la zéaralénone (ZEA) et les fumonisines (FBs), toutes deux produites par Fusarium.
Un impact de la durée et de l’intensité de l’exposition
Chez les poules exposées à une ou plusieurs reprises pendant deux semaines, en phase de croissance ou de ponte, à des teneurs en fumonisines et zéaralénones inférieures aux seuils recommandés (7 et 0,5 ppm, respectivement), aucun effet zootechnique majeur (ponte, consommation, mortalité, reproduction) n’a été constaté.
En cas d’exposition plus forte (30 ppm de FBs et 0,5ppm de ZEA) et prolongée (4 semaines), une baisse significative du poids des poules (-108 g à 32 semaines d’âge), et des poussins à l’éclosion (-0,8g) a été observée, confirmant que la durée et l’intensité de l’exposition influencent les effets biologiques.
Un transfert avéré, même à faible dose
Malgré la courte durée d’exposition, des résidus de fumonisines (FB1) ont été retrouvés dans le foie des poules jusqu’à 14 jours après l’arrêt de l’exposition, soulignant leur persistance dans l’organisme.
Les analyses confirment que les fumonisines franchissent la barrière œuf-poussin : les FB1 ont été retrouvées dans les œufs ainsi que dans le foie des poussins à l’éclosion et à 7 jours d’âge, quelles que soient la fréquence ou l’intensité de l’exposition des mères. Le dosage des fumonisines B1 dans le foie des poussins apparaît comme un marqueur fiable de l’exposition maternelle. Cette preuve de transfert mère-œuf-poussin est une première, y compris à des niveaux d’exposition inférieurs aux seuils recommandés.
Au-delà des résidus, l’étude révèle une modification de la composition lipidique du foie des poules, du jaune et du blanc d’œuf, ainsi que du foie des poussins. L’étude a montré une altération des équilibres entre plusieurs familles de lipides, en particulier des sphingolipides, dont le rôle dans la gestion de l’inflammation ou le développement embryonnaire sont bien documentés.
De nouvelles pistes à explorer
Si l’effet des fumonisines est démontré, le travail se poursuit pour la seconde mycotoxine – la zéaralénone – dont les effets sur les marqueurs de reproduction, d’inflammation intestinale et du microbiote sont explorés. Autant de données qui viendront compléter cette preuve de concept d’une toxicité intergénérationnelle, jusqu’ici ignorée chez les reproducteurs.
Avec la confirmation d’un transfert possible des mycotoxines de l’aliment des mères aux poussins, la gestion du risque mycotoxine reste un enjeu stratégique pour la filière accouvage. En intégrant ces données dans les pratiques de terrain, les filières gagneront en résilience, en sécurité et en performances.
Ne pas sous-estimer le risque mycotoxines chez les poules reproductrices
Souvent pointées du doigt en cas de baisse de performance ou de troubles de santé inexpliqués en élevage avicole, les mycotoxines – contaminants fréquents des céréales – restent un sujet de vigilance pour la nutrition animale. Les fabricants d’aliment les connaissent bien : analyses régulières, seuils d’incorporation fixés avec soin, ajout de capteurs en cas de suspicion… tout est mis en œuvre pour limiter leur impact.
Des seuils ne tenant pas compte des effets « cocktails »
Issues de champignons du type Fusarium, Aspergillus ou Penicillium, les mycotoxines résistent aux procédés classiques de fabrication des aliments. Principalement présentes sur les céréales, qui constituent en moyenne 60 % de la ration des volailles, elles ont des effets qui varient selon les espèces, les stades physiologiques et le type de toxine.
En Europe, les recommandations ou seuils réglementaires concernent cinq familles principales (fumonisines, zéaralénone, DON, T-2/HT-2, aflatoxines). Toutefois, ces références s’appliquent principalement aux volailles en production, sans distinction spécifique pour les reproducteurs. En raison de leur durée d’élevage plus longue et de la fréquence des livraisons d’aliment (tous les 15 jours environ), le risque d’exposition des poules reproductrices aux mycotoxines est non négligeable. Ces possibles expositions répétées augmentent le risque d’effets chroniques ou subcliniques, pouvant affecter leur santé, leur fertilité, voire la qualité de leur descendance. Par ailleurs, les seuils actuels ne tiennent pas compte des effets d’interaction entre mycotoxines (ou effet « cocktail »), ni des variabilités de réponse entre individus ou espèces.