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Traite : « Rationaliser ses pratiques plutôt que limiter les tâches »

Jean-Louis Poulet, responsable de projet « R&D traite » à Idele, incite à bien réfléchir en amont à la façon dont on imagine la traite. Vaches, équipements et trayeurs forment un trio indissociable.

Une traite doit être efficace et opérationnelle pour plus de 90 % des animaux. Il y a toujours environ 10 % des vaches qu’il faut gérer de façon alternative parce qu’ils viennent de vêler... 
Une traite doit être efficace et opérationnelle pour plus de 90 % des animaux. Il y a toujours environ 10 % des vaches qu’il faut gérer de façon alternative parce qu’ils viennent de vêler... 
© F. Mechekour

Qu’entend-on par traite optimisée ?

Jean-Louis Poulet, Idele.
Jean-Louis Poulet, Idele. © Idele
Jean-Louis Poulet - « L’optimisation de la traite revient à faire le maximum pour que la traite soit efficace et éviter de perdre du temps à faire des choses qui n’ont pas lieu d’être. Des choses que l’on aurait pu éviter ou faire autrement si on s’en était donné les moyens. Quand on veut optimiser la traite, on s’aperçoit qu’il n’y a pas de réelles spécificités « grands troupeaux ». En revanche, il est clair qu’on a tout intérêt à l’optimiser quand la taille du troupeau augmente. L’effet d’échelle intervient. Par exemple, le temps que l’on va perdre sur telle ou telle tâche mal réfléchie va augmenter avec le nombre de vaches traites.

Plus on va augmenter les effectifs, plus on a intérêt à avoir une optimisation globale de la traite qui tienne compte des trois éléments qui coexistent à la traite, à savoir l’animal, le matériel et le trayeur. On ne peut pas imaginer une traite saine, efficace et agréable si on ne prend pas en compte ces trois dimensions, sans en exclure une. Il suffit en effet qu’une pose problème pour que l’on ne soit pas satisfait de l’ensemble, voire même que l’on compromette un élément qui aurait pourtant été optimisé. Si vous avez des animaux qui sont au top de la génétique avec des mamelles parfaites, mais que vous utilisez une machine à traire déréglée ou mal entretenue, la traite sera une catastrophe. Si on ne se fixe que sur le matériel, on risque d’améliorer les choses de ce côté-là, mais au final de ne pas être satisfait de ce qu’on obtient parce qu’on aura raté d’autres étapes. »

Lire aussi : Travailler efficacement avec le lean management

L’efficacité de la traite dépend de quoi ?

J.-L. P. - « Il faut rationaliser ses pratiques, plutôt que chercher à limiter les tâches, investir du temps à bon escient. Se dire que parfois, passer un peu de temps, notamment à la préparation des trayons, c’est passer par la suite moins de temps à la traite. Quand la mamelle est bien stimulée, il va y avoir une décharge d’ocytocine de qualité puis une éjection du lait favorable à une traite rapide. 

Cela va dans le sens du Lean Management, la chasse à ce qui n’est pas efficace… L’application d’un produit de prétrempage sur des trayons sales n’aura aucun effet. On passe du temps à faire quelque chose d’inefficace. »

Quelle organisation préconisez-vous ?

J.-L. P. - « La qualité de la passation des consignes est primordiale. Dans les grands troupeaux, il y a souvent plusieurs intervenants. Tout le monde doit être au clair sur la façon de pratiquer. Le protocole doit être écrit.

La passation de consignes idéales doit convenir à tout le monde. Support papier, tableau, ordinateur… peu importe la façon. Le tout est d’avoir un dispositif qui soit connu et convienne à tous de façon à ce qu’il n’y ait pas de déperditions d’informations. Plus il y a d’intervenants et d’hétérogénéités des animaux, plus c’est important de clarifier les choses. »

Sur quelles bases choisir un équipement ?

J.-L. P. - « Il faut avoir un matériel adapté à l’effectif et à la façon dont on imagine la traite. Cela nécessite de bien réfléchir en amont. Le nombre de postes à gérer dépend de chaque trayeur. Il n’y a pas de règle absolue. Mais il ne faut pas que l’homme soit dépassé par la machine et vice versa. Un sous-dimensionnement provoque en effet de l’attente. Une fois que la machine est là, il faut suivre son fonctionnement et l’entretenir du mieux possible. Par ailleurs, on peut se faciliter le travail en automatisant certaines tâches telles que la fin de traite, le lavage et la désinfection des trayons.

Les assistants de traite (écran dans la fosse, ordinateur pour gérer les vaches à mettre de côté…) et le petit matériel à portée de main : servante centrale… facilitent également le travail. »

Et pour le dimensionnement des installations ?

J.-L. P. - « La course au gigantisme en termes d’installation de traite fait que cela devient compliqué : les besoins en débit d’air, en eau de lavage, sont monstrueux et on finit par avoir du mal à maîtriser les choses. Il est certainement préférable de garder une unité de traite plus raisonnable en termes de dimension et de gérer la traite par lots d’animaux plus homogènes et de tailles plus réduites mais pas forcément identiques. Pour le trayeur, c’est plus facile à vivre. »

Que doit-on faire pour optimiser le confort du trayeur ?

J.-L. P. - « Il faut tout faire pour que les conditions de travail soient agréables : éclairage, température, aération, propreté des installations et ergonomie du poste de travail. Par ailleurs, l’éleveur doit faire en sorte de ne pas devenir une variable d’ajustement pour gérer les problèmes. Normalement, la traite doit être efficace et opérationnelle pour plus de 90 % des animaux. Il y a toujours environ 10 % des animaux qu’il faut gérer de façon alternative parce qu’ils viennent de vêler, pour des problèmes de mammites… Et même pour ces animaux, il y a des moyens pour les gérer de façon optimisée, par exemple avec des lactoducs secondaires. Mais il faut respecter les critères de fonctionnement de l’équipement. Au-delà de leur prix, les équipements ont un coût de fonctionnement et doivent être bien entretenus si l’on veut qu’ils remplissent correctement leurs fonction. »

Comment protéger sa santé ?

J.-L. P. - « Dans les grands troupeaux, le nombre de répétitions des gestes et la tendance à vouloir augmenter la cadence de traite participent aux risques d’apparition de troubles musculosquelettiques (TMS). Quand la main-d’œuvre est limitante il faut tout faire pour que les choses soient optimisées du côté des animaux et de la machine à traire. Il faut regarder où est le point faible, où est la limite. Parfois c’est la main-d’œuvre qui est limitante, d’autres fois c’est le matériel. »

Traire vite et bien, est-ce possible ?

J.-L. P. - « Avec une dépose automatique, lorsque le troupeau est de bon niveau (homogénéité des mamelles, vitesse de traite), il est possible de raccourcir le temps de traite en montant le seuil de dépose du faisceau trayeur. De 150 et 400 g de lait par minute, on peut l’augmenter jusqu’à 800 g, voire même un kilo sur certains très bons troupeaux, sans que cela pose problème en termes de production ou de santé de la mamelle. Et on évite la surtraite, synonyme de perte de temps et d’agressivité de traite.

L’impact de la circulation des animaux sur le déroulement de la traite est souvent sous-estimé. En rationalisant les circuits, mais aussi en les automatisant à l’aide de portillons pneumatiques ou automatiques, des barrières poussantes… on peut gagner du temps.

Les rotos, par exemple, sont fait pour traire rapidement. Si la circulation n’est pas bonne, certains animaux hésitent à entrer et ralentissent la traite. Un roto, c’est bien, mais il faut que les animaux y arrivent régulièrement pour bénéficier de 100 % de ses capacités. »

Comment prendre soin des mamelles ?

J.-L. P. - « Il y a trop peu de dispositifs de maintien des faisceaux trayeurs alors qu’il y a plusieurs situations où ils se justifieraient pour que le faisceau trayeur soit bien équilibré sous la mamelle. Soit ils n’existent pas, soit ils sont mal positionnés, voire même dans certaines situations ils empirent le problème. Un faisceau trayeur doit fonctionner avec des gobelets bien verticaux et avec un tuyau long à lait le plus court possible et sans boucle. Et il faut veiller à ce que l’installation du dispositif ne dégrade pas autre chose : système de fixation rendant plus difficile l’intervention sur les mamelles…

Les systèmes d’automatisation de la désinfection ont également un intérêt, mais ils sont peu liés à l’effectif de vaches. Ces dispositifs sont plus faits pour gérer les risques de contamination du matériel ou des animaux. Ils ont l’avantage d’automatiser et d’homogénéiser l’approche de l’hygiène. Mais ils doivent être bien conçus, utilisés et entretenus. Ils ne sont pas nécessaires dans tous les troupeaux. Pour les robots, la propreté des mamelles est cruciale pour le bon déroulement de la traite, la qualité du lait et la santé de la mamelle. »

Vous incitez à ne pas négliger la sélection ?

J.-L. P. - « En effet. Avec la sélection, on n’obtient pas un résultat à court terme, sauf quand on réforme certains animaux. Mais, en investissant sur la durée, on peut se retrouver avec des mamelles plus homogènes, mieux conformées et beaucoup plus faciles à traire. Il y a des troupeaux où il y a tellement d’hétérogénéité qu’on n’arrive jamais à avoir le bon manchon trayeur par rapport aux trayons à traire. À l’inverse, si on a des trayons homogènes, quelles que soient leur forme et leur longueur, on arrivera à trouver un manchon trayeur adapté. Quand on a différentes races dans un troupeau, il faut faire attention à ne pas se retrouver dans une situation où il y a une énorme diversité de qualité de mamelles. La sélection sur la docilité des animaux est également un critère à prendre en compte pour améliorer le confort du trayeur. »

Le One Welfare à la traite

« On parle de plus en plus de « One Welfare » à la traite dans le sens où tout le monde doit pouvoir être dans une situation de bien être à la traite », explique Jean-Louis Poulet. Celui des animaux répond à une attente sociétale très forte. C’est également d’autant plus important chez les bovins que la décharge d’ocytocine est fondamentale pour que le lait arrive bien, que la traite soit rapide, complète et asymptomatique. « C’est la définition internationale d’une traite de qualité. »

Si c'est le cas, cela va bien se passer pour l’éleveur. Il aura moins d’incidents à gérer. Il sera dans une situation de confort mental. « La recherche du « bien-être de la machine » est à comprendre dans le sens de la mettre dans une situation où elle va donner 100 % de ses capacités en termes d’évacuation de lait et permettre une traite appropriée. »

Le saviez-vous ?

L’Institut de l’élevage pilote un programme Casdar dénommé ErgoTraite. Ce dernier vise à optimiser les traites, à la fois sur les plans fonctionnel et ergonomique. Commencé en novembre 2020, il s’achèvera en 2023.

Comment suivre la cadence avec un roto ? 

Avec un roto, il faut gérer les interactions entre les différents intervenants et notamment se débrouiller pour arriver à gérer les fins de traite. Cela veut dire avoir une dépose automatique et éventuellement se donner la capacité d’intervenir si nécessaire. « C’est plus facile à faire avec un roto intérieur parce que le trayeur étant dans la fosse, ilvoit mieux ce qui se passe et peut gérer plus facilement les situations de fin de traite qu’avec un roto extérieur. » Pour repérer les situations où la fin de traite pose problème, c’est plus compliqué. On peut dans ce cas installer des caméras. « Le mieux, c’est d’avoir un intervenant en début de traite et un autre pour gérer les fins de traite. »

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