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« Notre conversion bio avec séchoir à foin répond à nos convictions »

Au Gaec Louverné, en Mayenne. Être en phase avec leurs convictions et les attentes sociétales tout en améliorant l’autonomie de l’exploitation a amené les associés à se convertir en bio et à investir dans un séchoir en grange en 2020. Une opération blanche sur le plan économique en 2021-2022 malgré la hausse des annuités.

« Avec mon ancien système, je n’étais plus en phase avec mes convictions ni avec les attentes de la société. J’ai voulu aller vers un système plus respectueux de l’environnement et avec beaucoup plus d’herbe dans la ration des vaches. Sans ce projet, j’aurais probablement arrêté le métier », expose Jean-Noël Landemaine, en Gaec avec sa compagne Marion Gardrat, à Chantrigné en Mayenne. D’où la décision de démarrer une conversion en bio en 2018.

Ce changement de cap se réalise en conservant le troupeau de prim’Holstein (classé dans le top 100 en morphologie depuis dix ans) avec un bon niveau de production. L’amélioration de l’autonomie du système et l’abandon de l’ensilage de maïs faisaient également partie du cahier des charges qu’ils s’étaient fixé. Pour y parvenir, ils ont opté pour l’installation d’un séchoir en grange. « Les vaches sont faites pour manger de l’herbe. Mais l’enrubannage et l’ensilage d’herbe, ça ne vaut pas un très bon foin », argumente Jean-Noël.

L’ensilage de maïs disparaît de la ration

Suite à plusieurs visites d’élevages organisées par Segrafo (Séchage en grange des fourrages) et à des échanges avec des conseillers de l’association, le choix s’est porté sur un séchoir d’une capacité de stockage de 400 tonnes de matière sèche. « Nous l’avons construit à côté du bâtiment des vaches car nous n’avions pas la place pour l’installer en face de la table d’alimentation des vaches. Cela nous oblige à reprendre le foin dans la remorque autochargeuse pour alimenter les vaches. Mais le fait d’être indépendant de la stabulation le rend plus performant en termes de valorisation de la chaleur produite pour sécher le foin », précise Jean-Noël.

L’herbe sous différentes formes représente désormais la quasi-totalité du fourrage consommé par les vaches.
L’herbe sous différentes formes représente désormais la quasi-totalité du fourrage consommé par les vaches. © J.-N. Lendemaine

Les travaux ont débuté en 2019. Les premières tonnes de foin ont été séchées en avril 2020. Exit l’ensilage de maïs. L’herbe sous différentes formes représente désormais la quasi-totalité du fourrage consommé par les vaches. Il y a seulement un petit complément hivernal (1 à 2 kg/VL/j) en maïs plante entière déshydraté ou maïs épi déshydraté de l’exploitation, selon les années.

Après trois années de mise en place, le bilan est plutôt positif. Côté troupeau, les objectifs de départ sont atteints. Les 82 prim’Holstein produisent environ 6 000 litres de lait à 38,8 g/l de TB et 31,7 g/l de TP. Les comptages cellulaires sont restés inférieurs à 100 000 cellules/ml de lait. Aucun souci non plus du côté des butyriques.

Meilleure longévité et moins de génisses élevées

« Depuis que nous avons arrêté de distribuer de l’ensilage de maïs, les vaches sont en meilleure santé. Elles vieillissent très bien. Nous n’avons par exemple quasiment plus de problème de Mortellaro. C’est le jour et la nuit par rapport à notre ancien système », se réjouit Jean-Noël. Les frais vétérinaires ont été divisés par deux.

La longévité des vaches ayant été améliorée, les éleveurs n’élèvent plus qu’une quinzaine de génisses pour assurer le renouvellement contre quarante auparavant. Ils vendent des vaches en lait. Toutes les femelles non conservées pour le renouvellement sont croisées avec du Blanc bleu. « Les veaux croisés partent en moyenne à 300 euros. »

Une forte amélioration du bilan carbone

Le bilan environnemental est également très positif. « Le Gaec a baissé de 22 % ses émissions brutes de carbone (0,91 contre 1,16 éq. CO2/l de lait corrigé). L’augmentation de l’effectif de vaches a été largement compensée par la baisse des émissions liées aux cultures et achats de concentrés », décrit Didier Désarménien, conseiller agriculture biologique chez Seenovia. L’implantation de 3,2 km de haies en trois ans et l’allongement de la durée des prairies (plus de 6, voire 7 ans aujourd’hui) améliorent le bilan net grâce à l’augmentation du stockage de carbone (0,35 contre 0,12 kg éq. CO2/l de lait corrigé dans l’ancien système). « Le bilan carbone net du Gaec est très vertueux. Les émissions nettes sont passées de 1,04 éq. CO2/l de lait corrigé avant 2012 à 0,57 éq. CO2/l de lait après 2021, soit une diminution de 45 %. »

Ce bilan positif faisait partie des objectifs que s’était fixés le Gaec. Jean-Noël Landemaine regrette cependant l’absence de marché carbone qui lui permettrait un retour financier pour récompenser la mise en place de pratiques favorables à l’environnement. Le Gaec a également réduit de 4 tonnes ses déchets plastiques chaque année.

Meilleure qualité de vie et confort de travail

Le changement de système a également eu un impact positif sur la qualité de vie et le temps de travail. « La distribution de la ration hivernale est plus simple qu’avant. Le plus long, environ 15 minutes par jour, c’est pour charger l’autochargeuse. Il ne faut que 10 minutes pour la décharger. Nous repoussons le fourrage à la main. Les prairies étant implantées pour plusieurs années, nous n’avons plus les coups de bourre liés aux semis et aux récoltes du maïs. »

Jean-Noël apprécie le gain d’autonomie pour l’organisation des chantiers de récolte. Côté bémol, il faut être très disponible pour récolter l’herbe entre avril et juin. « Nous devons être deux pour l’engrangement du foin. » Mais cela pèse très peu dans la balance.

Fiche élevage

Gaec à deux associés
Livraison de lait bio depuis février 2020
Séchoir mis en route en avril 2020
500 000 litres de lait collectés par an
82 prim’Holstein à 6 000 l
102 ha dont 96 ha de prairies, 4 ha de maïs épi et 2 ha de mélange céréalier autoconsommé

Un investissement de 435 360 euros

Un mur de 4 m de haut a été construit pour faire un quai de déchargement surélevé pour éviter de descendre le bras de la griffe trop bas. Cet aménagement a engendré un surcoût de maçonnerie.
Un mur de 4 m de haut a été construit pour faire un quai de déchargement surélevé pour éviter de descendre le bras de la griffe trop bas. Cet aménagement a engendré un surcoût de maçonnerie. © J.-N. Lendemaine

Le coût global du séchoir a été de 547 763 euros. Le Gaec a bénéficié de quatre subventions : Leader (40 000 euros), PCAE (32 400 euros), syndicat d’eau du Nord Mayenne (20 000 euros) et conseil départemental (20 000 euros). Grâce à ces subventions, le montant restant à financer par les éleveurs a été ramené à 435 360 euros remboursé sur 13 ans avec un taux d’intérêt de 2,5 %. Un mur de 4 m de haut a été construit pour faire un quai de déchargement surélevé afin d’éviter de descendre le bras de la griffe trop bas. Cet aménagement a engendré un surcoût de maçonnerie. En revanche, des économies ont été réalisées grâce au recours à de l’autoconstruction pour réaliser le bardage et les aménagements intérieurs, à l’exception du plafond.

Une opération blanche sur le plan économique

Malgré une hausse des annuités de 42 000 euros et de la facture d’électricité, le bilan économique en 2021-2022 est resté équivalent à ce qu’il était avant le changement de cap.

Didier Désarménien, conseiller bio chez Seenovia. « L’augmentation des charges a été compensée par l’amélioration de la marge brute, +67 000 € dont 52 000 € liés à la valorisation du lait en bio. »
Didier Désarménien, conseiller bio chez Seenovia. « L’augmentation des charges a été compensée par l’amélioration de la marge brute, +67 000 € dont 52 000 € liés à la valorisation du lait en bio. » © F. Mechekour

En y ajoutant l’autochargeuse (65 000 € d’investissements amortis sur 10 ans), l’investissement total lié à la mise en place du séchage du foin en grange a généré 42 000 € d’annuités soit 100 €/t de foin séchée/an. Pour autant, « le passage en bio avec la mise en place du séchoir s’avère actuellement neutre sur le plan économique », indique Didier Désarménien, conseiller agriculture bio chez Seenovia. Ce dernier a comparé la situation économique du Gaec lorsqu’il était en vitesse de croisière en conventionnel jusqu’en 2016(1) avec celle de la campagne 2021-2022.

Un bilan neutre malgré une augmentation des charges de structure (hors main-d’œuvre et amortissement) de 270 €/ha (de 700 à 970 €/ha), soit une hausse globale de 27 000 €. Les charges de carburant ont baissé de 22 €/ha mais la facture d’électricité a été multipliée par cinq, de 4 000 € à 19 000 €/an, en 2021. Le Gaec a en effet consommé 100 000 kWh de plus en 2021 (0,135 €/kWh) liés au séchoir.

« 2021 a été une année particulière. Nous avons séché beaucoup de foin (550 t) et les conditions météo n’étaient pas idéales. En 2022, il y a eu moins de fourrage et nous avons récolté une partie de l’herbe en affouragement en vert. La note d’électricité est redescendue à 13 000 € », relativise Jean-Noël Landemaine. Lequel envisage d’investir dans des panneaux photovoltaïques à court terme pour améliorer l’autonomie énergétique de l’exploitation.

« L’augmentation des charges a été compensée par l’amélioration de la marge brute : +67 000 € dont 52 000 € liés à la valorisation du lait en bio », précise Didier Désarménien. Le bilan économique 2022 devrait être similaire à celui de l’année 2021 (première année de valorisation complète en bio).

Au-delà, il est difficile de se projeter. De nombreuses incertitudes demeurent sur l’évolution du prix de l’électricité et des aides de l’État (bouclier tarifaire). Le Gaec doit renouveler son contrat avec Enedis en 2023. L’évolution du prix du lait bio reste également incertaine.

(1) 60 prim’Holstein à 8 000 litres, 25 taurillons et 5 à 10 bœufs vendus par an, 102 ha de SAU dont 25 ha de maïs et 25 ha de céréales à paille.

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