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Le domaine des Jeunes Pousses invente la gestion d'un domaine viticole à durée déterminée

Confier les clés d’un domaine pendant trois millésimes à des vignerons ayant envie de s’installer, c’est le projet novateur du domaine des Jeunes Pousses initié par Thibault Liger-Belair. Le cabinet Aucap-Terravea, membre du groupement AgirAgri, a été sollicité pour trouver des solutions juridiques, comptables et sociales adaptées.

Imaginé par Thibault Liger-Belair (à droite), le domaine des Jeunes Pousses permet à Angela Quiblier et Hugo Foizel de tester leur capacité à gérer un domaine l'espace de 3 ans. Alexandra Munnier du cabinet Aucap-Terravea accompagne le projet sur le plan juridique, comptable et social.
Imaginé par Thibault Liger-Belair (à droite), le domaine des Jeunes Pousses permet à Angela Quiblier et Hugo Foizel (au centre) de tester leur capacité à gérer un domaine l'espace de 3 ans. Alexandra Munnier du cabinet Aucap-Terravea (à gauche) accompagne le projet sur le plan juridique, comptable et social.
© C. Gerbod

À Émeringes, en Beaujolais, Angela Quiblier et Hugo Foizel expérimentent une formule inédite de gestion d’un domaine viticole depuis novembre 2019. L’espace de trois ans, ces jeunes passionnés de moins de 30 ans sont à la tête du domaine des Jeunes Pousses, pour tout gérer de la vigne à la vente du vin. Plongés dans le grand bain de l’autonomie, ils font grandir leur capacité à gérer ensuite leur propre domaine. Le concept de gestion à durée déterminée pour faire éclore des nouveaux talents a été imaginé par Thibault Liger-Belair, vigneron en Côte de Nuits, également implanté à Moulin-à-Vent. Désireux de contribuer au renouvellement des générations, il a trouvé une valorisation inédite pour 5 ha de vignes en appellation chénas et beaujolais-villages. Le cabinet Aucap-Terravea l'a accompagné pour traduire ce projet sur le plan juridique, comptable et social.

Un domaine en bio clés en main à gérer

Il mène le projet avec deux investisseurs, parmi lesquels Yvan Massonnat, par ailleurs propriétaire du domaine Belargus en Anjou. Il a fallu 4 ans pour que le projet se matérialise, « le temps de comprendre les vignes que l’on avait et de les basculer en bio », précise Thibault Liger-Belair. Il a fallu également trouver un lieu de vie pour constituer l’exploitation. Un point délicat car à une demi-heure de Lyon, la pression immobilière rend les biens rares et les prix ascendants.

Restait à trouver les premiers candidats. Thibault Liger-Belair a vu en Angela Quiblier, en stage chez lui, le profil idéal. Ni elle, ni son compagnon Hugo Foizel ne sont issus d’une famille de vignerons bien qu’ils aient grandi chacun dans des hauts lieux viticoles : Poligny dans le Jura pour Angela, la Côte des Bar en Champagne pour Hugo. Mais au fil de leurs études, ils ont cumulé les références dans des domaines prestigieux et formateurs en Champagne, à Bandol, en Bourgogne (domaine de La Romanée-Conti, Hospices de Beaune, Comte de Vogüe). Ils ont travaillé ensemble chez Marie-Thérèse Chappaz dans le Valais, en Suisse, ce qui leur a permis de tester leur faculté à travailler en duo.

Un essai réalisé en conditions réelles

« Vous prenez un énorme risque », entendent-ils régulièrement dans le vignoble. Eux jugent l’opportunité exceptionnelle. « Les jeunes vignerons avec qui nous sommes en contact ont une quinzaine d’années de plus que nous », constate Hugo Foizel. « Nous bénéficions de beaucoup de bienveillance avec des personnes qui nous montrent et transmettent », disent-ils en chœur.

Ils ont donc appris à cultiver les vignes en bio et biodynamie et de façon

générale à devenir autonomes le plus possible. Tous leurs efforts se sont tournés vers l’objectif de « sortir les premiers vins pour que de l’argent rentre dans le domaine », résume Angela Quiblier. « Nous n’avions pas imaginé qu’on serait capables de faire une vidange ou de changer un câble d’embrayage », plaisante Hugo Foizel.

Pour Thibault Liger-Belair, l’objectif est de les guider sans imposer. « Ils font tout le travail, exactement comme si le domaine était à eux. On leur laisse carte blanche. On veut que les vins leur ressemblent. Ils doivent aussi réfléchir à leur démarche commerciale, leurs tarifs, présenter leurs vins, se constituer une base de clients qui leur servira pour plus tard. » La première année, il a été présent toutes les semaines. Il continue de donner des conseils. Lors de notre visite, l’œil bienveillant sur tout, il leur a suggéré de créer des ouvertures dans le film plastique entourant la palette de bouteilles pour éviter la condensation et a évoqué les traitements à prévoir alors que la météo était pluvieuse.

Expérimenter de la vigne à la vente

Concrètement, les bâtiments, les vignes et les moyens de production sont détenus par un GFV (Groupement foncier viticole). La vendange appartient à l’exploitation, la SCEA Domaine des Jeunes Pousses. L’exploitation a été dotée au départ d’un pécule de 100 000 euros permettant de faire face aux coûts de la première année. Angela et Hugo ont lancé un financement participatif via Wine Funding pour monter le chai. Le budget de 30 000 euros atteint a permis d’avoir un chai aux normes et équipé de matériel d’occasion. Ils se sont aussi fait connaître à cette occasion. Une partie de leur premier millésime sera destinée aux contreparties du financement participatif.

Gérer le chantier du chai leur a apporté une expérience en plus : travailler avec les corps de métier sollicités et ressentir le stress d’être prêts à temps. Les travaux se sont achevés 5 jours avant leurs premières vendanges. « Les suivants expérimenteront sans doute la plantation », lance Angela Quiblier.

Pour leur premier millésime, le 2020, ils ont produit 5 cuvées. Sur les 12 000 bouteilles prévues, 6 000 sont déjà embouteillées. Ils ont déjà réalisé et vendu une cuvée primeur de 500 bouteilles.

Leurs noms s’affichent sur le bouchon et bien en évidence sur l’étiquette. L’idée de Thibault Liger-Belair est que le domaine soit pour eux une véritable rampe de lancement. Ils sont très actifs sur les réseaux sociaux.

Ils préparent déjà la suite. Séduits par le potentiel de ce coin du Beaujolais, ils ont repris 2 ha sur Chénas qu’ils vendangent pour la première fois cette année. Ils se sont implantés localement. « Notre réseau professionnel, c’est ici », s’enthousiasme Angela Quiblier. Leur départ des Jeunes Pousses est prévu pour novembre 2022, après les vendanges qu’ils feront sans doute avec leurs successeurs. « On a hâte de voir ce qu’ils feront avec les mêmes terroirs », s’amuse Angela Quiblier.

Alexandra Munnier, conseillère chez Aucap-Terravea, membre du groupement AgirAgri.

« Nous avons imaginé une structure avec des coûts légers »

« J’ai convaincu de ne pas salarier les personnes à la tête du domaine pour ne pas alourdir les charges en cotisations sociales. Cela leur permet aussi de s’investir vraiment dans la gestion du domaine et donc de travailler l’autonomie. Angela Quiblier est cogérante du domaine avec Thibault Liger-Belair. Elle a donc la signature. Son conjoint est conjoint collaborateur. Nous avons imaginé une structure avec des coûts légers pour permettre de dégager une marge permettant de financer le domaine et au bout de trois ans, que les jeunes pousses puissent partir avec de quoi démarrer.

Il fallait aussi penser à une structure qui évite de devoir refaire les statuts lors du changement à la tête du domaine. Nous avons veillé à ce qu’ils puissent garder le statut de jeune agriculteur pour la suite.

L’exploitation a bénéficié d’un apport financier de 100 000 euros au départ pour financer la structure la première année.

Côté administratif, l’idée était d’avoir un système facile à gérer. Ils ont eu une formation comptable avec notre logiciel de facturation et de comptabilité. Ils peuvent saisir les factures en ligne et gérer la compta grâce à l’accès à distance. La dématérialisation nous permet de suivre en temps réel leur comptabilité.

Nous avons réfléchi ensemble aux prix de vente grâce à la détermination de leur coût de production. Lorsqu’on a fait le bilan, je leur ai montré qu’ils ne pouvaient pas vendre des vins à 5 euros mais qu’il fallait plutôt miser sur 10 à 20 euros départ cave. L’idée de partir bas pour ensuite grimper progressivement ne fonctionne pas. On ne peut pas vraiment augmenter les prix de façon sensible par la suite. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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