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Le Portugal produit le thé le plus occidental d’Europe

Du thé est produit sur l’île de São Miguel, aux Açores (Portugal), depuis la fin du XIXe siècle et fut une culture agricole importante dans la région jusque dans les années 1980. Deux plantations ont survécu sur l’île portugaise - Gorreana et Porto Formoso – et misent aujourd’hui sur la production bio. Elles sont fortement liées au tourisme.

Dans l’archipel des Açores (Portugal), la production de thé a commencé en 1874. A la fin du XIXe siècle, 14 plantations de thé étaient en activité dans le nord de l’île São Miguel, mais la plupart ont fermé dans les années 1960. De nos jours, deux plantations de thé sont en activité aux Açores, Gorreana et Porto Formoso, constituant d’importants sites touristiques de l’île. Les visiteurs peuvent déguster et acheter le thé sur place et connaître les anciennes méthodes de production et de transformation, de la feuille à la tasse, qui ont peu changé depuis le XIXe siècle.

Aux Açores, le cycle de production du thé dure de fin mars à septembre, chaque plante est récoltée plusieurs fois pendant la saison à l’aide de petites machines menées par quatre ouvriers placés de chaque côté de la ligne de plantes. La machine coupe les feuilles au sommet de la haie de thé et les souffle dans un sac en tissu, vidé à plusieurs reprises par les ouvriers. En général, les feuilles plus jeunes et les premières de la saison sont les plus valorisées. Pendant l’automne et l’hiver, les plantes hibernent, elles sont taillées et préparées pour un nouveau cycle de production au printemps. D’après les producteurs, aucun traitement chimique n’est nécessaire sur les plantations, puisque les vents de l’Atlantique fonctionnent comme une « barrière » phytosanitaire, empêchant les attaques d’insectes et les maladies. Les mauvaises herbes sont enlevées mécaniquement, sans l’utilisation d’herbicides. La fertilisation se fait surtout avec des engrais verts.

Un thé riche en L-théanine

Les sœurs Madalena et Sara Motta représentent la 5e génération à la tête du thé Gorreana. Les plantations de 32 hectares produisent de 37 à 45 tonnes de feuilles par année. Elles se situent sur la pente nord de l’île de São Miguel, à quelques mètres de l’océan, bénéficiant de conditions idéales pour le développement de la plante du thé : humidité supérieure à 80 %, ciel nuageux et températures douces tout au long de l’année. Les trois types de thé produits par Gorreana, noir, vert et oolong (thé semi-fermenté), sont tous originaires de la même plante, Camellia sinensis. Ce sont les procédures de transformation qui déterminent le produit final.

« La première feuille est à l’origine du thé noir, le plus aromatique, la deuxième feuille donne un thé noir plus fort et la troisième feuille (broken leaf), plus ancienne, génère un thé léger et bon pour faire des mélanges (blends) », explique Madalena Mota. Les thés Gorreana sont vendus sur place, dans l’usine, et exportés vers plusieurs pays, notamment l’Allemagne, le Canada et les Etats-Unis. Pour 2022, Gorreana annonce le lancement d’un nouveau lot de thé avec une forte concentration de L-théanine.

Cette substance, naturellement présente dans la plante du thé, est reconnue pour ses propriétés anti-anxiolytiques et relaxantes. L’Université des Açores a aidé l’entreprise à trouver les meilleurs lots et méthodes de production pour ce thé premium. « L’Université des Açores a collecté des feuilles de thé dans nos plantations pendant trois ans pour déterminer où sont placées les plantes les plus riches en L-théanine. Nous avons constaté, par exemple, que les feuilles récoltées après mai sont moins riches en L-théanine, à cause des effets du soleil, et que les feuilles de thé doivent être séchées trois fois à 70°C pour préserver cette substance », révèle Madalena Motta.

Porto Formoso et son festival de thé

A trois kilomètres de distance, Porto Formoso est la deuxième plantation de thé aux Açores, produisant un total de sept à huit tonnes de feuilles sèches par année, sur cinq hectares. Porto Formoso, qui a démarré son activité dans les années 1920, a dû fermer ses portes dans les années 1980. José António Pacheco achète l’entreprise et réactive la production en 2001, gardant les anciennes machines et les méthodes traditionnelles de transformation du thé. La plantation est certifiée bio. « La valeur ajoutée du thé des Açores, à part sa qualité, c’est toute l’histoire et l’ethnographie qui lui sont associées. Le thé est un atout pour le tourisme de l’île et vit beaucoup du tourisme », dit l’entrepreneur, qui vend la moitié de son thé sur place dans l’usine.

Les quatre types de thé noir Porto Formoso sont aussi disponibles dans des magasins de souvenirs et boutiques de thé et café dans l’archipel des Açores. Depuis 2001, Porto Formoso organise chaque année dans ses plantations la reconstitution de la récolte traditionnelle du thé, le premier samedi du mois de mai. Le festival coïncide normalement avec la première récolte des feuilles de thé et mobilise plus d’une centaine de personnes habillées avec des costumes d’époque. En 2019, l’usine de thé Porto Formoso a reçu 60 000 touristes, mais à cause de la pandémie les chiffres ont baissé considérablement, ils remontent lentement depuis juillet dernier.

Nélia Silva

« La valeur ajoutée du thé des Açores, à part sa qualité, c’est toute l’histoire et l’ethnographie qui lui sont associées », José António Pacheco, propriétaire du thé Porto Formoso, aux Açores

5 phases pour transformer le thé noir des Açores

La méthode traditionnelle de transformation du thé noir utilisé aux Açores comprend cinq phases :

 

1. Déshydrater : les feuilles sont disposées sur des grilles métalliques à travers lesquelles passe un courant d’air chaud, faisant perdre aux feuilles 25 % à 50 % de leur poids.

2. Enrouler : à l’aide d’une machine du XIXe siècle, les feuilles sont enroulées deux à trois fois, la pression exercée cassant les membranes cellulaires et libérant les composants naturels du thé.

3. Fermenter : les feuilles sont étalées en couches de 2,5 à 10 cm et s’oxydent au contact de l’air.

4. Sécher : le séchage se fait par flux d’air chaud, à 90°C, pendant 20 minutes, le but étant d’arrêter la fermentation.

5. Trier et emballer : après avoir été refroidies, les feuilles sont triées par taille. Le thé est ensuite stocké en silos et emballé au fur et à mesure.

Pour le thé vert le processus diffère légèrement :

Après la récolte, les feuilles sont soumises à un processus de « cuisson à la vapeur » qui conduit à l’inactivation des enzymes, empêchant l’oxydation. Les feuilles sont ensuite enroulées, séchées et enroulées encore une fois, présentant à la fin une couleur vert olive foncé. Pour obtenir 1 kg de thé sec, 4 kg de feuilles fraîches sont en moyenne nécessaires.

Les nouveaux pionniers du thé en Europe

 

Nina Gruntkowski et Dirk Niepoort, propriétaires de Chá Camelia, produisent 1 hectare de thé à Porto. © Cha Camélia

Il y a une dizaine d’années, plusieurs initiatives ont émergé en Europe pour produire du thé « haut-de-gamme » provenant de plantations non intensives, sans intrants chimiques et s’appuyant sur des méthodes biologiques. Chá Camélia est un des nouveaux pionniers du thé en Europe, au nord du Portugal. Dirk Niepoort, un des producteurs de vin de Porto les plus connus dans la région du Douro, et son épouse, Nina Gruntkowski sont à l’origine du projet en 2011. L’aventure a démarré avec 200 plantes de thé dans le jardin du couple à Porto, mais elle a rapidement évolué vers une production commerciale (1 hectare, 12 000 plantes) dans une ferme à Fornelo, aux alentours de Porto.

La troisième année de production, la récolte s’élève à 85 kg (feuilles sèches). « Nous avons beaucoup appris sur la production de thé auprès de producteurs japonais et, à part nos thés, nous vendons aussi les thés biologiques produits par ces familles japonaises », explique Nina Gruntkowski. La plantation de Chá Camélia s’appuie sur des principes d’agriculture biodynamique. Aucune machine n’est utilisée pour travailler la terre, les plantes sont traitées avec des tisanes et sont fertilisées avec un mélange de fumier de vache et de compost de matières organiques de la ferme. « Nous voulons créer un cycle durable où tout ce que nous utilisons sur la terre vient de la terre », dit Nina Gruntkowski.

 

En chiffres

Production 2018

6 millions de tonnes dans le monde

La Chine produit 2,6 millions de tonnes, soit 43 % du total mondial

Consommation 2018

5,8 millions de tonnes dans le monde(FAO)

La Chine est le premier pays consommateur

Importation 2018

L'Europe est le deuxième importateur mondial avec 228 869 tonnes. Elle achète surtout du thé noir du Kenya, d’Inde et du Sri Lanka et du thé vert de Chine.

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