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« Nous avons notre propre ensileuse d’occasion »

Le Gaec de la Buissonnière, dans le Rhône, récolte l’herbe avec une ensileuse d’occasion achetée en copropriété. Cette solution a permis de gagner en autonomie tout en restant cohérente économiquement.

Détenir sa propre ensileuse automotrice n’est pas chose courante dans les campagnes. Aurélien Perret en convient mais assume entièrement ce choix. Installé avec sa mère à Courzieu dans le Rhône, il conduit un troupeau de 60 laitières à 7 000 kg de lait sur une SAU d’une centaine d’hectares. Quand son voisin lui a proposé en 2013 d’acheter une ensileuse automotrice d’occasion en copropriété, il n’a pas hésité longtemps. Primo, le prix de la machine était abordable. Secundo, Aurélien touche sa bille en mécanique. Et tertio, détenir son propre matériel de récolte l’a conforté dans sa réflexion d’évolution du système fourrager. La même année, il a doublé sa surface en prairies temporaires et divisé par deux celle en maïs. « La machine datait de 1996. Elle était en bon état et son prix avait énormément décoté, témoigne-t-il. Nous l’avons achetée 20 000 euros (sans équipements) à un petit entrepreneur qui cherchait à s’en débarrasser. Ce dernier pensait initialement s’en servir pour des chantiers de maïs grain humide, mais ce marché ne s’est pas développé suffisamment. » En termes d’équipements, un nouveau pick-up de 3 m (15 000 €) a été installé, plus pratique sur la route que l’ancien qui faisait 4,20 m.

Pendant cinq ans, l’ensileuse John Deere de 350 ch a récolté annuellement une trentaine d’hectares de maïs et une cinquantaine d’hectares d’herbe en cumul sur les deux exploitations. Puis en 2019, Aurélien a racheté les parts de la machine à son voisin qui s’est orienté vers une autre production. Désormais, il ensile chaque année 35 hectares de prairies temporaires à base de RGA-fétuque-fléole-TB-TV en deux coupes au printemps, et 5 hectares de RGI cultivés en interculture entre deux maïs. « Si je ne compte pas mon temps, cette solution ne nous coûte pas plus cher que de faire venir l’ETA », estime l’éleveur.

« Nous avons gagné en autonomie et en réactivité »

« Le principal avantage d’avoir sa propre machine, c’est l’autonomie et la réactivité, apprécie Aurélien. Dès que l’on a une fenêtre météo, on sait que le matériel est prêt sous le hangar et qu’on peut démarrer ! Avant, c’était plus compliqué. Au sein de la Cuma, nous ne sommes pas assez nombreux, et les exploitations du secteur sont très diversifiées et n’ont pas les mêmes besoins. Quant à l’ETA, nous avons testé et ce n’est si simple de caler un chantier au moment qui nous arrange… »

Détenir en propre toute la chaîne de récolte, c’est aussi moins de stress. D’autant que les éleveurs jouent gros. Selon les années, l’ensilage d’herbe représente 50 à 70 % de la ration hivernale des laitières. « Quitte à miser sur l’herbe, autant se donner les moyens d’assurer la récolte du mieux possible, estime l’éleveur. Avec le niveau de production de notre troupeau, on ne vise pas à tout prix le nec plus ultra. On veut surtout intervenir dans de bonnes conditions et obtenir un compromis entre la valeur et le volume, en fauchant un peu avant l’épiaison. » Cette année, la première coupe des prairies multiespèces affiche 45 % MS, 13,6 % de MAT, 480 de NDF (fibrosité chimique) et la seconde 51 % MS, 15,7 % de MAT, 486 de NDF, pour des rendements de 3 tMS/ha chacune. Le RGI est très appétent, il sort à 32 % MS, 18,8 % de MAT et 428 de NDF.

Compétences exigées en mécanique et pilotage

Mais cette stratégie d’équipement requiert évidemment une certaine compétence en mécanique et nécessite de passer du temps à l’entretien du matériel. « Je révise l’ensileuse moi-même en amont des chantiers. Il y a deux ans, j’avais anticipé le changement de courroie en commandant la pièce à l’avance. Et en cas de problème trop pointu techniquement, je fais appel au spécialiste automoteur du concessionnaire, mais c’est rare. Selon lui, en continuant de bien entretenir la machine, elle peut tourner comme ça encore longtemps. »

Côté organisation, les chantiers sont bien rodés. Les éleveurs disposent d’une faucheuse-conditionneuse. En retirant les volets du conditionneur, ils essaient de gagner un peu en largeur d’andains (1,20 m). La récolte intervient 48 heures après la fauche maxi. Aurélien est à l’aise pour conduire l’ensileuse. « Piloter ne me fait pas peur, ça demande surtout de la concentration. » Généralement, son père tasse le silo, et pour conduire les tracteurs et remorques, il fait appel à un ancien stagiaire et à un voisin ouvrier qui peut facilement se libérer. « Le tassage et la confection du silo se font dans les règles de l’art. Les éleveurs s’attachent même à égaliser le tas manuellement à la fourche en finition, précise Mickaël Coquard, conseiller à Rhône Conseil élevage. Par rapport à un chantier payé à l’heure, ils se permettent aussi de dégager davantage de temps pour le tassage. Et ça se retrouve au niveau de l’excellente conservation du silo, qui bénéficie en outre d’un conservateur biologique. »

La reprise du fourrage est, elle aussi, très méticuleuse. « Je pioche dans le tas avec la griffe du godet par couche de 10 à 15 cm, en veillant à ce que les dents de la griffe soient bien à l’aplomb de la lame du godet. »

L’ensileuse sert aussi pour le maïs. « Avec un bec à chaîne pour le maïs en six rangs, la conduite se montre assez délicate car on ne peut pas ramasser le fourrage en travers », concède Aurélien, qui passe une bonne journée pour changer tous les équipements entre l’herbe et le maïs. « C’est du boulot de démonter le rotor, les couteaux et le contre-couteau… mais ça se fait bien », conclut ce passionné de matériel en souriant.

Chiffres clés

SAU : 100 ha dont 50 ha de prairies permanentes pâturées, 20 ha de prairies temporaires fauchées, 10 ha de mais ensilage et 20 ha de blé
Cheptel : 60 vaches à 7000 kg de lait et 25 boeufs
Main-d’œuvre : 2 UMO

Le coût de mécanisation n’explose pas

Économiquement, le coût de mécanisation de l’exploitation se situe dans la moyenne du groupe lait auquel l’exploitation se compare (17 élevages du secteur, en système mixte herbe-maïs, mais à dominante herbe). Ils s’élèvent (hors amortissement) à 62 €/1 000 l, contre 72 €/1 000 l pour le groupe. Le coût de travaux par tiers se limite à 7 €/1 000 l (3 fois moins que le groupe), et les charges de carburants et d’entretien sont un peu plus élevées (+3 €/1 000 l). L’amortissement est plus important (+5 €/1 000 l). « L’éleveur a beaucoup de matériel en propriété, mais souvent assez âgé, relève Mickaël Coquard, de Rhône Conseil élevage. Sa stratégie est cohérente car l’éleveur est précautionneux et sait faire vieillir le matériel, sans renouvellement excessif. »

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