Aller au contenu principal

[VIDEO] Stabulation : une logette sans barre au garrot, ça existe !

Le concept innovant de la logette Omega permet à la vache de se relever vers l’avant, comme elle le fait naturellement au pré. En Haute-Marne, le Gaec de la ferme du val est le premier et le seul élevage à en être entièrement équipé.

Cela fait dix ans que l’idée a commencé à germer dans la tête de Nicolas Fournier, pareur en Haute-Marne. De par son métier, Nicolas observait fréquemment l’apparition des cerises symétriques sur les onglons internes des pattes avant. Une pathologie liée à des points de pression chez des vaches qui stationnent longtemps debout et reportent leur poids d’un pied sur l’autre pour se soulager. « J’avais beau parer, comme les vaches ne se couchaient pas, le problème revenait. Car beaucoup d’éleveurs règlent leurs logettes pour éviter d’avoir des bouses à l’arrière de la logette, c’est-à-dire pour des petites vaches, et non en fonction du gabarit du troupeau ». D’où son idée de repenser complètement la logette pour qu’elle reste propre tout en étant non contraignante pour l’animal. Nicolas Fournier a passé beaucoup de temps à observer les vaches et leur façon de se mouvoir.

Un réglage précis permettant d’avoir des logettes propres

« J’ai cherché à respecter le mouvement de bascule de balancier que la vache fait en se relevant au pré. Et le fait que lorsqu’elle est couchée, elle aime tendre une patte en avant », explique-t-il. Le résultat est « la seule logette travaillant à l’épaule, c’est l’axe de rotation de la vache ». La logette Omega n’a pas de barre au garrot. « Je ne fais que reproduire ce qui existe déjà pour des vaches à l’attache, avec un système de deux barres verticales coulissant vers l’avant sur 15-20 cm pour accompagner leur mouvement », souligne-t-il. Et quand l’animal est debout, il peut se tenir droit. Il est arrêté à l’épaule, tout en ayant la liberté de tourner la tête. L’ajout d’un angle à la structure lui permet de se jeter vers l’avant. Autre innovation intéressante : la genouillère classique est remplacée par un arrêtoir en deux parties, amovible, placé à 20 cm du sol, sous lequel la vache peut glisser une patte. Quand elle se met debout, l’arrêtoir suit le mouvement de la patte. Les bat-flancs sont classiques, échancrés à l’arrière pour pouvoir passer une balayeuse mécanique. Ils permettent de bien établir la zone de couchage de la vache. « L’animal est bloqué à l’avant au niveau de l’épaule : le réglage est précis à l’arrière, ce qui permet d’avoir peu de bouses à l’arrière de la logette ». Ce réglage sur la profondeur se fait en desserrant quatre boulons (1,60 m - 1,80 m) pour permettre au bat-flanc d’avancer ou reculer. Troisième avantage de cette logette auquel n’avait pas pensé au départ son concepteur : elle facilite la circulation dans le bâtiment, chaque logette faisant office de passage d’homme.

Il a fallu à Nicolas Fournier deux ans (de 2013 à 2015) pour concevoir cette logette. Il a fabriqué lui-même les premiers prototypes, et les a testés chez son frère éleveur. Le travail du métal, il connaît, il est aussi maréchal-ferrant. Les logettes Oméga sont aujourd’hui fabriquées par une entreprise artisanale des Vosges, EAX Mathis spécialisée dans le matériel de contention. Depuis un an, six élevages de la région ont une dizaine de logettes en test. Les observations réalisées chez ces éleveurs ont permis d’apporter des améliorations sur les tubulaires (en acier galvanisé de 3,2 mm). Par rapport à la première version, le tubulaire a été simplifié, ce qui a permis de réduire le coût. Elle est proposée aujourd’hui à 164 €HT.

« Les vaches se sont bien habituées aux logettes »

La stabulation équipée de 130 logettes Omega du Gaec de la ferme du val est entrée en service en septembre dernier. Il est encore un peu tôt, au bout de quatre mois, pour dresser un bilan, mais le premier retour sur les logettes est positif. D’autant que pour les 135 vaches, à 60 % des Simmental et 40 % des Montbéliardes, « le changement a été extrême », raconte Yannick Prat, responsable du troupeau laitier. Les vaches venaient de trois troupeaux de 40 vaches, qui étaient logés et traits dans trois bâtiments, deux en entravé et un en stabulation paillée ! ».

Aucun des trois associés n’avait donc d’expérience en logettes. Mais Yannick, qui a sillonné les élevages de la région pendant sept ans en tant que technicien de l’OS Simmental, avait tout de même une idée de ce qu’il voulait éviter. « Je voyais bien que le passage en logettes était compliqué, qu’il y avait souvent des problèmes au niveau du réglage ». L’absence de barre au garrot de la logette Omega l’a séduit. « Cela incite les vaches à aller dans la logette, elles ne mettent pas longtemps à s’habituer. Et on ne voit aucune vache deux pieds dedans et deux en dehors. »

L’automne très sec a facilité l’adaptation au nouveau bâtiment fin septembre : la nuit les vaches étaient dans la stabulation, mais la journée elles étaient au pré. « Pendant quinze jours le soir après la traite on a mis du regain dans les logettes. Le robot racleur, en dérangeant les bêtes, a bien aidé aussi. Quand le bâtiment a été fermé le 27 octobre, il restait une dizaine de récalcitrantes qu’on attachait dans les logettes ». Au final, sur 135-140 vaches, seules six vieilles vaches ont été réformées parce qu’elles ne s’habituaient pas.

Un réglage à 1,80 m pour compenser une petite pente à l’arrière

Côté pattes, tout va bien : pas de tarsites ou gros genoux observés. Le réglage des logettes a toutefois été modifié au bout de huit semaines. « Au départ, elles avaient été réglées à 1,70 m. On les a avancées à 1,80 m après avoir vu des jarrets qui commençaient à s’ébouriffer », explique Nicolas Fournier. Un problème qu’il attribue à la légère pente à l’arrière du matelas sur les dix derniers centimètres. « Le fonctionnement de la vache dans la partie arrière est important : un biais à l’arrière est contraignant quand elles prennent appui sur leurs jarrets pour se lever. Mais avec ce réglage à 1,80 m, les logettes sont plus sales que ce que je voudrais », déplore-t-il. La solution pourrait être de glisser sous le matelas un tasseau de bois pour mettre les dix derniers centimètres à niveau. « J’ai vu ces matelas posés de cette façon chez un autre éleveur. » Yannick, pour sa part, estime malgré tout la propreté de ses vaches satisfaisante, « on le voit quand on trait. Côté entretien, on enlève les bouses deux fois par jour et on met de la faine de paille. »

Au niveau largeur, la distance entre les deux bat-flancs est de 1,14 m. " Il aurait été préférable avec ces vaches de gros gabarit de les poser à 1,25 m mais on a été limité par la structure en ciment (bloc de 18 logettes en 1,20 m sur 2,50 m) », précise Nicolas Fournier. Quant à la rangée de logettes face au mur en bardage ajouré, elle laisse un espace libre devant les arrêtoirs de 70 cm. Nicolas l’estime suffisant pour l’animal, mais « c’est un minimum. »

Yannick Prat s’était demandé tout de même si la hauteur de 20 cm de l’arrêtoir ne pouvait pas être contraignante pour certaines vaches. « Quelques-unes ont un peu de mal à se coucher. C’est vrai qu’on a des vaches lourdes, pas très vives », ajoute-t-il. Il a installé une genouillère classique dans une quinzaine de logettes à la place de l’arrêtoir amovible, mais n’a pas vu de différence. Mais pour Nicolas Fournier, c’est plutôt la lame métallique (placée devant les arrêtoirs) assurant la liaison équipotentielle pour éviter les courants parasites qui pourrait freiner les vaches. Cette lame a effectivement été arrachée en plusieurs endroits. En tout cas, l’un comme l’autre vont poursuivre leurs observations. Yannick en est persuadé : « avec deux-trois adaptations (notamment en remontant de quelques centimètres la hauteur des bat-flancs), on devrait arriver à quelque chose de vraiment bien ».

À savoir

Quand elles sont mal réglées, deux pathologies sont fréquemment rencontrées dans des logettes classiques. Les tarsites au jarret liées au mouvement de frottement quand les vaches poussent sur leur jarret à cause d’une barre au garrot mal réglée. Et les problèmes de gros genoux quand les pattes tapent dans les genouillères.

Un regroupement de trois troupeaux

Les associés du Gaec de la ferme du Val se sont installés tous les trois en 2011, en reprenant chacun une ferme sur la commune de Esnoms-au-Val. « Le Gaec a été créé tout de suite, mais pendant sept ans, nous avons continué à gérer les trois troupeaux séparément. Cela nous a permis de mûrir notre projet. Si l’on s’était précipité, on n’aurait certainement pas fait les mêmes choix », affirme Yannick Prat. Le projet, d’un montant de 1,750 million d’euros, a été monté en deux ans : il comprend une stabulation de 130 places sur caillebotis intégrant un système de séchage de foin en grange, six stalles de DAC, un roto de traite intérieure Delaval de 24 places, la nurserie. Les associés ont construit le bâtiment en dehors du village au milieu de 35 ha de pâture. « Nous livrons un million de litres en AOP Epoisses et Langres (1) à Triballat Rians et transformons 22 000 litres de lait. Notre système est beaucoup basé sur l’herbe, avec une ration en hiver tout foin/regain complémentée au DAC. Cette année est une année de transition, nous avons encore beaucoup d’enrubannage. Le gros avantage de notre installation c’est qu’on peut la faire tourner sans démarrer le tracteur. C’est un gros confort ! ».

(1) Prime 27€/1000 l  et 7,5 €/g TP au lieu de 6€.

Avis d’éleveur : Florent Cressot en Haute-Marne

« L’idée de supprimer la barre au garrot est bonne »

« Nous avons 80 logettes équipées de matelas (Deru) et avec de la sciure de bois pour éponger les jus. Depuis un an, nous testons 12 logettes Omega. L’idée de supprimer la barre au garrot est bonne. Les logettes Omega ne sont pas contraignantes pour les vaches, que ce soit au niveau de la genouillère ou des bat-flancs. Elles se couchent droit comme en étable entravée. Dans nos autres logettes, elles se mettent de travers et bousent sur la logette. Nous avons récemment installé des tapis sur les caillebotis des couloirs d’exercice (ils ont dix ans et devenaient glissants) : mais avant, quand elles voulaient être debout, elles adoraient se mettre dans les logettes Oméga. Les genouillères sont bien : elles ne gênent pas du tout les vaches car elles peuvent s’escamoter. Je vois régulièrement des vaches qui mettent une patte en dessous. Les vaches se lèvent facilement. J’ai même vu une génisse très affaiblie par le vêlage s’appuyer un peu avec la tête sur le dessous pour s’aider à se relever, alors que dans les autres logettes, cette génisse est restée coincée, il a fallu le tracteur pour la mettre debout.

Les logettes Omega sont plus propres : j’ai moins de travail de nettoyage. On peut les régler en deux endroits. Il manque peut-être un peu de réglage pour les petites génisses Prim' Holstein de deux ans qui n’ont pas fini leur croissance, il faudrait pouvoir descendre en dessous de 1,60 m. Sinon le réglage est beaucoup plus facile. Il suffit d’une demi-heure pour 12 logettes : il y a quatre boulons à desserrer pour reculer les genouillères en les faisant glisser sur le tube. Et deux cavaliers sur la fixation pour bouger les bat-flancs. Avec les autres logettes, on met deux jours pour régler les 80 (il faut démonter les bas flancs, emboîter les tubes carrés…) on l’a fait trois fois.

Mon inquiétude était que les vaches se blessent avec le bout en métal des genouillères, mais au bout d’un an, pas une seule vache ne s’est ouvert la patte ou n’a fait un gros genou. Je craignais aussi que les bat-flancs se tordent, comme ils sont fixés uniquement par le bas, les vaches aiment se gratter dessus, ou que les boulons se desserrent : ce n’est pas le cas. Nos logettes Oméga ne sont pas face au mur, mais je ne pense pas que ce serait plus contraignant que la barre de métal des logettes en vis-à-vis qu’elles ont devant à elle. La question se pose plus pour ceux qui ont des logettes creuses, je ne sais pas si cela conviendrait.

L’avantage aussi, c’est de pouvoir passer à travers les logettes sans se baisser et se fatiguer. Fini de tourner en rond d’un couloir à l’autre pour aller chercher une génisse ! Avec le prix du lait, on ne peut pas réinvestir sinon… »

Les plus lus

Eleveur veau moins de quinze jours niche individuelle
Veaux laitiers : « Je ne connais ni les diarrhées ni les problèmes pulmonaires »

À la SCEA des vertes prairies, en Seine-Maritime, Nicolas Banville concentre ses efforts sur la préparation au vêlage et la…

Pièce de monnaie
Prix du lait : Sodiaal payera 485 €/1 000 l pour 2023 en conventionnel

En conférence de presse le 4 avril, Damien Lacombe, président de Sodiaal, a annoncé 14,4€/1000 litres de ristournes pour les…

veaux en igloo individuel
Les bons gestes pour des veaux laitiers en pleine forme dès la naissance

Il n’y a pas une seule et unique recette pour élever un veau. Ce qui est sûr, c’est que les premiers jours sont déterminants…

Deux stalles de robot de traite GEA
Robot ou salle de traite, les indicateurs à calculer pour bien choisir

Les tensions sur la main-d’œuvre poussent de nombreux éleveurs à sauter le pas des robots de traite. Pourtant le retour sur…

Éleveuse veaux pouponnière
« J’utilise zéro antibiotique pour élever mes veaux laitiers »

Dans les Côtes-d’Armor, le Gaec Restquelen enregistre 3,3 % de mortalité périnatale sur les quatorze derniers mois. Les…

Yohann Barbe, président de la FNPL élu le 8 avril 2024
Yohann Barbe, nouveau président de la FNPL : « Nous ne devons plus perdre ni litre de lait, ni actif pour le produire »

Yohann Barbe, éleveur dans les Vosges, a été élu président de la FNPL le 9 avril. Il livre sa feuille de route à Réussir Lait…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir lait
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière Réussir lait
Consultez les revues Réussir lait au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière laitière